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Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi, nous sommes le 16 décembre 2025, et voilà votre 89e briefing hebdo !
CE QU’ON PROMIT • Après l’échec de la commission mixte paritaire sur le PLFSS 2026, le texte a été adopté en nouvelle lecture le 9 décembre à l’Assemblée nationale par 247 voix contre 234, avec l’abstention de la majorité du groupe EELV et Horizon mais avec le vote en faveur des socialistes et de LR.
Le bloc central en image (vote du 9 décembre sur le PLFSS à l’Assemblée nationale)
Le Sénat a immédiatement déposé une question préalable, ce qui revient à rejeter le texte sans examen, et renvoyer le PLFSS à l’Assemblée nationale pour une lecture définitive, programmée aujourd’hui mardi 16 décembre. La majorité fragile de la semaine dernière devra être reconstituée pour que le texte soit définitivement adopté.
Le contenu du texte a largement évolué par rapport à la copie initiale. Le déficit de la Sécurité sociale pour 2026, d’abord fixé à 17,5 milliards d’euros, a été revu à la hausse pour atteindre 19,4 milliards, reflétant les modifications votées par les députés. L’Ondam, initialement fixé à 1,6 %, a été porté à 3 %, soit 274,3 milliards d’euros, avec un ciblage accru en faveur des soins de ville et des hôpitaux.
Plusieurs mesures structurantes ont également été intégrées au fil de la navette : suspension de la réforme des retraites jusqu’en 2028, introduction d’une hausse partielle de la CSG sur les revenus du patrimoine, maintien des exonérations de cotisations salariales pour les apprentis, renoncement au doublement des franchises médicales.
Ces ajustements ont des effets budgétaires directs sur le Projet de loi de finances. Les modifications apportées au PLFSS — en particulier la hausse de l’Ondam et la suspension de la réforme des retraites — génèrent un besoin de financement supplémentaire de 4,5 milliards d’euros pour le budget de l’État. Le gouvernement doit donc intégrer ces évolutions dans le PLF, déjà en difficulté lors de son examen au Sénat.
L’articulation entre les deux textes complique la fin du calendrier budgétaire : une adoption définitive du PLFSS avant Noël n’épuise pas les incertitudes autour du budget de l’État, dont une version remaniée a été adoptée par le Sénat hier, avant la réunion d’une CMP qui a peu de chance d’être conclusive vendredi. Le plus probable est à ce stade la mise au vote d’une loi spéciale avant le 20 décembre, qui impliquerait toutefois que les parlementaires reprennent en janvier l’examen du projet de loi de finances, avec un étirement des débats sans fin programmée.
MAIRE DES BATAILLES • Hexagone vous en parlait fin octobre (Hexagone du 28/10) : après son passage au Sénat, la proposition de loi Gatel portant création d’un statut de l’élu local a été adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, à quelques mois des municipales de mars 2026. Ce vote transpartisan intervient dans un contexte de crise des vocations marqué par une hausse inédite des démissions de maires depuis 2020.
La nouvelle loi revalorise les indemnités de fonction des maires et adjoints des communes de moins de 20 000 habitants, avec un effort renforcé pour les très petites communes, pour un coût évalué entre 50 et 55 millions d’euros. Elle institue également une bonification d’un trimestre de retraite par mandat complet, plafonnée à trois trimestres, au bénéfice des exécutifs locaux.
Le régime particulier de protection fonctionnelle qui était réservé aux présidents d’exécutifs est étendu à l’ensemble des élus locaux. Notamment, l’article L.2123-35 CGCT, qui organise la protection fonctionnelle du maire, est modifié pour protéger également tous les conseillers municipaux.
Comme nous le développions particulièrement en octobre, l’article 18 du texte réaménage le champ du délit de prise illégale d’intérêts prévu à l’article 432‑12 du code pénal, en exigeant désormais un comportement « en connaissance de cause » pour caractériser l’élément intentionnel et en excluant l’infraction en cas de motif impérieux d’intérêt général ne permettant pas d’agir autrement.
Il assouplit aussi les incompatibilités entre les fonctions d’élu d’une intercommunalité et la qualité de salarié d’une commune membre. De façon générale, seuls les intérêts privés seront concernés par le délit de conflit d’intérêts et non les intérêts publics (par exemple, un conflit entre l’intérêt du maire en tant que maire et son intérêt en tant que président de communauté de communes n’engagerait pas sa responsabilité pénale).
ASSUREMENT • Par un jugement du 11 décembre, le tribunal administratif de Nouméa a condamné l’État à indemniser l’assureur Allianz à hauteur de 28,1 millions d’euros (3 Mds de Francs CFP) pour avoir échoué à “assurer un niveau raisonnable de sécurité” lors des émeutes survenues entre le 15 et le 17 mai 2024 en Nouvelle-Calédonie.
