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Par Hexagone
4 juin · 5 mn à lire
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Elections européennes, cabinets de conseil, compétence universelle, décentralisation

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Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 4 juin et voilà votre briefing hebdo.

Il y a exactement 35 ans avait lieu la répression des manifestations étudiantes pro-démocraties de la place Tienanmen en Chine, faisant environ 1 400 morts et 10 000 blessés.


LE BRIEFING : ÉLECTIONS EUROPÉENNES

Ce sera le 9 juin en France et à partir de jeudi 6 dans un certain nombre d’États membres de l’Union. Nous revenons pour vous sur les caractéristiques de cette élection qui présente de forts enjeux nationaux.

Parlement européen @Gzen92Parlement européen @Gzen92

• PETIT PARLEMENT DEVIENDRA GRAND • Depuis 1979, les députés européens sont directement élus et le Traité de Lisbonne de 2007 les consacre comme “représentants des citoyens de l’Union”. Si le Parlement européen n’avait qu’un pouvoir réduit à l’origine, les traités ont petit à petit généralisé la procédure de co-décision, qui lui donne un pouvoir égal au Conseil. Celle-ci est généralisée dans la procédure législative ordinaire et les procédures spéciales (comme l’approbation du cadre financier pluriannuel, où le Parlement n’a pas le droit d’amendement) sont désormais l’exception. 

• RECHERCHE ELECTION UNIFORME • Selon une disposition remontant au traité de Rome (1957) et reprise par le traité de Lisbonne, le Parlement européen doit élaborer un projet en vue de permettre l’élection de ses membres selon une procédure uniforme. Nécessitant une procédure d’adoption lourde et complexe, ce texte n’a jamais été adopté. L’Acte électoral de 1976 se borne à fixer quelques règles communes complétées par deux décisions du Conseil de 2002. 

Des principes communs minimaux s’imposent aux Etats :  recours au scrutin proportionnel dans le cadre de circonscription régionales ou  nationale, possibilité d’un seuil minimal pour l’attribution des sièges (ne pouvant excéder 5%). 

Des différences significatives existent toutefois : certains Etats ont des circonscriptions régionales, l’âge pour voter est de 16 ans en Autriche contre 18 ailleurs, celui pour se présenter varie de 18 à 25 ans. De nombreux Etats n’ont fixé aucun seuil minimal pour l’attribution de sièges tandis que, chez les autres, il varie de 1,8% à 5% (comme en France). 

• AFFINITÉS ÉLECTIVES • Les députés se regroupent par affinité politique et non par origine nationale. Pour être constitué, un groupe doit comprendre un minimum de 25 députés représentant au moins un quart des Etats membres. Le Parlement compte 720 députés au total, dont 81 pour la France, avec un mode de répartition par pays proportionnelle dégressive (plus un pays a une population nombreuse, plus il a de députés mais plus nombreux aussi sont les habitants représentés par un député). Les partis européens constitués et la composante française en leur sein sont les suivants : 

Groupes politiques européens, composante française et poids relatifGroupes politiques européens, composante française et poids relatif

• GROUPES ET PARTIS PRIS • À Bruxelles, les Français sont déjà à la manœuvre ! Au centre, Valérie Hayer, qui est aussi la patronne des députés Renew, pousse à l’expulsion des neerlandais du VVD, qui viennent de signer un accord de gouvernement avec (entre autres) le PVV, un parti nationaliste qui siège à Bruxelles au sein du groupe Identité et Démocratie qui comprend … Jordan Bardella. Un vote se tiendra parmi les députés Renew le 10 juin.

En parallèle, le Rassemblement National a obtenu l’expulsion de l’AfD (Alternative für Deutschland) du groupe Identité et Démocratie à la suite de la tentative de réhabilitation de soldats SS par un eurodéputé AFD. On lorgne du côté des Conservateurs et Réformistes qui comprend la plus bankable Giorgia Meloni. Cependant les divisions au sein des droites nationalistes – sur un large pan qui va de l’Ukraine aux questions économiques – rend la création d’un super parti piloté par le RN très hypothétique. 

