Grande Synthe, élu local, consentement et Nouvelle-Calédonie

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Hexagone
4 min ⋅ 28/10/2025

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Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi, nous sommes le 28 octobre 2025, ce week-end la France a changé d’heure mais (fait rare) pas de gouvernement, voilà votre 83e briefing hebdo !


Le Briefing : 

Par un arrêt du 24 octobre 2025, le Conseil d’État a mis un terme à “l’affaire du siècle”, ce contentieux environnemental lancé en 2018 par Grande-Synthe et plusieurs ONG, après avoir condamné l’État en 2021 et 2023 pour l’insuffisance de sa politique climatique par rapport à ses engagements. 

L’arrêt Grande Synthe (vers Dunkerque)

CITEPA CAP • Le Conseil d’Etat estime désormais que les injonctions des précédents jugements ont été suivies d’effets, et que les mesures gouvernementales sont « suffisamment précises et crédibles » pour permettre d’atteindre l’objectif légal de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030 par rapport à 1990.​

Ce revirement s’appuie sur les chiffres du CITEPA et les rapports du Haut Conseil pour le climat, qui confirment le respect des objectifs intermédiaires sur la période 2019-2025 et une trajectoire nationale compatible avec la baisse de 39,5% à l’horizon 2030, sous réserve de la consolidation de mesures depuis 2024. 

Toutefois, la portée de cette décision reste limitée : elle ne concerne que l’ancien objectif de –40%, alors que le nouveau cadre européen impose désormais –55% d’ici 2030. Le Conseil d’État admet explicitement ne pas examiner ce seuil, au motif que la requête initiale est antérieure à son adoption. Cette position est vivement contestée par les associations, qui dénoncent une « gestion juridique désuète » et un déni de la réalité climatique.​

TROMPE-L’OEIL • Par ailleurs, cette appréciation positive contraste avec la faiblesse des tendances récentes. Comme Hexagone vous en parlait récemment (cf. numéro du 8 juillet dernier), le dernier rapport du CITEPA prévoit une baisse des émissions de seulement 0,8% en 2025, loin du rythme nécessaire pour honorer les engagements rehaussés par la réglementation européenne. 

Contraste, donc, entre les conclusions du HCC et celles du Conseil d’Etat, qui pourtant s’appuie sur ces dernières… ce que déplorent les associations requérantes dans un communiqué de presse, promettant de nouveaux recours. 

Quoi qu’il en soit, la saga Grande-Synthe, qui a fait jurisprudence en matière de contrôle juridictionnel du climat et, comme les passionnés de procédure administrative contentieuse le savent, en matière d’intérêt à agir, se clôt donc. 

Vos rédacteurs seront là, bien sûr, pour vous parler des contentieux à venir ! 

Mais aussi


MAIRES AGITÉS • Le Sénat a adopté en deuxième lecture la proposition de loi présentée par la ministre Françoise Gatel alors qu’elle était encore parlementaire, visant à améliorer le statut de l’élu local. Plusieurs ajustements ont été nécessaires, mais le cas de la réforme de la qualification des conflits d’intérêts des élus mérite qu’on s’y arrête. 

Les articles 18 et suivants du textes modifient notamment l’article 432-12 du code pénal, qui définit le délit de conflit d’intérêt. Il est aujourd’hui caractérisé lorsque l’élu a un intérêt “de nature à compromettre” son impartialité. La nouvelle version de l’article préciserait que : 

  • seuls les intérêts privés seraient concernés, et non les intérêts publics (par exemple, un conflit entre l’intérêt du maire en tant que maire et son intérêt en tant que président de communauté de communes n’engagerait pas sa responsabilité pénale) ;

  • l’intérêt devra effectivement “altérer” son intégrité, et non plus “être de nature à” la compromettre ;

  • la prise d’intérêt devra être intentionnelle, et en tout cas prise “en connaissance de cause”. 