La juridiction a reconnu une carence fautive de l’Etat dans l’exercice des pouvoirs de police, en considérant que les autorités disposaient, au vu « des signaux significatifs et convergents » évoquant un risque d’insurrection, d’un délai suffisant pour mettre en œuvre des mesures de protection adaptées. Le tribunal évoque notamment un envoi de forces de l’ordre en nombre insuffisant.
Allianz, assurant plusieurs établissements du centre commercial Kenu-In, avait présenté quatorze requêtes après l’incendie et le pillage de commerces causant plusieurs dizaines de millions d’euros de dommages.
Ces violences, déclenchées à la suite de la contestation indépendantiste d’une réforme du corps électoral, avaient provoqué plus de 2 milliards d’euros de dégâts matériels et 14 décès, constituant les troubles les plus graves depuis les années 1980.
Cette condamnation pourrait servir de référence dans les contentieux ultérieurs en matière de sécurité publique dans les territoires ultramarins, alors que plusieurs assureurs ont annoncé, depuis fin 2024, une révision à la baisse de leurs couvertures de risques outre-mer.
A BAS LE CARBONE • Dix ans après l’Accord de Paris, la France a dévoilé les grandes lignes de sa troisième Stratégie nationale bas-carbone, qui fixe la trajectoire de réduction des émissions jusqu’en 2050. L’objectif central reste la neutralité carbone, mais avec une cadence d’effort nettement renforcée : les émissions devront diminuer d’environ 5 % par an d’ici 2030, contre 3 % en moyenne entre 2017 et 2023. La stratégie fixe trois budgets carbone successifs : 347 MtCO₂e pour 2024-2028, 265 MtCO₂e pour 2029-2033 et 192 MtCO₂e pour 2034-2038. Elle programme une sortie progressive des énergies fossiles : fin du charbon en 2030 (et fin de la production électrique charbon en 2027), fin du pétrole en 2045 et fin du gaz fossile en 2050. La part de l’électricité dans la consommation finale doit ainsi passer de 37 % en 2023 à 55 % en 2050, appuyée sur une électrification massive des usages et sur la valorisation d’une électricité déjà largement décarbonée.
La stratégie décline des objectifs sectoriels exigeants. Les transports, responsables de 34 % des émissions en 2023, devront réduire leurs émissions à 92 Mt d’ici 2030, grâce à un parc comportant 15 % de véhicules électriques et à un objectif de 50 % de ventes de véhicules électriques neufs en 2030. Le report modal devra doubler la part du fret ferroviaire et augmenter de 50 % celle du fluvial par rapport à 2019. L’industrie, qui émettait 63 MtCO₂e en 2023, devra réduire ses émissions de 68 % par rapport à 1990 pour atteindre 45 Mt en 2030. Les leviers incluent l’électrification des procédés, l’hydrogène électrolytique (4,5 TWh en 2030) et le captage-stockage du carbone (4 à 8 Mt captées en 2030). Dans le bâtiment, les émissions devront baisser de 60 % d’ici 2030, avec 700 000 rénovations par an dont 250 000 rénovations profondes, la disparition de 85 % des chaudières fioul et de 17 % des chaudières gaz, ainsi que l’installation de 8,8 millions de pompes à chaleur dans le résidentiel d’ici 2030. L’agriculture devra réduire ses émissions de 28 %, notamment par l’agroécologie (36 % des surfaces en 2030), l’évolution des régimes alimentaires et une réduction de 50 % du gaspillage alimentaire d’ici 2030.
Pour la première fois, la France fixe aussi des objectifs chiffrés sur son empreinte carbone, qui atteignait 563 MtCO₂e en 2024 (8,2 t par habitant). Celle-ci devra diminuer de 38 à 43 % en 2030 et de 71 à 79 % en 2050 par rapport à 2010, en agissant sur le contenu carbone des produits importés, l’économie circulaire et la réindustrialisation verte. L’ensemble de la trajectoire exige plus de 80 milliards d’euros d’investissements annuels supplémentaires par rapport à 2024. Le gouvernement estime toutefois que la transition coûtera moins cher que l’inaction climatique, qui pourrait réduire le PIB de 11 points d’ici 2050, et qu’elle permettra de diminuer durablement la facture énergétique des ménages. La stratégie prévoit enfin la formation de plus de 200 000 personnes par an aux métiers de la transition écologique afin de garantir une transition juste. Le texte entre à présent dans une phase finale de consultation et pourra être ajusté avant sa publication au premier trimestre 2026.
Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. À la semaine prochaine !
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