• ENJEUX EUROPÉENS, RISQUES NATIONAUX • Les enjeux sont importants. Si le député médian du parlement devrait continuer à se déporter à droite, la grande coalition centriste qui comprend le centre-droit jusqu’au centre-gauche en passant par les écologistes, devrait pouvoir maintenir sa majorité. Mais avec une marge de manœuvre étroite, notamment pour les projets les plus ambitieux défendus d’Emmanuel Macron autour de l’industrie de défense ou de l’union Bancaire. 

D’autant plus que l’influence hexagonale au parlement européen semble réduite, notamment du fait du manque de députés dans les grands partis centristes. Mais la France est aussi championne des euro-députés démissionnaires et tend à envoyer des novices à Bruxelles en comparaison avec l’Allemagne.

Les résultats de ce weekend serviront aussi de base de travail dans les négociations entre les états-membres pour constituer la prochaine Commission.

En attendant cette course féroce aux postes, la déflagration risque d’être avant tout nationale. Hier deux motions de censure portées par la France Insoumise et le Rassemblement National ont été rejetées faute de soutien notamment de la droite parlementaire. Or cela fait plusieurs mois que Les Républicains mettent en garde le gouvernement sur certaines lignes rouges.

La menace n’est pas immédiate, mais en cas de défaite importante de la liste Renaissance, la tentation pourrait être forte chez LR de jouer des coudes à la rentrée. Olivier Marleix, patron des députés LR donne rendez-vous à l’automne et la présentation du projet de loi finances 2025.

MAIS AUSSI

• DES TAS DE CONSEILS En mars 2022 paraissait un rapport de la commission d’enquête du Sénat, dénonçant un recours “massif et croissant” de l’Etat aux cabinets de conseils privés de 2018 à 2021 : plus d’1 milliard d’euros en 2021, contre 380 millions en 2018. Ce rapport avait donné lieu à une proposition de loi déposée en juin 2022 au Sénat. Après une première navette, ce texte a été adopté à l’unanimité par le Sénat en deuxième lecture, mardi 28 mai. 

Le passage en première lecture à l’Assemblée nationale avait permis au gouvernement d’assouplir un certain nombre de contraintes, en rendant inapplicable la loi aux contrats en cours d’exécution, en supprimant de grands opérateurs publics (Ademe, Centrales d’achat…) du champ du texte, ou en appliquant aux contrats concernés le secret des affaires pour empêcher la divulgation de certaines informations. Le Sénat est revenu sur certains d’entre eux, tout en sortant les collectivités territoriales du champ d’application du texte. 

Par ailleurs, depuis 2022, le gouvernement a tenté de réduire sa dépendance aux cabinets de conseil en créant une “agence de conseil interne” intégrée à la Direction interministérielle de la transformation publique, déjà saturée par les demandes à en croire Les Échos. Selon le jaune budgétaire 2024 les montants engagés avec des entreprises de conseil externe a été divisé par trois depuis 2021.

Parallèlement à la proposition de loi, le parquet national financier avait lancé en octobre 2022 trois procédures pénales, toujours en cours, concernant pour l’une des soupçons de fraude fiscale commise par le cabinet McKinsey, pour l’autre l’intervention de ce cabinet dans les deux campagnes présidentielles d’Emmanuel Macron, et pour la troisième des faits de favoritisme dans l’attribution de contrats par l’Etat à cette même entreprise, dont les liens avec l’entourage du Président avaient été pointés par une enquête de journalistes, sur la base de la fuite de données dite “MacronLeaks” en 2017. 

Or, dans le cadre de cette troisième enquête, une perquisition a été menée mercredi dernier dans les locaux du ministère de la Santé par la section de recherches de Paris, à l’heure où la proposition de loi était déposée sur le bureau de l’Assemblée, preuve que les procédures poursuivent leur cours. 