Cette clarification est accueillie positivement par l’Association des maires de France, qui s’inquiète néanmoins d’une éventuelle réécriture en commission mixte paritaire. 

En outre, le texte modifie l’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales. Cet article prévoit que si un élu participe à une délibération alors qu’elle concerne ses intérêts, cette délibération est frappée de nullité. Désormais, le seul fait que l’élu ait été présent à la séance ne permettra pas de prouver qu’il a participé à la délibération.

Enfin, les sénateurs ont introduit un amendement qui précise que le seul fait pour un élu de siéger dans deux collectivités n’entraîne ni conflit d’intérêts, ni prise illégale d’intérêts, sauf lorsque l’une des structures est candidate à un marché public de l’autre. 

Lorsque l’élu perçoit une rémunération de l’une des structures, le droit commun s’applique, mais la responsabilité pénale peut être exonérée en présence d’un motif d’intérêt général impérieux. 

Des incertitudes persistent sur le périmètre exact de la notion de « rémunération ou avantage particulier », notamment concernant les indemnités et les remboursements de frais, les sénateurs appelant à une clarification pour éviter une interprétation jurisprudentielle trop casuistique et variable.

La proposition de loi doit désormais retourner à l’Assemblée nationale, les associations d’élus espérant un vote conforme afin d’ouvrir la voie à une adoption définitive avant les prochaines municipales.


QUI NE DIT MOT NE CONSENT PAS • Députés et sénateurs ont trouvé un accord en commission mixte paritaire pour inscrire explicitement le non-consentement dans la définition pénale du viol. Le texte unifie la notion d’agression sexuelle autour de l’idée d’« acte sexuel non consenti » et précise que le consentement doit « être libre, éclairé, spécifique et révocable ». Il ne pourra plus être déduit du silence. Cet accord intervient après les condamnations récentes de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme et dans le contexte de la conclusion du procès des viols de Mazan.

La rédaction issue de l’Assemblée a été retenue, avec l’emploi du terme « circonstances environnantes » et non le simple « contexte » pour permettre une appréciation plus large de la situation, y compris la vulnérabilité de la victime. Seules deux élues du Rassemblement national ont voté contre. Son adoption définitive ne fait aucun doute, les majorités étant larges dans les deux assemblées.

 


NOUVELLE-CACOPHONIE À l’Assemblée nationale, une motion de rejet déposée par les députés macronistes a mis fin au débat sur la loi organique de report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. Elle visait à contourner l’obstruction parlementaire de LFI, qui avait déposé plus de 1 600 amendements. Avec cette motion de rejet, le texte, déjà adopté au Sénat, part directement en commission mixte paritaire.

Le gouvernement veut repousser les élections jusqu’en juin 2026 pour préserver l’accord de Bougival, qui prévoit une réforme constitutionnelle aménageant le statut de la Nouvelle-Calédonie. Mais le parti indépendantiste FLNKS demeure divisé et a retiré sa signature de l’accord. Certains signataires jugent le compromis acceptable mais d’autres dénoncent un passage en force, masqué par le calendrier. LFI accuse l’exécutif de modifier le corps électoral avant le vote et de verrouiller le processus au détriment de la consultation populaire.

La majorité cherche à sécuriser un accord constitutionnel avant 2027, tandis que l’opposition redoute un engrenage de tensions. À gauche, les socialistes assument un soutien fragile, tandis que les écologistes rejoignent la contestation. Le gouvernement veut rassurer en promettant d’associer le FLNKS. Mais le calendrier apparaît déjà difficilement tenable et les reports s’enchaînent.

La ministre des outre-mer se rendra bientôt sur place pour désamorcer la crise, sans certitude de succès. Le processus institutionnel est désormais suspendu à une équation instable : tenir un dialogue inclusif sans perdre le contrôle du tempo politique.  



Nos lectures de la semaine

  • Faire vivre la démocratie : un essai explorant les différentes facettes de la démocratie et les moyens de garantir sa vitalité.


Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. À la semaine prochaine !

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