Hexagone est sur X et LinkedIn
Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 18 juin 2024, et voilà votre briefing hebdo.
Le Briefing : branle-bas de combat
Si vous étiez parti jouer les trappeurs en zone blanche ces dix derniers jours, il y a des chances pour que vous ne reconnaissiez pas grand chose dans le paysage politique français à votre retour : gauche unie, droite éparpillée en autant de factions que de circonscriptions, majorité disparue, et surtout, plus d’Assemblée nationale. Depuis Good Bye Lenin, on n’avait pas inventé de retournement politique aussi brusque, et pourtant tout ça est assez compréhensible : dans 5 minutes, vous saurez (presque) tout.
Assemblée nationale @Mbzt
GEOMÉTRIE VARIABLE • Emmanuel Macron a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale et convoqué de nouvelles élections législatives pour le 30 juin et le 7 juillet (voir notre dernière édition), en fixant au dimanche 16 juin le dépôt des candidatures pour celles-ci.
Depuis, quatre blocs politiques se sont constitués, dans une géométrie tout à fait différente de celle des dernières législatives.
En 2022 l’extrême droite n’avait pas réussi à constituer une alliance stable, la droite traditionnelle avait mené une campagne traditionnelle, la majorité avait été rognée sur sa gauche et sur sa droite, conservant une majorité relative, et la NUPES avait conquis 151 sièges, soit autant que LR et RN réunis.
En 2024, la majorité présidentielle comptait consommer, grâce à la dissolution, la division qui régnait à gauche pendant les campagnes européennes. Une campagne express profitant aux partis les plus structurés, les gauches auraient dû s’y heurter.
Au contraire, du Nouveau parti anticapitaliste jusqu’à l’ancien président de la République socio-démocrate François Hollande, tous les partis de gauche se sont unis dans un “Nouveau Front Populaire” dont les dissensions ont été remises à plus tard, la priorité en étant de battre les candidats de l’extrême droite partout où ce sera possible.
Du côté de l’extrême droite, le RN a voulu profiter de son succès aux Européennes pour réunir les forces de droite dans un “Gouvernement d’union nationale” identifiant comme repoussoir la perspective de l’arrivée de la gauche au pouvoir.
Las, les unions qui semblaient déjà négociées avec le parti zemmouriste Reconquête et les Républicains d’Eric Ciotti se sont effondrées : LR ressort désuni d’une semaine rocambolesque, et le RN n’a pas les coudées franches dans toutes les circonscriptions sensibles à ses idées. Le parti présidentiel, lui, diabolise des deux côtés, en se présentant comme un remède contre le chaos général.
PROGRAMME RAPIDE • La comparaison des programmes donne une idée des grandes lignes de la campagne qui débute. Le thème de l’immigration, imposé par le RN, sera en bonne place ; mais aussi le retour de la retraite à 60 ans, porté par le NFP et par le RN contre LR et Renaissance, ou encore le niveau d’imposition.
Pourtant très divisés lors de la campagne pour les élections européennes, les partis de gauche ont trouvé un rapide accord le 12 juin dernier, se regroupant sous la bannière du Nouveau Front Populaire (NFP). Si le centre-gauche y apparaît plus influent que dans la NUPES (en gagnant 100 investitures, de 70 à 170, par rapport à 2022), la plateforme politique rendue publique le 14 juin reste néanmoins plutôt dominée par la frange LFI de la coalition. Un “état d’urgence social” serait ainsi décrété dès les premiers jours de gouvernement, avec des mesures telles que le blocage des prix des biens de premières nécessité et l’abrogation des décrets d’application de la réforme des retraites, et le mouvement promet l’instauration d’une VIème République à plus long terme.
Les Républicains, empêtrés dans le déchirement de leurs instances dirigeantes, ont présenté peu de grandes lignes pour leur campagne ; néanmoins, ils défendent un statu quo sur les retraites, une baisse des cotisations sur les salaires, et un durcissement de la loi sur l’immigration. Valérie Pécresse a aussi évoqué une réforme des institutions permettant d’assouplir l’interdiction de cumul des mandats.
Le RN a, de son côté, mobilisé les principaux thèmes de l’extrême droite : suppression du droit du sol, peines planchers, suppression des allocations aux parents de mineurs récidivistes. Après un flottement, le RN et ses candidats ont annoncé qu’ils souhaitaient revenir à la retraite à 60 ans, pour les seuls cotisants ayant commencé à travailler avant 20 ans.
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Cette semaine, avec le site Agriculture-circulaire, nous vous proposons de découvrir le travail de Mathieu Bessière, ingénieur agricole spécialisé dans les systèmes d’élevage durable. Mathieu est à l’origine du développement du pâturage tournant dynamique depuis 2010, et formateur sur ce sujet auprès des éleveurs qu’il accompagne vers des pâtures productives, fertiles et résilientes.
L’ingénieur explique que les bilans carbones réalisés dans le domaine agricole font souvent fit des services écosystémiques rendus par les herbivores dans les prairies où ils se nourrissent — et qui stockent d’importantes quantités de CO2. La question est complexe : Mathieu Bessière explore donc les différentes alternatives aux animaux d’élevage dans les prairies et ce qu’il se passerait si ceux-ci venaient à disparaitre.
Pour découvrir les perspectives de Mathieu en détail, lisez l’article dans son intégralité sur ce lien.
