Hexagone est sur X et LinkedIn
Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 2 juillet 2024, la France n’a toujours pas d’Assemblée nationale, et voilà votre briefing hebdo.
Avant de plonger dans le vif du sujet, voici le carnet de la semaine :
Dès cet après-midi, 18h, les candidats au deuxième tour se seront enregistrés en préfecture. Danièle Simmonnet et André Chassaigne, dont c’est aussi l’anniversaire, devraient être à l’heure pour souffler leurs bougies.
Dans cette semaine de l’éternel retour, vous pourrez passer 7 heures (!) loin de votre téléphone, devant le mythique et centenaire “Napoléon” d’Abel Gance (1927), film perdu qui revient dans les salles en version restaurée.
La soirée électorale de dimanche prochain à peine achevée, les réacteurs du Falcon présidentiels ronronneront déjà, puisqu’’Emmanuel Macron est attendu le 9 juillet (heure locale) à Washington pour le début du sommet de l’OTAN. Jusqu’au 11, Gabriel Attal devra trouver sa voix face à la nouvelle Assemblée fraîchement élue et ne siégeant pas encore.
Le Briefing : un pour tous, trente pour cent
Elle semble loin, la semaine dernière, où les débats s’éternisaient sur les chiffrages des programmes économiques des candidats à la députation. Depuis, les entrailles des urnes ont rendu leur verdict, et l’ambiance est à la négociation d’alliances où les cohérences programmatiques sont secondaires.
Un Français menant sa barque avec difficulté - Napoléon, Abel Gance, 1927
BLOCS EN STOCK • L’union des gauches rassemblésous les slogans du Nouveau Front Populaire (NFP) a tenu au moins jusqu’au premier tour, récoltant 8,9 millions de voix, à comparer avec le 5,8 millions du premier tour de 2022. Cela lui permet de distancer la majorité présidentielle et de défier le score du Rassemblement national. Ce nouvel équilibre suscite déjà des jeux d’alliances ; celles-ci seront rendues compliquées par les dynamiques de la campagne, exacerbées la semaine passée.
La majorité présidentielle, défendant son bilan, a fait campagne jusqu’au bout sur la stabilité qu’elle veut incarner, notamment dans la défense d’une maîtrise “raisonnable” de la dépense publique. Pour ce faire, Gabriel Attal a lancé une offensive de décrédibilisation du programme économique de ses concurrents, notamment de celui du NFP, allant jusqu’à créer un simulateur de “retraites NUPES” qui noircit la réalité.
Le NFP a poursuivi son effort pédagogique sur le chiffrage de son programme, bataillant notamment sur le sujet névralgique de la réévaluation du SMIC de 14%. Selon Olivier Blanchard et Jean Tirole, pourtant réputés socio-démocrates, une telle augmentation détruirait jusqu’à 50.000 emplois et induirait un tassement des salaires ; pour les économistes pro-NFP (Esther Duflo, Thomas Piketty, Cédric Durand), l’augmentation du SMIC aurait au contraire un effet stimulant sur la consommation et, à terme, sur l’emploi, tout en pouvant être compensée par des aides aux entreprises les plus directement touchées.
De l’autre côté, le RN s’est efforcé de donner à son programme économique des airs présentables, non pas tant pour conforter sa base électorale, peu sensible à cette partie du programme, que pour amadouer un électorat centriste dont l’abstention pourrait faire la différence en cas de tentative de front commun contre le RN au second tour. Il reprend ainsi le thème du projet de loi “simplification” lancé par Bruno Le Maire (nous en parlions ici) et promet une baisse massive d’impôts pour les entreprises. Après les résultats de dimanche, le CAC40 repartait à la hausse hier : le marché n’est pas bégueule, tant que la perspective d’une majorité NFP s’éloigne.
RAZ DE MARINE • C’est donc le parti de Jordan Bardella qui est arrivé en tête des suffrages avec 9,4 millions de voix, soit 29,25% des voix exprimés. Le RN et ses alliés sont même en tête dans 297 circonscriptions.
Néanmoins, selon les sondeurs, la majorité absolue pour le RN reste un scénario peu probable. IFOP leur donne entre 240 et 270 sièges par exemple. Dans la fourchette haute des sondeurs, Elabe leur donne entre 255 et 295 sièges.
Au-delà des performances des différents partis, le fait majeur reste la participation, non seulement signe d’intérêt pour l’enjeu de ces élections, mais surtout facteur majeur pour le second tour, car une participation élevée provoque une hausse du nombre de triangulaires au second tour. En effet, contrairement à la présidentielle, plus de deux candidats peuvent se présenter au second tour, pourvu qu’ils aient atteint 12,5% des électeurs inscrits au premier.
Rapide calcul : avec un participation de 46,2% (comme en 2022), le seuil à atteindre était en moyenne de 27% des votants ; avec une participation à 66,7% ce dimanche, le seuil effectif pour atteindre le second tour était seulement à 18,7% en moyenne. En deux ans, on est donc passé de 8 à 306 triangulaires (et 5 quadrangulaires!). Avec 76 candidats qualifiés dès le premier tour, il y aura 501 seconds tours.
DESISTE, PROUVE QUE TU EXISTES • Avec donc autant de triangulaires, l’enjeu des prochaines heures sera de faire le point sur les candidats qui se désistent, notamment au nom du “front républicain” contre le Rassemblement National. Chez le Nouveau Front Populaire, le message est clair, les candidats NFP en troisième position en cas de triangulaire.
