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Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 10 septembre 2024, la France a presque un gouvernement, et voilà votre briefing hebdo.
CENSURE PRISE • Le 5 septembre, Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier premier ministre. Cet ancien commissaire européen a été préféré à Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, tous deux soumis à une menace de censure automatique de la part du RN. De son côté, le NFP a réagi en annonçant qu’il déposerait immédiatement une motion de censure pour renverser le nouveau gouvernement. En l’état, ce dernier devrait pouvoir s’appuyer sur 235 sièges à l’Assemblée, avec 166 provenant du camp présidentiel, 47 du groupe LR, et 22 du groupe LIOT.
Dans son discours de prise de fonction, le premier ministre le plus âgé de la Cinquième République a listé ses priorités : école, sécurité du quotidien, maîtrise de l’immigration, travail et niveau de vie des Français. Selon ses mots, il s’attachera avant tout à “dire la vérité sur la dette financière et écologique”.
Deux moments s’annoncent clés pour le nouveau premier ministre : le discours de politique générale et le vote de loi de finances, que le RN a explicitement cité comme des occasions d’imposer ses termes sous peine de censure du gouvernement, qu’il pourrait obtenir en unissant ses voix avec celles du NFP. Ces deux moments qui n’interviendront pas avant la rentrée du Parlement le 1er octobre, sauf convocation d’une session extraordinaire d’ici là.
M. Barnier, L. Wauquiez, X. Bertrand et quelques autres, dans le gouvernement Fillon 2 (2007) © France 3 / Ina
REUNION DE FAMILLE • Michel Barnier a reçu des responsables de LR vendredi 6 septembre au matin : Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Gérard Larcher. Ceux-ci ont affiché la volonté de LR de rejoindre le nouveau gouvernement. Le camp présidentiel, désormais emmené par Gabriel Attal revenu à l’Assemblée, compte néanmoins préserver un certain nombre de portefeuilles ministériels, du fait de sa prévalence dans la majorité relative soutenant le gouvernement.
La nomination de Jérôme Fournel comme directeur de cabinet, anciennement directeur de cabinet du ministre de l’économie et des finances (et ayant par ailleurs occupé les fonctions de directeur général des finances publiques) assure une continuité minimale au moins en matière de finances publiques, alors que la France doit présenter un budget en nette consolidation pour respecter le Pacte de stabilité et de croissance européen.
LES CHANTIERS DE LA GLOIRE • En plus des surprises programmatiques que le gouvernement Barnier nous réserve, nous suivrons dans les prochains mois les spectres des projets de lois hantant encore les couloirs des ministères depuis leur disparition dans les limbes de la dissolution de l’été (dont nous vous parlions ici). Etaient notamment portés disparus des textes stratégiques comme le projet de loi sur la fin de vie, qui a pourtant fait l’objet de 300 heures de débats constructifs entre la Convention citoyenne et l’assemblée ; la proposition de Loi présentée par les Démocrates en réaction à la réforme annoncée de l’assurance chômage, et la fusion des entreprises de l’audiovisuel public. S’y ajoute le dossier des retraites, maintenant qu’une majorité des députés se réclame de programmes demandant l’abrogation du report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite.
LOLF : QUI RIT, SORT • Le temps presse pour lancer le vote de la loi de finances pour 2025 : en principe, l’article 39 de la loi organique relative aux loix de finances (LOLF) exige que le projet de loi portant le budget soit présenté au plus tard le premier mardi d’octobre, ce qui impliquerait que le texte soit, dans les vingt prochains jours, bouclé, délibéré en Conseil des ministres, et présenté au Haut conseil des finances publiques autour du 13 septembre, puis à la section des finances du Conseil d’Etat autour du 24 septembre. Il y a plus : pour respecter l’article 41 de la LOLF, les débats à l’Assemblée ne peuvent débuter qu’après adoption en première lecture du projet de loi d’approbation des comptes 2023, qui n’a toujours pas été discuté, pour cause de dissolution.
