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Par Hexagone
4 juin · 5 mn à lire
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France Médias, Nouvelle Calédonie, Chômage, AirBnB

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Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 28 mai et voilà votre briefing hebdo.


LE BRIEFING : BBC TRICOLORE

Les gants sont sortis, les arguments sont fourbis, on entend dans les couloirs de l’Assemblée nationale des députés piaffer d’impatience à l’idée de défendre bientôt, dans l’hémicycle, leur idée du service public : bref, la proposition de loi Colboc-Gaultier relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle a été adoptée par la Commission des affaires culturelles et n’attend plus que d’être débattue en séance. 

Debat Tapie-Le Pen de 1994 sur France 2 - INA / Miskin TeleDebat Tapie-Le Pen de 1994 sur France 2 - INA / Miskin Tele

TELE OBJECTIF Le texte était inscrit à l’ordre du jour des 23 et 24 mai, mais le projet de loi sur la souveraineté agricole joue les prolongations. L’examen de la proposition de loi sur l’audiovisuel public pourrait donc être reporté à la mi-juin. 

Le projet de cette réforme remonte à 2015, lorsqu’un premier rapport d’information du Sénat suggérait le regroupement des médias publics dans une holding (société de tutelle regroupant des participations dans plusieurs autres, qu’elle dirige) pour stimuler les projets communs et augmenter la part des ressources propres des entreprises dans leur budget. Le projet de loi qui en fut tiré, sous l’impulsion de Franck Riester, s’était heurté au mur du Covid. 

Un nouveau rapport d’information préconisait en 2022 de dépasser le modèle de la holding et de totalement fusionner toutes ces entreprises en une seule. C’est cette stratégie qui fait l’objet d’une proposition de loi du sénateur Lafon, dont l’idée centrale est la création d’une holding absorbant France Médias Monde (RFI, France 24 et MCD), Radio France, France Télévisions et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), destinée à être remplacée par une entreprise unique en 2026.

Cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat au printemps 2023 et passera prochainement sous les fourches caudines des députés. Entre-temps, la commission culture de l’Assemblée a adopté le 16 mai un important amendement gouvernemental prévoyant la disparition de cette holding au 1er janvier 2026, toutes les sociétés étant alors destinées à se fondre en une seule au nom dans l’air du temps, du moins dans les ministères : France Médias.

La proposition de loi prévoit que chaque entreprise actuelle sera administrée sous le régime des sociétés anonymes, et que l’Etat détiendra l’intégralité des parts de France Médias et de ses filiales. Plusieurs dispositions concernent surtout le financement de cette future structure, alors que les investissements publics dans l’audiovisuel public ont baissé de 20% entre 2017 et 2022

• L’ARGENT DES ABONNÉS • L’objectif revendiqué par les porteurs de la proposition de loi est en effet de renforcer la stature des entreprises de l’audiovisuel public face à la concurrence des médias privés, notamment diffusés en streaming et sur les réseaux sociaux, en leur garantissant un financement pérenne, prévisible et suffisant. Sur le plan financier, tout semblait se passer pour le mieux lorsque l’audiovisuel public bénéficiait d’une ressource fléchée, la redevance audiovisuelle. Mais celle-ci a été définitivement supprimée en 2022, remplacée temporairement par une fraction des recettes de la TVA, qui n’apporte pas de garanties de stabilité ni de légalité suffisantes. 

Alors que la gauche serait prête à rétablir une redevance indexée sur le revenu des foyers imposables, la majorité a exclu cette option, et préfère financer la holding par “une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l’inflation”, dans une rédaction reprise quasi directement du récent Règlement européen dit “loi européenne sur la liberté des médias”. Par ailleurs, le député Quentin Bataillon (RE) a déposé une proposition de loi organique ancrant dans la LOLF certaines des ressources fiscales fléchées vers la future entreprise. 

Pour permettre aux entreprises de se constituer des ressources indépendantes, la loi prévoit également d’assouplir le recours à la publicité sur les chaînes publiques, initiative qui fera grincer des dents chez les chaînes privées de médias.

• FUSION UNCLEAR • Les professionnels du secteur restent dans l’ensemble circonspects. Si les vœux de “renforcement”, de “pérennisation” et d’ ”union” ne rebutent personne, plusieurs journalistes et analystes soulignent en revanche le flou qui flotte sur le fonctionnement interne des futures antennes composant France Médias. Le regroupement des employés et des journalistes mènera-t-il à l’unification des rédactions entre plusieurs médias ? Les salaires seront-ils poussés à la hausse ? Les emplois seront-ils garantis ? 

Le gouvernement assure que ces questions auront le temps de maturer pendant les 18 mois séparant la création de la holding de la fusion effective des médias, un délai pourtant très court : il avait fallu 5 ans entre 2007 et 2013 à RFI et France 24 pour poser les conditions de leur alliance.

Enfin, le contre-exemple de la BBC est souvent cité par les opposants à la réforme : le groupe de médias publics britannique n’a pas été sauvé du gel des financements publics par son unification, et a connu récemment des coupes de 30% de ses fonds d’origine publique et la suppression subséquente de 1.800 emplois.