C’est plus flou dans le bloc centriste. Certains ministres, dont Bruno Le Maire, ont adopté une ligne “ni-ni” entre RN et LFI. François Bayrou mentionnait lui du “cas par cas”. Emmanuel Macron et Gabriel Attal, jugeant que seul le RN peut avoir une majorité absolue. Un souhait pas toujours respecté avec plusieurs candidats Ensemble en troisième position ayant fait part de leur désir de se maintenir.
Le Grand Continent donne un écart important de sièges RN selon les scénarios : 303 députés RN en l’absence de désistements, 275 avec des désistements à gauche, et 261 avec des désistements centristes. Ces calculs se basent néanmoins sur des matrices de transferts de voix qui correspondent aux comportements politiques de 2022.
Or, les dernières analyses des sondeurs laissent imaginer un front républicain qui se lézarde. Selon Ipsos, seulement 32% des français soutiendraient un candidat LFI contre un candidat RN. De plus, d'autres sondages laissent entendre que les consignes de votes ne seraient respectées que par un quart des électeurs.
Lundi à 23 heures, Le Monde recensait 183 désistements. On y verra de toute façon plus clair dès ce soir 18 heures, date limite pour le dépôt des candidatures. Il faudra donc en attendant prendre les projections de sièges avec des pincettes sans la liste finale des candidats.
Mais aussi
STUPEFIANTS • L’observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT) a publié le 26 juin dernier les résultats pour 2023 de l’Enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes (EROPP) en population adulte française. Cette étude, relayée par Le Monde, montre une forte hausse de l’usage des drogues dans l’hexagone depuis 2017, en particulier de la consommation de cocaïne.
L’OFDT a interrogé pour ce faire un panel de 14 984 adultes vivant en France métropolitaine. En 2023, près d’un adulte sur dix (9,4%) déclare avoir consommé de la cocaïne au moins une fois dans sa vie soit 3,8 points de plus par rapport aux précédentes données. La consommation de MDMA est également en forte hausse, à 8,2% contre 5% auparavant.
Selon l’OFDT, les causes sont multiples : fort développement de l’offre facilité par le positionnement géographique de la France sur la façade Atlantique, pureté de la cocaïne qui augmente alors que son prix stagne, mais aussi une perception de sa dangerosité qui diminue et un élargissement du profil sociologique de ses consommateurs. Au-delà des usages festifs, les motivations à prendre de la cocaïne seraient désormais aussi liées à la nécessité de faire face à des conditions de travail difficiles. La cocaïne reste néanmoins loin des standards du cannabis, déjà expérimenté par la moitié de la population (50,4%).
MOUCHARDS DE POCHE • La commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) a publié son rapport annuel jeudi 27 juin. Il établit que 24 209 personnes ont été surveillées en 2023 par des techniques de renseignement, allant des écoutes de téléphones portables à l’interception de messages électroniques via la pose de mouchards dans la sphère privée, un chiffre en augmentation de 15% en un an.
Selon le rapport, cette augmentation est surtout liée à la montée en puissance de la traque contre le narcotrafic. 7 058 personnes suspectées de prendre part au trafic de drogue ont été mis sous surveillance, soit une augmentation de 29 % par rapport à 2022. 6962 suspects gravitant dans la galaxie terroriste ont fait l’objet de « techniques » l’année dernière. Côté prévention d’actes de terrorisme, 6 962 personnes ont fait l’objet de techniques de surveillance en 2023, soit une augmentation - plus modérée - de 7,5% interrompant une décrue de 10% sur cinq ans.
Le rapport fait, enfin, état des conséquences de la guerre en Ukraine et les agressions informationnelles menées par la Russie contre la France. Les services de renseignement sont mobilisés de manière croissante contre de telles ingérences étrangères : cette finalité représente désormais plus de 20 % du nombre total des techniques comme du nombre des personnes surveillées, soit une part nettement supérieure à celle constatée les huit années passées.
ARRÊTE TON BACHAR • Nous vous parlions il y a peu du jugement de la Cour d’assises de Paris par lequel elle étendait sa compétence pour condamner des généraux du régime de Bachar al-Assad : ce mouvement d’extension de la compétence universelle de la France pour juger de crimes de guerre est confirmé par une nouvelle décision, cette fois-ci de la Cour d’appel de Paris, datée du 26 juin dernier.
Elle était saisie par le parquet national antiterroriste, qui demandait l’annulation d’un mandat d’arrêt délivré par la justice française contre Bachar al-Assad lui-même et plusieurs de ses généraux, pour des faits de crimes contre l’humanité et crimes de guerres commis lors d’attaques chimiques en 2013.
Or, la CIJ reconnaît aux chefs d’Etat en exercice une immunité de juridiction depuis le 14 février 2002, position reprise depuis par la Cour de cassation française, au nom de la “coutume internationale”. Pourtant, en rejetant la requête du PNAT, la Cour d’appel de Paris a validé le mandat d’arrêt, et a donc ouvert la voie à une remise en cause de cette vieille jurisprudence. Quelle que soit l’efficacité concrète de ce mandat d’arrêt, il témoigne d’une grande actualité des questions de juridictionnalisation, hors CPI, des crimes contre l’humanité commis par des chefs d’Etat.
Nos lectures de la semaine
La Commission nationale consultative des Droits de l’Homme publie son rapport annuel qui fait part d’une forte augmentation des actes racistes en 2023 et dénonce l’attentisme du gouvernement sur l’explosion des actes antisémites après le 7 octobre.
L’autorité de la concurrence s’inquiète dans un avis de “l’avantage immense” des grandes entreprises du numérique de le secteur de l’intelligence artificielle. Elle y propose notamment l’intégration de l’IA dans le champ du règlement européen Digital Markets Act mais aussi des modifications à droit constant.
Hexagone est préparé et rédigé par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !
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