Mais aussi
MARCHÉS ÉCHAUDÉS • Face à une tripartition politique qui laisse de grandes chances de voir un parti politique radical prendre le pouvoir le 7 juillet prochain, les marchés financiers ont montré des signes d’inquiétude. Le spread [différence de taux] entre les dettes française et allemande à 10 ans a nettement augmenté, à 80 points de base le 14 juin, alors qu’il était d’environ 50 pb avant les élections européennes. Que peut-on attendre des programmes du RN et du NFP en termes de finances publiques ?
Le Rassemblement national n’a présenté pour l’instant qu’une profession de foi en huit points, le 13 juin, relativement peu détaillée. Les mesures en faveur du pouvoir d’achat (baisse des factures d’électricité, réduction de la TVA sur le gaz, le fioul et les carburants) y figurent en bonne place. En revanche, Jordan Bardella a affirmé, mardi 11 juin, que revenir sur la réforme des retraites ne serait pas prioritaire s’il accédait au pouvoir, renvoyant ce dossier à un « second temps ».
Le RN a mentionné à plusieurs reprises la situation dégradée des finances publiques, suggérant que son programme de 2022 du RN serait devenu caduc. L’Institut Montaigne avait chiffré à 102 milliards la dégradation du solde budgétaire découlant de ce programme, soit environ 4% du PIB. Peu réaliste, alors que le gouvernement de Liz Truss au Royaume-Uni était tombé pour une relance budgétaire deux fois moins importante, qui avait provoqué une réaction brutale des marchés financiers et une soudaine dégradation des conditions d’emprunt du Trésor britannique.
De son côté, le NFP a présenté un programme économique et budgétaire plus précis. Selon ses promoteurs, les nombreuses nouvelles dépenses seront financées par de nouveaux prélèvements. Si aucun chiffrage n’a encore été fait par un organisme indépendant, les promesses d’abrogation de la loi sur les retraites, d’augmentation du minimum vieillesse ou d’augmentation de 10 % du salaire des agents de la fonction public devraient représentent à eux seuls plusieurs dizaines de milliards d’euros de nouvelles dépenses ou de manque à gagner pour les pouvoirs publics.
Côté financement, l’impôt sur le revenu serait rendu plus progressif, tout comme la CSG et l’impôt sur les succession pour les plus gros patrimoines. L’ISF serait rétabli avec une nouvelle composante écologique (dans son ancienne version, son rendement serait aujourd’hui de 4,5 milliards d’euros), le prélèvement forfaitaire sur les plus-values serait supprimé et l’exit tax rétablie (sur les contribuables déplaçant leur résidence fiscale à l’étranger), deux mesures qui pourrait rapporter entre 1,9 et 3 milliards d’euros selon les estimations. Les cotisations patronales seraient augmentées de 0,25% pour financer le régime des retraites.
En toile de fond, le Sénat poursuit sa mission d’audit du dérapage des finances publiques de l’année passée. La mission d’information du Sénat a présenté un rapport très critique jeudi 13 juin, pointant des “paris risqués” et un manque de réactivité, alors qu’une note de novembre 2023 du directeur général des finances publiques alertait déjà sur de fortes moins-values en recouvrement par rapport aux prévisions initiales.
Toujours est-il que le parti présidentiel fait de la crédibilité en matière économique son argument principal pour les législatives à venir. Las, cela n’a pas suffi pour convaincre Les Républicains de former une coalition, malgré des rumeurs d’accords locaux lancées par le JDD. L’alliance rapide à gauche aurait également surpris la majorité, après des élections européennes caractérisées par de profondes dissensions entre les partis désormais rassemblés sous la bannière du NFP. Les projections de l’institut de sondage Harris Interactiv - à prendre avec beaucoup de précautions - font état d’une sévère contraction pour la majorité présidentielle, qui n’aurait plus qu’entre 125 et 155 sièges (contre 250 aujourd’hui). Le même institut place le RN à 235 - 265 sièges, le NFP à 115 - 145 et LR à 40 - 55. La majorité absolue étant pour rappel à 289 députés.
ÇA BOUGE ENCORE • Sous l’apparente torpeur qui s’est installée au Palais Bourbon, la production normative n’est pas tout à fait au point mort, mais s’en rapproche. Concrètement, la première conséquence de cette dissolution est l’interruption totale et définitive des débats sur les textes non encore adoptés. Cela concerne les projets et propositions de lois bien sûr, mais aussi les enquêtes parlementaires, rapports d’information et commission d’enquête.
Disparaissent notamment des textes stratégiques comme le projet de loi sur la fin de vie, qui a pourtant fait l’objet de 300 heures de débats constructifs entre la Convention citoyenne et l’assemblée ; la proposition de Loi présentée par les Démocrates en réaction à la réforme annoncée de l’assurance chômage, et la fusion des entreprises de l’audiovisuel public.
Aucun de ces textes ne reprendra son chemin parlementaire de lui-même. Pour autant, il reviendra au gouvernement en place à partir de juillet de déposer, ou non, certains de ces textes sur le bureau de l’Assemblée, dans la version qui lui plaira. Les commissions d’enquête sur la dette, sur l’autoroute A69 ou sur les violences dans le cinéma disparaissent et ne rendront pas leurs travaux.
En revanche, le Gouvernement Attal poursuit en ce moment le travail sur les textes législatifs qui n’ont pas encore été transmis à l’Assemblée, et dont l’examen est en cours ou en préparation devant le Conseil d’Etat.
Les projets de loi adoptés par les deux chambres ne seront pas affectés et pourront être promulgués normalement, même si Emmannuel Macron pourrait décider de reporter leur signature par opportunité politique.
Nos lectures de la semaine
Hexagone est préparé et rédigé par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !
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