Budget, Arenh, Badinter

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Hexagone
4 min ⋅ 15/10/2025

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Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi, nous sommes le 15 octobre 2025 et voilà votre 81ème briefing hebdo.


Le Briefing : 

BUDGET • Le budget présenté au parlement le 13 octobre, date limite pour espérer respecter les délais d’adoption en 70 jours, reprend largement la copie de François Bayrou. Le changement majeur réside dans le renoncement à la suppression de jours fériés (qui devait rapporter 4,2 milliards d’euros). En revanche, demeurent par exemple dans le projet

  • les plafonds de dépense ministériels, représentant un effort de 10 milliards par rapport au tendanciel (gel des dépenses au niveau de 2025),

  • un effort de 5,9 milliards pour les collectivités et de 5 milliards pour les administrations de sécurité sociale,

  • le maintien de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR)

De nouvelles mesures ont été annoncées mais ne figurent pas (encore) dans le projet de loi. Parmi celles-ci, la suspension de la réforme des retraites, annoncée mardi 14 octobre dans le discours de politique générale du Premier ministre. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, déposé également au Parlement le 13 octobre, inclut des mesures en faveur des retraites des femmes (notamment la prise en compte des 23 meilleures années et non 24 pour les mères de deux enfants et plus). Le Premier ministre a aussi annoncé une taxe sur le patrimoine financier des holding (à la place d’une taxe Zucman), une baisse de la CVAE et une réduction de l’impôt sur le revenu pour les couples payés un peu au-dessus du SMIC. 


Le Premier ministre Sébastien Lecornu à l’occasion de son discours de politique générale le 14 octobre

Dans un contexte de ralentissement de la croissance avec une prévision du gouvernement abaissée à 1% contre 1,2% précédemment (et contre un consensus des organismes de prévision autour de 0,9%), le gouvernement ne vise plus un déficit de 4,7% mais plutôt de 5%. 

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a rendu son avis le 9 octobre 2025. Il souligne le contexte politique particulièrement incertain, porteur de risques importants sur la trajectoire des finances publiques. Pour le HCFP, le déficit public resterait élevé, à 5,4 % du PIB en 2025 et 4,7 % en 2026, des chiffres exposés à de forts aléas. Il pointe le caractère très ambitieux – et peu crédible selon lui – de la modération des dépenses publiques en 2026, qui suppose des économies massives difficilement réalisables dans le contexte actuel. Les mesures nouvelles de recettes, bien que nombreuses, sont peu documentées, leur rendement incertain affaiblissant la cohérence de l’ensemble. Le HCFP note que les objectifs de redressement ne permettent pas de revenir dans les délais à la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques. 

Sur la méthode : le Parlement doit se prononcer dans un délai de 70 jours. S’il ne le fait pas, le gouvernement peut légiférer par ordonnances. Sébastien Lecornu ayant décidé de ne pas recourir à l’article 49 alinéa 3, moyen d’écourter les débats, il faudra que le texte du PLF rassemble une majorité pour éviter la mise en œuvre de la loi de finances par ordonnances gouvernementales.

Mais aussi


SORTIR DE L’ARENH • Les députés Philippe Bolo (Modem) et Maxime Laisney (LFI) ont présenté ce 9 octobre un rapport à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, portant sur la fin de l’Arenh et ses conséquences. Ce dispositif de régulation des prix de l’énergie prendra fin au 31 décembre 2025, cédant la place au VNU (Versement nucléaire universel). 

L’Arenh permettait aux fournisseurs alternatifs d’acheter une part de l’électricité nucléaire d’EDF à un prix régulé de 42 €/MWh ; mais ce prix, fixe depuis 2011, n’a pas évolué face à la montée des coûts, contraignant EDF à vendre sous ses charges, affaiblissant ainsi ses capacités d’investissement. 

Ce mécanisme a donc avantagé les concurrents d’EDF, sans protéger efficacement les consommateurs, notamment durant la crise énergétique de 2022 ; il ne prend pas non plus suffisamment en compte les enjeux de la transition énergétique.

À partir du 1er janvier 2026, le Versement nucléaire universel (VNU) prendra donc la relève. Contrairement au régime de l’Arenh, EDF pourra vendre l’électricité nucléaire au prix du marché ; puis une taxe progressive sera appliquée sur les revenus excédentaires d’EDF lorsque le prix dépassera des seuils définis (environ 70 €/MWh selon la CRE) : 50% de prélèvement entre 78 et 110 €/MWh, puis 90% au-delà, ces sommes étant redistribuées sous forme de réductions sur les factures des consommateurs.

Les rapporteurs sont très sévères contre le nouveau dispositif - “un parapluie placé trop haut et percé de toutes parts”, selon la formule de M. Laisney - qui exposerait encore plus les consommateurs aux aléas du marché, sans garantie de prix plancher pour EDF.

Pour tenter de recoudre les trous de ce parapluie, les rapporteurs recommandent un renforcement de la transparence et de l’équité du dispositif, avec une méthodologie de contrôle claire assurée par la CRE, le rétablissement de tarifs réglementés alignés sur les coûts de production, et évoquent même le retour à un monopole public sur la production et la fourniture d’électricité. Surtout, ils préconisent l’élaboration d’une programmation énergétique claire et munie d’objectifs de production précis, essentielle à une régulation stable et durable. 


RECONNAISSANCE • Les rédacteurs de votre newsletter du mardi, l’un fonctionnaire, l’autre avocat, partagent de ce fait chacun une petite partie de l’étoffe de l’homme dont la dépouille est entrée au Panthéon la semaine dernière, avocat et serviteur de l’Etat, Robert Badinter. 

Ils se permettent donc d’utiliser ces colonnes pour rappeler ce que la loi française lui doit ; sous le ton, bien entendu, d’une revue des textes les plus importants qu’il a portés comme ministre.

Garde des Sceaux de 1981 à 1986 sous François Mitterrand, son mandat a marqué une rupture majeure avec l’abandon des juridictions d’exception héritées de la guerre d’Algérie, l’abrogation de la “loi anticasseurs” de 1970, la reconnaissance par les juridictions françaises d’une voie de recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

Il a bien sûr mis en oeuvre la volonté de François Mitterrand d’abolition de la peine de mort, promulguée par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981, adoptée dans la houle d’une Assemblée largement opposée à cette rupture. Notez que cette abolition a été consacrée constitutionnellement en 2007 par l’article 66-1 de la loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007.

Robert Badinter a aussi œuvré pour la dépénalisation de l’homosexualité, soutenant la loi Forni du 4 août 1982 portée par la députée Gisèle Halimi. 

Devant le juge civil des dommages et intérêts, il a fait améliorer la prise en charge des victimes, faisant adopter la loi du 8 juillet 1983 sur l’indemnisation des victimes de violences sexuelles, et la loi du 5 juillet 1985 qui rend obligatoire l’indemnisation des victimes d’accidents de la route, dite loi Badinter.

Aucun de ces textes ne serait intégré à l’ordre juridique français sans la représentation nationale, les parlementaires, ni les innombrables Français qui ont milité pour leur adoption. Mais il faut parfois le courage de bien peu d’hommes et de femmes pour présenter ces textes à leur suffrage ; c’est à l’un de ceux-ci que nous rendons hommage. 

Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. À la semaine prochaine !

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