Sarkozy-Libye, budget Lecornu et législatives partielles

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Hexagone
6 min ⋅ 30/09/2025

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Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi, nous sommes le 30 septembre 2025 et voilà votre 79ème briefing hebdo.


Le Briefing : 

Pas un commentateur ne s’est abstenu de donner son avis à propos de la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs, le 25 septembre dernier. 

Des soutiens politiques de l’ancien président croient bon de mettre en cause les juges soudains devenus trop peu laxistes ; des détracteurs applaudissent le jugement sans trop de peine, et se réjouissent qu’un ancien Président dorme bientôt à la Santé. 

Tous ceux là, se sont dit les rédacteurs d’Hexagone, ont bien besoin de nos éclairages - et nous ne nous défausserons pas, vous voilà rassurés ! 

Nous avons lu les passages du jugement qui concernent M. Sarkozy, (parmi les 380 pages de la motivation, dont une version de travail a été publiée ici par le média “Blast!”), et nous vous livrons ci-dessous un best-of de nos froncements de sourcils.


Au milieu du désert du Ténéré, le mémorial aux victimes de l’attentat du DC10 d’UTA sera bientôt englouti par le sable ©Google Earth

VITE FAIT, MÉFAITS Le seul chef d’inculpation retenu contre Nicolas Sarkozy par le tribunal correctionnel de Paris est la participation à une association de malfaiteurs dans le but de préparer des détournements de fonds publics, un pacte de corruption, et le blanchiment de ces délits. 

Comme le précise la motivation du jugement, peu importe “que les membres du groupement aient été tous identifiés ou poursuivis, dès lors que sont clairement établis l’existence d’un groupement, de son activité et de ses buts”. Autrement dit, le rôle de chacun des membres du groupement n’est pas ce qui compte : l’important, c’est d’y participer. 

C’est en ce sens que le tribunal peut entrer en voie de condamnation alors qu’aucun rôle actif de Nicolas Sarkozy n’a pu être formellement établi : ce qui est reproché à l’ancien chef de l’Etat, c’est “d’avoir [...] laissé Claude GUÉANT, Brice HORTEFEUX, Ziad TAKIEDDINE et Alexandre DJOUHRI agir en son nom pour obtenir ou tenter d’obtenir des soutiens financiers pour sa campagne, se rencontrer de manière confidentielle, rencontrer Abdallah SENOUSSI et Bashir SALEH de manière confidentielle, organiser les transferts de fonds, organiser l’exfiltration de Bashir SALEH pour éviter son témoignage sur les faits, et envisager les contreparties diplomatiques, économiques et juridiques”. 

Avoir laissé faire ces manoeuvres en son nom, voilà une qualification bien vague, et pourtant il s’agit du sens même de l’infraction réprimée par l’article 450-1 du code pénal : permettre de saisir dans un seul filet tous les protagonistes d’un projet délictuel, y compris ceux dont la participation directe est la plus dissimulée. 

Cette “infraction filet” n’est pas nouvelle, contrairement à une idée reçue, puisqu’elle existe depuis le premier code pénal de 1810. Elle a évolué depuis, ne faisant plus la distinction entre les “chefs” et les “participants”. Néanmoins, elle est régulièrement critiquée par les défenseurs des libertés publiques, qui lui reprochent la marge d’appréciation laissée aux juges pour sélectionner les participants à la fameuse association. 

LA JUSTICE SUR LES TALONS L’infraction reprochée à Nicolas Sarkozy se passe d’une qualification matérielle d’un délit de corruption ou de détournement de fonds : c’est ce qui permet au juge de construire sa démonstration de culpabilité sans établir aucun rôle actif de M. Sarkozy dans la préparation du délit de détournement de fonds publics au préjudice de la Libye. 