• COMPÉTENCE SOLIDE •  Dans une décision historique, la Cour d’assises de Paris a prononcé le 24 mai dernier une condamnation pénale pour crimes contre l’humanité, à l’encontre de trois généraux syriens fidèles de Bachar-al-Assad ayant participé à la torture et à la mort de Patrick et Mazzen Dabbagh, ressortissants français. Pourquoi historique ? Car c’est la première fois que la France applique le principe de sa compétence universelle pour juger de tels crimes. A défaut, les trois accusés auraient pu ne jamais être jugés, dès lors qu’ils échappent tous trois à la compétence de la Cour pénale internationale.

Rappelez-vous : il y a un an tout juste, la Cour de cassation affirmait dans une importante décision la compétence universelle de la France pour juger des crimes internationaux de guerre ou contre l’humanité, en faisant sauter trois verrous juridiques. D’une part, le parquet peut depuis lors lancer des poursuites sans demander préalablement à la Cour pénale internationale de décliner sa compétence ; d’autre part, l’incrimination par la France n’est plus dépendante de l’existence de l’infraction en droit local. 

D’une portée concrète encore relative (les accusés résident encore en Syrie et sont toujours sous mandat d’arrêt internationale), cette condamnation est donc la première application de ce principe de compétence universelle. Elle reçoit un écho particulier à un moment où la Cour pénale internationale a lancé des mandats d’arrêts très commentés contre plusieurs dirigeants politiques comme Vladimir Poutine (Russie), Benyamin Netanyahu (Israël) ou Yahya Sinwar (Hamas).

 Notons au passage que pour la Cour de cassation, les poursuites en France sur ces fondements ne sont ouvertes que sur action du ministère public, et ne sont pas ouvertes aux victimes, ce qui limite leur volume. En outre, elles ne sont qu’une “alternative au mécanisme de coopération pénale qu’est l’extradition”, et ne doivent s’appliquer que si l’Etat étranger est défaillant dans son obligation de poursuivre lui-même ses ressortissants. 

• DES ORGANISATIONS TERRITORIALES • Deux jours après la remise du rapport Vautrin-Ravignon sur le millefeuille territorial, Eric Woerth a remis au Président de la République son rapport sur la décentralisation

La rapport n’a pas été rendu public mais les associations représentant les collectivités, qui en ont été destinataires, ont réagi vivement. L’essentiel des 51 propositions est connu et synthétisé par la presse spécialisée (voir La Gazette des communes par exemple). L’ancien ministre de Nicolas Sarkozy propose ainsi, notamment,

  • le retour du cumul des mandat (exécutif local / mandat de parlementaire) ; 

  • le retour du conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil départemental et régional, que Nicolas Sarkozy avait tenté de créer en 2010 mais qui avaient été supprimés en 2013 ; 

  • la fusion des quatre type d’intercommunalités en une seule catégorie ;

  • la suppression de la métropole du Grand Paris et la transformation des établissements publics territoriaux (EPT) en intercommunalités ; 

  • la rationalisation de l’exercice des compétences et des taxes affectées ; 

  • la création d’un service des solidarité cogéré avec l’Etat sur les compétences sociales du département, notamment la protection de l’enfance ;

  • la création d’un délit de carence pour contraindre les collectivités en cas de grave carence des services publics et l’échec de concertations.

Les associations représentatives des collectivités ont rivalisé de critiques vis-à-vis du rapport, qui a de fortes chances de rester en grande partie lettre morte. Ceci alors que Boris Ravignon, dans son rapport précité, vient d’estimer le coût du millefeuille territorial à 7,5 milliards d’euros par an. 


Nos lectures de la semaine

  • Le Sénat a publié son bilan annuel de l’application des lois, qui contrôle que les mesures réglementaires rendues nécessaires par les lois adoptées sont effectivement prises par l’administration. Cette année, le taux d’application est stable (68%), mais les lois adoptées en procédure accélérée et/ou d’initiative parlementaire sont appliquées moins souvent (entre 43 et 50%), et plus lentement (7 mois contre 5).


Cette édition a été préparée par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !



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