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Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi et joyeux automne à ceux qui le fêtent, nous sommes le 23 septembre 2025 et voilà votre 78ème briefing hebdo.
PERSONNE NE VEUT PRENDRE SA PLACE • A la tête d’un gouvernement démissionnaire depuis deux semaines, Sébastien Lecornu s’est livré ces derniers jours à quelques annonces, tout en consultant les principaux partis politiques.
Ainsi, il a annoncé renoncer à la suppression de deux jours fériés, une des mesures phares d’économie du précédent gouvernement. Plus symbolique, M. Lecornu entend réduire les avantages accordés à ses prédécesseurs : les futurs anciens Premiers ministres ne disposeront d’un véhicule avec chauffeur qu’au maximum pendant dix ans après leur départ de Matignon.
Quelques mesures rescapées de celles, particulièrement sensibles, que le gouvernement Bayrou avait annoncées, restent inscrites à l’agenda : le gel des minima sociaux, des pensions de retraite et du barème de l’impôt sur le revenu.
Selon l’Institut des politiques publiques (IPP, soutenu par l’Etat), ces mesures pourraient représenter 5,7 milliards d’euros d’économies.
Sébastien Lecornu veut incarner la rupture. © AFP
HOMME DEFFERRE • Au-delà des questions budgétaires, Sébastien Lecornu souhaite faire travailler son futur gouvernement sur un vaste chantier de décentralisation. Dans une lettre adressée aux élus locaux, il a annoncé la préparation d’un grand projet de loi transférant de nouvelles compétences aux collectivités, assorti de la création d’un véritable statut de l’élu local.
L’objectif de ce nouvel acte serait de clarifier les rôles entre l’État et les territoires, en réservant aux élus la gestion des services publics du quotidien. Tout ceci dans un calendrier serré : les contributions des élus sont attendues d’ici fin octobre, pour un examen parlementaire dès le début de 2026.
Un défi pressant sera celui de la définition des priorités du Gouvernement : il doit en effet fixer une partie de l’ordre du jour du Parlement, en vertu de l’article 48 de la Constitution. Plus d’une cinquantaine de textes sont en navette entre les deux chambres, dont, certes, seulement quatre sont d’origine gouvernementale. Une minorité sont au stade de la commission mixte paritaire et en deuxième lecture.
À l’Assemblée, une trentaine de textes attendent la reprise des débats, contre dix-sept au Sénat. Le nouveau Premier ministre a déclaré que tous ne pourraient pas être menés à terme d’ici 2027 et que l’élection présidentielle trancherait sur les priorités laissées en suspens. La priorité immédiate reste de trouver un accord sur le budget.
Le nouveau chef du gouvernement a rencontré les principaux responsables politiques. À droite, il a reçu Bruno Retailleau dès le 14 septembre. Il s’est également entretenu avec les dirigeants du socle commun (Renaissance, Horizons, UDI, MoDem).
A gauche, Olivier Faure (PS) et Marine Tondelier (écologistes) sont ressortis sceptiques de Matignon, jugeant le Premier ministre flou dans ses intentions. Marine Le Pen, quant à elle, attend des « preuves de rupture » et prévient qu’elle ne se contentera pas de mesures symboliques.
BANNIERES BANNIES ? • Selon un communiqué du ministère de l’Intérieur, 86 mairies en France ont hissé le drapeau de la Palestine à leur fronton dans la journée du lundi 22 septembre. Ces pavoisements ont lieu le jour même de l’annonce par Emmanuel Macron de la reconnaissance officielle de l’Etat de Palestine devant l’Assemblée générale de l’ONU, dont la Palestine est un membre observateur.
Le secrétaire générale du ministère de l’Intérieur, Hugues Moutouh, avait pourtant demandé aux Préfets, représentants de l’Etat dans les départements et chargés de surveiller la légalité des décisions municipales, de faire retirer tout drapeau cesser toute action de ce type. Selon un télégramme cité par plusieurs médias, il insistait sur le fait que “Le principe de neutralité du service public interdit de tels pavoisements”.
Hexagone veut y voir plus clair quant à la légalité des différentes positions en présence : le débat n’est pas nouveau, et le juge administratif a déjà une jurisprudence fournie, faute d’être parfaitement univoque, en la matière.