Cette démonstration presque indirecte donne lieu à des considérations dont la teneur échappe presque au juridique, par exemple (p. 356) : “Le soin particulier que Claude GUÉANT et Brice HORTEFEUX ont mis à présenter Nicolas SARKOZY comme étant étranger à ce processus corrobore au contraire le fait qu’il en était parfaitement informé”.

En somme, le tribunal s’est forgé une intime conviction selon laquelle les collaborateurs les plus proches de Nicolas Sarkozy ont bâti un réseau de pactes et de transactions dans l’intérêt de leur chef, tout en veillant à ce qu’aucune de leurs actions ne puissent être reliées directement à ce dernier. 

Dans cette construction, tout converge : des réunions discrètes dont l’existence ne fait pas de doute, qui engendrent des flux financiers dont la matérialité est établie, des témoignages concordants et crédibles sur la finalité de ces manoeuvres, mais pas d’éléments matériels prouvant un rôle actif de Nicolas Sarkozy, dont l’intérêt (politique, du moins) est pourtant constamment en cause. 

La gravité des faits avancés - financer une ambition politique en détournant les fonds d’un pays étranger, tout en promettant des rétributions consistant à flatter terroristes et dictateurs - mérite-t-elle d’entrer en voie de condamnation sans preuve d’un rôle actif ? Du point de vue du juriste, la cour d’appel tranchera. Du point de vue du citoyen, pas sûr que ce jugement éclaircisse les conditions de maniement de ce “délit associatif”.

ET SURTOUT LA SANTÉ ! • Le tribunal correctionnel a choisi d’assortir la peine de cinq ans de prison de M. Sarkozy d’un mandat de dépôt et de l’exécution provisoire.

Par principe, en matière pénale, les effets d'une décision sont suspendus lorsque celle-ci est frappée d'appel (Art. 506 CPP). Ce n'est que par dérogation que le juge peut décider de rendre une peine effective en attendant l’appel. Ce mécanisme n’est pas une anomalie statistique et, toutes peines exécutoires confondues, le taux de mise à exécution des peines de prison est aujourd’hui de 58%, selon le rapport annuel du ministère de la justice. 

Ce mécanisme avait fait l’objet de vifs débats lors de son application par le même tribunal correctionnel aux peines d’inéligibilité frappant Marine Le Pen (voir Hexagone du 08/04). Cependant, alors que la motivation de l’exécution provisoire avait donné lieu à plusieurs pages du jugement pour la présidente du RN, elle est ici réduite à un court paragraphe, que nous livrons à votre perspicacité (p. 376) :

L’exceptionnelle gravité des faits et le quantum prononcé rendent nécessaire le prononcé d’un mandat de dépôt. Étant observé que M. SARKOZY ne s’est jamais dérobé à la moindre convocation et a été présent à l’audience sauf dispense accordée par le tribunal, il sera tenu compte de la nécessité d’organiser sa vie professionnelle pour prononcer ce titre sous la forme d’un mandat de dépôt à effet différé. Il sera néanmoins assorti de l’exécution provisoire, mesure indispensable pour garantir l’effectivité de la peine au regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction.”

Le rôle du juge n’est certes pas d’être pédagogue ; mais les amateurs de motivations sur-mesure resteront sur leur faim. 

Cette exécution provisoire est la garantie presque complète que M. Sarkozy dormira, au moins un temps, dans une cellule du centre pénitentiaire de Paris-la Santé. Pourtant, tout n’est pas si simple : si l’appel n’est pas audiencé dans des délais suffisamment courts, il pourrait obtenir sa remise en liberté anticipée dans l’attente de la décision d’appel. Quoi qu’il en soit, nos juristes de lecteurs liront dans ces colonnes tous les prochains rebondissements de l’affaire.


Mais aussi


ANNONCES BUDGÉTAIRES • Dans une interview donnée au Parisien vendredi dernier, Sébastien Lecornu a annoncé la nomination du gouvernement de manière concomitante à l’ouverture de la session ordinaire du parlement le 1er octobre. La nomination pourrait intervenir jeudi soir ou le weekend prochain. Le Premier ministre dit, par ailleurs, repartir d’une feuille blanche sur le plan budgétaire et reconnaître le rôle central du Parlement. 

