L'actu des décideurs éco, politiques et juridiques, sélectionnée et analysée pour vous chaque semaine
Suivez Hexagone sur LinkedIn
Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi, nous sommes le 7 octobre 2025 et voilà votre 80ème briefing hebdo.
Tous nos lecteurs, sauf ceux qui dormaient dans une grotte depuis samedi dernier, ont déjà appris que Sébastien Lecornu a nommé le “gouvernement de rupture” qu’il avait promis lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur, François Bayrou (cf. Hexagone du 23/09).
Les plus informés d’entre eux auront également appris que ce gouvernement a présenté sa démission à Emmanuel Macron moins de quinze heures après sa nomination, battant à plate couture le record météorique du gouvernement Barnier, qui était resté en place 83 jours à l’automne dernier. La France se prépare donc à nouveau à vivre en régime “d’affaires courantes”.
Un éphémère (ephemera danica), dont la durée de vie à l’état adulte est comprise entre 16 et 20 heures environ, soit juste un peu plus que le dernier gouvernement de la République. © wikimedia commons
MOINE-SOLDAT, MAIS DÉ-MISSIONNAIRE • Bruno Retailleau, qui avait conservé son portefeuille à l’Intérieur, a tôt fait de déclarer qu’il avait voulu la chute du gouvernement Lecornu, dont la composition ne reflèterait pas la rupture qu’il espérait. Griefs : trop peu de places pour les partis de droite hors de Renaissance, et surtout le retour de Bruno Le Maire, symbole à ses yeux du macronisme originel qu’il cherche à dépasser par la droite.
Bruno Retailleau n’est cependant pas seul à accueillir aussi mal ce nouveau gouvernement. La gauche a vu dans l’annonce de ce gouvernement une nouvelle tentative de poursuivre la politique qui a valu à François Bayrou sa motion de censure ; l’extrême droite y voyait un nouveau gouvernement imperméable à leur présence.
Même dans le socle commun, le mécontentement gronde : l’UDI, allié historique, a annoncé “reprendre son entière liberté” après le départ de ses deux ministres du Gouvernement, et Gabriel Attal appelait hier soir sur TF1 à “partager le pouvoir”, critiquant vertement le Président.
La censure semblait donc assurée, malgré la promesse de Sébastien Lecornu de gouverner sans l’usage de l’article 49 al. 3 de la Constitution, seule promesse de rupture audible en l’absence de tout discours de politique générale.
Le décret de nomination du gouvernement Lecornu ayant été, semble-t-il, régulièrement publié dès dimanche, avant la démission de celui-ci, le gouvernement Bayrou est donc relevé de ses fonctions qui consistaient depuis 27 jours à assurer les affaires courantes.
Notez bien que le Président n’a pas encore accepté la démission de M. Lecornu : la décision sera prise formellement d’ici à mercredi soir, après une dernière tentative de négociations.
PERSONNE NE BUDGE • La démission du gouvernement Lecornu complique désormais grandement le vote d’une loi de finances pour 2026. Comme le rappelle François Ecalle, président de l’association Fipeco, pour respecter le délai maximum constitutionnel de 70 jours laissé au Parlement, il faudrait qu’un projet soit déposé le 13 octobre, hypothèse peu réaliste compte tenu des nécessaires tractations politiques des prochains jours.
Une adoption n’est pas impossible, dans le cas où un nouveau gouvernement aurait recours au 49-3 à plusieurs reprises devant l’Assemblée nationale pour écourter les débats, mais cette perspective semble peu réaliste compte tenu de la mauvaise presse de ce mécanisme.
Reflétant ces nouvelles incertitudes sur les perspectives françaises, les taux d’emprunt sont repartis à la hausse. L’écart entre le taux d’emprunt national et le Bund (taux souverain) allemand a atteint son plus haut spread de l’année, à 89 points de base. De même, le CAC 40 s’est contracté d’un peu plus d’un point de pourcentage sur la journée.
Les réactions des responsables de partis politiques sont diverses : Jean-Luc Mélenchon appelle à examiner immédiatement la motion de destitution du Président de la République déposée le 9 septembre, dans les formes prévues par l’article 68 de la Constitution, par 104 députés à l’Assemblée nationale.