Le principe semble simple : le Conseil d’Etat considère classiquement que “le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques” (CE 27/07/2005, 259806). Reste à savoir, au cas par cas, ce qui relève de la revendication politique, et ce qui n’en relève pas !
L’affaire pourrait sembler claire, tant le Conseil d’Etat a déjà validé d’interdictions de pavoisement aux couleurs palestiniennes, encore en juillet dernier : le drapeau palestinien était, à la Courneuve, “une prise de position de nature politique au sujet d’un conflit en cours” (CE 21/07/2025, 506299). Mais c’était en prenant en compte bien des critères, notamment les positions vivement exprimées par le maire à propos du conflit, et les textes des banderoles qui accompagnaient les drapeaux.
Le Conseil d’Etat n’approuve d’ailleurs pas plus les drapeaux israéliens en tant que tels : à Nice, ils avaient également été interdits en référé car leur présence n’était pas un simple soutien aux otages mais “à l’Etat israélien” (TA Nice, 25/06/2025).
De là à interdire tout drapeau d’un Etat étranger en conflit avec un autre ? Pourtant, un tribunal administratif avait validé l’accrochage de drapeaux ukrainiens, qui s’inscrivaient “dans le contexte national de soutien diplomatique [...] offert à l’Ukraine par l’Etat français” (TA Versailles, 20/12/2024).
Le juge pourrait donc, sans trop se dédire, prendre en considération le nouveau “soutien diplomatique” à l’Etat palestinien, exprimé solennellement ce lundi, et valider certains pavoisements. En revanche, des maires qui ne s’en tiendraient pas au soutien diplomatique mais qui exprimeraient à cette occasion des vues sur la situation des Gazaouis, pourraient se voir dénier leurs drapeaux.
REVENANTS • Trois femmes françaises et dix enfants, détenus jusqu’alors dans des camps du nord-est syrien contrôlés par des forces kurdes, ont été rapatriés ce mardi 16 septembre en France. Cette opération marque le premier retour depuis plus d’un an, et peut-être le dénouement d’une longue hésitation qui s’est fait jour devant les tribunaux.
Déjà en septembre 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait condamné l’État français, non pas pour refus de rapatriement en soi, mais pour l’absence d’examen individuel sérieux des demandes de retour et l’absence de « garanties appropriées contre l’arbitraire » lors des refus.
Il existe bien un droit, pour tout ressortissant, d’entrer sur le territoire national (art. 3 §2 du Protocole n°4 à la Convention EDH), mais pas de droit général au rapatriement garanti par le droit international ou européen, sauf cas particuliers. Les autorités doivent néanmoins justifier les refus et les soumettre à un contrôle indépendant, afin d’éviter tout arbitraire.
Partant, en mars dernier, le tribunal administratif de Paris, suivant la Cour d’appel administrative de Paris, s’était reconnu compétent pour contrôler les refus de rapatriement et a annulé plusieurs décisions de refus de rapatriement, en enjoignant au gouvernement de réexaminer rapidement les dossiers.
La France a donc repris l’examen individualisé de ces situations, dont plusieurs viennent d’aboutir. Deux des mères rapatriées ont été placées en garde à vue à leur arrivée, et leurs enfants confiées au juge des enfants dans le cadre d’une “procédure d’assistance éducative”.
NOS LECTURES DE LA SEMAINE
Le récent rapport de la Cour des comptes sur la transition écologique, le premier du genre. La Cour y étudie le moyen de relancer l’action publique en la matière, dans un contexte de finances publiques dégradées. Selon elle, un renforcement de la planification écologique est nécessaire (au moyen du Secrétariat général à la planification écologique - SGPE) ainsi qu’une meilleure articulation entre les trajectoires physiques (décarbonation, biodiversité, etc.) et financières (incitations, taxation, etc.)
Ce rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur le parcours des jeunes majeurs, au moment de leur sortie de l'aide sociale à l'enfance, qui appelle à “une mobilisation collective” dans des termes qui ne laissent pas de place au doute quant à l’urgence de la situation.
Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. À la semaine prochaine !
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