La trajectoire budgétaire présentée par le précédent gouvernement est confirmée : environ 4,7 % de déficit en 2026 et 3 % en 2029. L’effort reposera d’abord sur l’État, mais aussi sur les dépenses sociales et celles des collectivités, au nom du « partage » de l’ajustement. Le Premier ministre écarte l’idée d’une année blanche et maintient l’impératif de crédibilité sur 2025.

Côté fiscal, pas de hausse globale : Lecornu promet un rééquilibrage, avec des impôts qui monteront pour les plus favorisés et d’autres qui baisseront, l’arbitrage revenant au Parlement. La taxe Zucman est cependant écartée, considérant que la taxation de l’outil de travail serait contre-productive et n’apporterait de toutes les manières pas le rendement attendu. Le premier conseil des ministres devra examiner un projet de loi ambitieux contre les fraudes sociales et fiscales, aux côtés du PLF et du PLFSS.

Sur les retraites, Sébastien Lecornu n’entend ni abroger ni suspendre. Il convient selon lui d’appliquer un traitement ciblé en termes de pénibilité et de droits des femmes. Il souhaite éviter une nouvelle réunion du conclave. 

Dans un tweet publié en marge de son interview, Sébastien Lecornu annonce une diminution du train de vie de l’Etat de six milliards d’euros mais une augmentation des retraites d’autant, et une augmentation des dépenses de santé de 5 milliards. De nombreux commentateurs se sont interrogés sur cette annonce, alors que le revenu des retraités dépasse celui des actifs en France (Cf. graphique ci-dessous). Le Premier ministre pourrait cependant faire référence à la dynamique naturelle d’augmentation des 420 milliards d’euros de retraites due à l’inflation. 


LÉGISLATIVES PARTIELLES • Trois législatives partielles rythment la rentrée politique. À Paris, dans la 2ᵉ circonscription, Michel Barnier (LR) a remporté le second tour le 28 septembre, autour de 62 % des voix, après avoir devancé Frédérique Bredin (PS) au premier tour dans un scrutin marqué par une faible participation (26 %). Ce siège avait été ouvert par la démission d’office du député Jean Laussucq décidée par le Conseil constitutionnel. 

Chez les Français de l’étranger (5ᵉ circonscription : Espagne-Portugal-Andorre-Monaco), la législative partielle fait suite à l’inéligibilité d’un an de Stéphane Vojetta du fait d’irrégularité dans ses comptes de campagne. Le premier tour s’est tenu le 28 septembre (la participation a été également très faible, autour de 17 %). Un duel Renaissance contre LFI est annoncé pour le second tour du 12 octobre : Nathalie Coggia face à Martha Peciña.

Enfin, en Tarn-et-Garonne (1ʳᵉ circonscription), une partielle aura lieu les 5 et 12 octobre. La campagne est en cours à Montauban et dans le reste de la circonscription, qui avait précédemment été gagnée par une candidate LR. Les principaux candidats sont Catherine Simonin-Bénazet (Renaissance), Bernard Pécou (Les Républicains), Catherine Bourdoncle-Larnaudie (PS, soutenue par le PRG), Pierre-Henri Carbonnel (alliance UDR–RN) et Samir Chikhi (gauche alternative, soutenu par LFI/EELV/NPA)



NOS LECTURES DE LA SEMAINE

  • Ce rapport très complet de la Cour des comptes sur le modèle économique d’EDF et ses évolutions sur la période 2012 - 2024. Un reality check bienvenu pour y voir clair dans les grands équilibres et les leviers économiques de l’entreprise publique en plein changement de gouvernance, commandé par l’Assemblée nationale et publié ce mois-ci. 


Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. À la semaine prochaine !

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