Or, faute de gouvernement de plein exercice, les textes budgétaires, qui ont une forte charge politique, n’ont pas avancé comme le prévoyait le gouvernement pré-démission. Fin août, les députés Cocquerel et de Courson, de la commission des finances, ont publiquement pressé les ministères économiques de leur fournir les éléments concernant les dépenses pour l’année écoulée, qui étaient attendus pour la mi-juillet. En réponse, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave leur ont transmis un courrier faisant état d’un “sérieux dérapage” dans les finances publiques, alors que depuis cet été, la France fait déjà l’objet d’une procédure à Bruxelles pour déficit excessif.
Sans aucun document formalisé, le risque d’un retard dans l’adoption du budget se fait sentir ; de là, trois scénarios se dégagent. Primo, le texte pourrait être déposé avec juste assez de retard pour laisser le temps aux parlementaires de se prononcer en temps utile sur le budget avant le début de 2025, soit autour du 10 octobre : l’article 47 de la Constitution réclame au minimum 70 jours pour les débats. Secundo, comme le prévoit la LOLF en cas de gros retard, le gouvernement pourrait demander un vote sur les seules conditions générales de l’équilibre budgétaire, reléguant le reste du texte à un vote ultérieur. Tertio, si cette procédure n’aboutit pas non plus, le gouvernement pourrait faire adopter en procédure accélérée un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants, jusqu’à vote d’un budget complet.
Nous sommes le 10 septembre, le prochain ministre des finances publiques ne s’est pas encore fait connaître, l’heure tourne.
QUI VICHERAT, VERRA • L’administrateur provisoire de Sciences Po, Jean Bassère, a présenté le 4 septembre un plan de rentrée visant à “restaurer la sérénité” dans l’institution, éprouvée par les évacuations forcées de militants de la cause palestinienne de mars à juillet 2024.
Le plan prévoit l’ajout d’un enseignement pour les étudiants de première et deuxième année sur la liberté d’expression, un module sur la lutte contre les discriminations, la sensibilisation et la formation des étudiants à la résolution amiable des conflits avec en particulier le recrutement d’une vingtaine de médiateurs étudiants (formés et supervisés spécifiquement) sur les campus de Sciences Po Paris au Havre, à Reims et à Poitiers. Un nouveau règlement, entré en vigueur pendant l’été, introduit la notion “d’atteinte à la réputation” de l’établissement. Les collectifs non reconnus comme association loi 1901 - comme c’est le cas du Comité Palestine - ne pourront pas utiliser le logo de l’institution dans leurs tracts et affiches.
Du 5 au 6 septembre, un comité ad hoc a auditionné les candidats à la direction et a retenu trois noms : celui de Arancha Gonzalez Laya, ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole et doyenne de la Paris school of international affairs (PSIA), Rostane Mehdi, directeur de l’IEP d’Aix en Provence et Luis Vassy, ancien élève de Sciences Po et de l’école nationale d'administration et actuellement directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères.
ANTICOR DEFENDANT • Par un décret publié au JO du 5 septembre, l’association de lutte contre la corruption Anticor a récupéré son agrément, après plus d’un an de contentieux devant les juridictions administratives. Ce droit, dont elle disposait de 2015 à 2023, lui permet de se constituer partie civile dans les affaires d'atteinte à la probité. Mais en juin 2023, le tribunal administratif de Paris avait annulé le renouvellement de l’agrément, accordé malgré des doutes sur la probité des financements de l’association.
A l’hiver 2023, Anticor avait alors sollicité un nouvel agrément auprès du gouvernement, qui avait implicitement refusé de l’accorder, ainsi qu’au printemps 2024. Début août, ce refus implicite avait été suspendu en référé par le tribunal administratif, sans aucun effet concret ; le 4 septembre, finalement, le tribunal enjoignait au Premier ministre de réexaminer la demande de l’association sous 24 heures. Le jour même de son départ, Gabriel Attal accordait enfin l’agrément, valable trois ans, considérant que les nouveaux statuts de l’association garantissent un degré suffisant de transparence.
Cette décision est la fin d’un feuilleton juridique autant que politique : le ministre de la justice et la Première ministre de l’époque, tous deux mentionnés par des affaires dans lesquelles Anticor intervenait, avaient dû se déporter de l’examen de sa demande ; en outre, aucun motif de refus d’octroi n’avait jusqu’ici été communiqué, alors que l’association était privée de moyens d’action juridique pendant plus d’un an.
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Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin et Nicolas de Renghien. À la semaine prochaine !