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Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi, nous sommes le 23 décembre 2025, et voilà votre 90e briefing hebdo !
BIS REPETITA PL(F)ACENT • Présenté hier soir en Conseil des ministres, le projet de loi spéciale remplaçant la loi de finances pour 2026 devrait être examinée aujourd’hui à l’Assemblée et au Sénat. Comme en décembre 2024, aucun budget n’a été adopté par le Parlement.
Aucune option n’étant expressément prévue dans ce cas par la Constitution, le Conseil constitutionnel autorise depuis 1979 le Parlement à adopter une loi “qui autorise le Gouvernement à continuer de percevoir les impôts et les taxes” (Décision 79-111 DC).
Chaque année, la marmotte Phil est sortie de son terrier après une cérémonie complexe, spectacle maintenant habituel dont les habitants de Punxsutawney ne semblent pas se lasser.
PAS D’ACCORD • L’échec de la CMP du 19 décembre sur le projet de loi de finances pour 2026 a acté l’impossibilité de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, malgré des convergences sur la majorité du texte.
Les parlementaires s’étaient accordés sur 259 des 263 articles et 44 des 47 missions, mais sont restés bloqués sur quelques points structurants, en particulier la surtaxe exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, maintenue par l’Assemblée et supprimée par le Sénat.
L’échec de la CMP entraîne mécaniquement la poursuite de la navette au-delà du 31 décembre, empêchant l’adoption du budget dans les délais constitutionnels.
Face à cette impasse, le gouvernement a préparé le dépôt d’une loi spéciale, comme en décembre 2024, afin de garantir la continuité financière de l’État malgré l’absence de budget voté. Le texte, très court, doit permettre à l’État de prélever les impôts existants, d’assurer les recettes des collectivités et d’autoriser des emprunts de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale.
Il sera accompagné d’un décret ouvrant les services votés, c’est-à-dire des crédits strictement limités au niveau voté l’année précédente, permettant uniquement les dépenses indispensables, notamment le paiement des fonctionnaires.
SOUS LE SAPIN • Le Conseil d’État a été saisi en urgence pour rendre un avis rapide ; le texte a été examiné en conseil des ministres lundi soir, avant un passage accéléré à l’Assemblée puis au Sénat dans la semaine.
Les limites de la loi spéciale sont importantes. Le gel des dépenses au niveau de 2025 équivaut à une année blanche budgétaire, interdisant toute mesure nouvelle et empêchant la mise en œuvre de hausses prévues, par exemple les 6,7 milliards d’euros supplémentaires pour la défense, ou l’ensemble des réformes fiscales programmées dans le PLF.
Seules les économies prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, déjà adopté, pourront entrer en vigueur, mais les autres mesures d’ajustements budgétaires ne pourront pas être appliquées.
Ce cadre conduit mécaniquement à un déficit plus élevé que celui visé par le gouvernement, faute de pouvoir activer les recettes nouvelles et les mesures d’économies prévues dans le PLF.
Un gel prolongé des dépenses deviendra rapidement intenable en raison de la hausse automatique de certaines charges, comme les intérêts de la dette ou la masse salariale, et nécessitera une loi de finances en bonne et due forme avant le printemps.
Malgré la pression croissante ce weekend d’une partie des responsables politiques (LR, horizons, mais aussi PS) pour recourir au 49.3, le gouvernement a finalement retenu l’option de la loi spéciale, afin d’éviter une motion de censure et de laisser du temps pour négocier un budget en janvier.
PAS DE PEINE POUR SHEIN • Par un jugement du 19 décembre dernier, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de l'État de blocage total de la plateforme SHEIN. L’Etat avait assigné en procédure d’urgence la société qui édite la plateforme, Infinite Styles Services, sur le fondement de l’article 6-3 de la loi pour la confiance en l’économie numérique, qui autorise le président du TJ à prendre “toutes les mesures” pour empêcher les dommages causés par le contenu d’une plateforme numérique.
Pour empêcher la vente de plusieurs produits manifestement illicites qui avaient été signalés récemment (dont des poupées sexuelles à caractère pédopornographique, des armes de catégorie A, des médicaments interdits de vente en ligne), l’Etat demandait une suspension de 3 mois sous astreinte, maintenue tant que la société n’aurait pas justifié de mesures de contrôle adéquates.
Pour rappel, au sens du droit européen des plateformes, il n’existe pas de responsabilité générale des “intermédiaires techniques” de rechercher les contenus illicites qu’ils hébergent, mais ils sont tenus d’agir rapidement dès qu’une notification suffisamment précise leur a été adressée (cf. CJUE n° C-682/18, §12 s.).
Le président du TJ a donc considéré que, malgré la gravité des atteintes à l’ordre public, la mesure de blocage serait “disproportionnée” et porterait atteinte à la liberté d’entreprendre, puisque tous les produits identifiés avaient déjà été retirés de la plateforme.
Cette décision coïncide avec celle rendue le même jour par le même tribunal dans l’affaire du streamer Jean Pormanove, dans laquelle l’Etat demandait le blocage de la plateforme de streaming “Kick”.
Le quarantenaire utilisait cette dernière pour publier des vidéos en direct, et avait trouvé la mort en direct lors de l’une de ces émissions. Là encore, le TJ juge que Kick “n’est pas, de manière systémique, porteuse de contenus dommageables”.
PLUMITIFS PLUMÉS • Le Sénat a rejeté le 18 décembre une proposition de loi transpartisane présentée par Monique de Marco (Ecologistes) visant à garantir une continuité des revenus aux artistes-auteurs, sur le modèle du statut d’intermittent du spectacle.
Pour rappel, le régime des intermittents du spectacle permet d’accéder au chômage entre deux productions, à condition d’avoir déclaré un minimum de 507 heures de travail sur l’année. En revanche, entre deux commandes ou vente d’oeuvres, les auteurs, scénaristes, peintres ou illustrateurs n’ont pas accès à ce type de lissage de leurs revenus, et ne peuvent pas bénéficier du chômage en cas de suspension de leur travail.
L’allocation envisagée par le texte était proportionnelle aux revenus de l’année précédente, et ouverte aux artistes-auteurs ayant travaillé au moins 300 heures par an, avec un montant minimal de 85% du SMIC.
La mesure aurait concerné environ 60 000 artistes à plein temps parmi les 450 000 inscrits, selon les statistiques de l’URSSAF Limousin, guichet national des artistes auteurs. Elle aurait pu être financée par une taxe sur les transactions de commerce d’art ou reportée sur les diffuseurs des œuvres écrites.
Néanmoins, l’opposition de Rachida Dati, ministre de la Culture, a eu raison du texte : elle craignait devant le Sénat de “transformer les artistes-auteurs en fonctionnaires de l'art subventionnés par l'assurance chômage”, préférant renforcer les négociations sectorielles avec les éditeurs, producteurs et diffuseurs.
Cette étude de la Fondation Jean Jaurès qui publie 50 contributions autour de la laïcité, à l’occasion des 120 ans de la loi de 1905.
Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. Hexagone revient début janvier, bonnes vacances à ceux qui en prennent !
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