Alors que les audiences des différentes antennes présentent d’excellents résultats, les sociétés de journalistes des médias concernés appelaient récemment dans le journal Le Monde à l’abandon de la réforme, craignant que la concurrence trop frontale avec les géants des médias ne soit nuisible aux médias publics qui cultivent leur différence.

MAIS AUSSI

• NOUVELLE-CALÉDONIE, VERS UNE SORTIE DE CRISE ? La situation demeure très tendue en Nouvelle-Calédonie, malgré la fin de l’état d’urgence hier soir. Certains quartiers du Grand Nouméa ne sont pas encore pleinement sous contrôle de la police et l’aéroport international restera fermé aux vols commerciaux au moins jusqu’au 2 juin. 

Le Président de la République, arrivé sur l’île le 23 mai, a promis que le projet de loi constitutionnel portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie "ne passera[it] pas en force dans le contexte actuel". Dans l’avion qui le ramenait en France il a toutefois rappelé “qu’à tout moment [il pouvait] aller au référendum” aux termes de l’article 11 de la Constitution. Manière d’exercer une pression sur les élus calédoniens pour qu’ils trouvent un accord politique d’ici à fin juin. 

Le Président de la République a annoncé par ailleurs l’installation d’une mission compétente sur les affaires économiques et la reconstruction pour faire face à des dégâts estimés en 500 millions et un milliard d’euros. La mission aura pour charge, selon les mots de Bruno Le Maire et Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, de "chiffrer les dégâts, décliner les modalités opérationnelles de mise en place des mesures d'urgence et proposer, en discussion avec toutes les parties prenantes, la gouvernance et les pistes pour la reconstruction et la diversification de l'économie"

• CHÔMAGE ET INTÉRÊTS • Le Premier ministre a dévoilé hier les grandes lignes de la nouvelle réforme de l’assurance-chômage. Les règles d’indemnisation seront durcies à compter du 1er décembre 2024 “pour aller vers le plein emploi” et “valoriser encore plus le travail”. La réforme est présentée non pas comme à finalité budgétaire mais comme préparant “le rebond économique de 2025” avec des règles “encore plus incitatives quand la croissance repartira davantage et que le taux de chômage diminuera". 

La durée d'indemnisation sera réduite à 15 mois dans le cas où le taux de chômage reste inférieur à 9 %, pour les chômeurs de moins de 57 ans (le seuil senior est relevé de deux ans pour s'aligner sur la réforme des retraites). Les conditions d'accès seront également plus strictes : il faudra avoir travaillé 8 mois sur les 20 derniers mois pour être indemnisé, contre 6 mois au cours des 24 derniers mois actuellement.

Un "bonus emploi senior" sera créé dans le but d’assurer “qu’un senior au chômage qui reprendra[it] un emploi moins bien rémunéré que son emploi précédent [puisse] cumuler son nouveau salaire avec son allocation de chômage".

Mesure “sociale”, le système de bonus malus sur les contrats courts, aujourd'hui limité à sept secteurs d'activité, fera l'objet d'un examen sur "l'opportunité de l'étendre en fonction de l'évaluation à conduire". La ministre du Travail sera chargée "de mener une concertation pour identifier les secteurs qui auront vocation à entrer dans ce système et à quel rythme". 

• AIRBNB DANS LE VISEUR • Mardi dernier, le sénat a adopté une proposition de loi prévoyant une plus forte régulation et une modification de la fiscalité des meublés de tourisme. L'objectif est de trouver un équilibre entre développement du tourisme et accès au logement pour les résidents permanents.

La forte croissance des locations saisonnières (de 300 000 en 2016 à près d'un million aujourd'hui) notamment grâce à des platformes comme Airbnb est en effet accusée de réduire le parc locatif traditionnel et de contribuer à la flambée des prix immobiliers, créant une crise du logement dans de nombreux territoires touristiques. Une étude du Monde de 2019 montrait déjà que plus de la moitié des annonces étaient disponibles pour une durée de moins de trois mois.

Pour rééquilibrer le marché, cette proposition de loi transpartisane prévoit plusieurs mesures :

- Réduire les avantages fiscaux des meublés de tourisme pour les aligner davantage sur ceux des locations classiques 

- Imposer aux meublés touristiques d'atteindre une performance énergétique minimum (classe D) d'ici 2034

- Renforcer les pouvoirs des maires pour mieux réguler ces locations (enregistrement obligatoire, possibilité de sanctions, quotas)

Adoptée en janvier par l'Assemblée puis adoucie par le Sénat le 21 mai, notamment sur les aspects fiscaux, la proposition de loi doit maintenant être examinée en commission mixte paritaire pour établir un texte de compromis, avant un vote final au Parlement. 


A lire cette semaine :

  • La décision du Conseil constitutionnel 2024-268 DC du 17 mai dernier qui déclare conforme à la constitution la loi portant fusion de l’ASN et de l’IRSN (nous vous en parlions en détail en février)

  • Cette publication du FMI qui anticipe un déficit de 4,5% du PIB en 2027, loin des 2,9% prévu par le gouvernement.


Cette édition a été préparée par Étienne Rabotin, Ghislain Lunven de Chanrond et François Valentin. À la semaine prochaine !

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