A l’inverse, Marine Tondelier (Ecologistes) et Pierre Jouvet (PS) ont annoncé être prêts à gouverner. Marine le Pen considère de son côté qu’Emmanuel Macron n’a maintenant plus le choix qu’entre la dissolution et la démission.
BILAN PAS JOJO • La Cour des comptes refroidit sévèrement le bilan économique des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Dans son rapport publié le 29 septembre, l’institution conclut que l’événement, vendu comme un moteur de croissance et d’emploi, n’a eu qu’un effet marginal sur l’économie française. Le coût global pour les finances publiques atteint 6,6 milliards d’euros, soit plus de trois fois le budget initial, tandis que l’impact sur le PIB se limite à 0,07 point.
La Cour observe en outre que les recettes fiscales, notamment la TVA, n’ont pas été stimulées par les Jeux. Les revenus directs tirés de l’organisation n’ont pas non plus suffisamment contribué au financement de l’évènement, puisqu’ils n’ont couvert que 40 % des dépenses d’organisation et d’infrastructures.
Loin des promesses d’un « héritage économique durable » remarque la Cour, les Jeux ont même entraîné un effet d’éviction touristique, avec une baisse de la fréquentation des musées parisiens de 16 % et un manque à gagner estimé à 34,9 millions d’euros pour 24 établissements culturels, selon le ministère de la Culture.
La Cour remet également en cause la crédibilité de l’étude d’un laboratoire de l’Université de Limoges, financée par le comité Paris 2024, qui chiffrait les retombées potentielles à 9 milliards d’euros. Sa méthodologie, jugée « exagérément optimiste », occulte les comportements de substitution des consommateurs et les perturbations subies par les commerçants.
En conséquence, le rapport considère que les bénéfices futurs liés à l’exploitation des infrastructures seront probablement faibles, voire inexistants — un avertissement alors que la France prépare déjà les Jeux d’hiver de 2030.
BUREAU • Malgré les remous de la vie de l’exécutif, le travail parlementaire suit son cours, avec le renouvellement annuel du Bureau de l’Assemblée nationale.
La gauche, qui était parvenu à mobiliser ses députés pour obtenir la majorité au Bureau en 2024, a perdu celle-ci. Le socle commun a en effet choisi de soutenir les candidats du RN, considérant que le Bureau 2024 ne reflétait pas les équilibres réels de l’hémicycle. Le RN a en échange soutenu les candidats du socle commun pour les autres commissions, hors finances.
Au total, au sein du Bureau, le « socle commun » détient 9 sièges sur 22, la gauche 7, le RN et ses alliés 5, et LIOT 1.
Les commissions permanentes ont également renouvelé leurs bureaux. Le socle commun récupère toutes les présidences, sauf celle des Finances réservée à l’opposition, et dont Eric Coquerel reste à la tête.
Philippe Juvin, auteur d’une proposition récente détonnante pour réduire les effectifs de la fonction publique (en indemnisant pendant 10 ans les départs) en devient le rapporteur général. Le RN, qui n’a pas présenté de candidats aux présidences, obtient sept vice-présidences de commission.
NOS LECTURES DE LA SEMAINE
Cet ouvrage collectif de 14 anthropologues qui écrivent chacun un angle passionnant du procès de Mazan, parallèle au juridique. Procès politique et qui a profondément mis en cause les rapports de domination sociale et sexuelle, il est un terrain scientifique qui éclaire les débats actuels sur la pénalisation des atteintes sexuelles. Le sommaire ici.
Philippe Gustin, nommé le 10 septembre directeur de cabinet de Sébastien Lecornu, avait dû annuler en urgence la présentation de son dernier ouvrage : “Les Gustin, une famille comtoise de Fougerolles, capitale du Kirsch”. Il est disponible chez son éditeur, au cas où l’emploi du temps de M. Gustin lui permettrait, dès mercredi, d’annoncer de nouvelles séances de dédicaces.
Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. À la semaine prochaine !
Hexagone fait partie de Footnotes, le média qui rassemble les newsletters d’un monde complexe. Une douzaine d’experts vous éclairent chaque semaine sur leur thématique de prédilection.
Découvrez tous nos contenus ici et suivez-nous sur LinkedIn.
Vous pouvez vous abonner directement à nos newsletters : Hexagone, What’s up EU, Lettre d’Allemagne, Cafétech, Ludonomics, et Blocs.