Budget, Censure, Méthane et Confiance rompue

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Hexagone
5 min ⋅ 21/10/2025

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Le week-end a été long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là ! Joyeux mardi, nous sommes le 21 octobre 2025 et voilà votre 82ème briefing hebdo.


Le Briefing : 

UN BUDGET, DES SCÉNARIOS • Le projet de loi de finances pour 2026 a commencé hier son examen en Commission des finances, avec le dépôt de plus de 1700 amendements.

Alors que le Premier ministre a annoncé qu’il renonçait à utiliser l’article 49 alinéa 3, quels sont les différents scénarios possibles et selon quel calendrier ?

Le Parlement dispose d’un calendrier réduit, puisque la Constitution impose une adoption avant le 31 décembre, soit dans un délai total de soixante-dix jours, avec un contrôle final du Conseil constitutionnel. 


Une photo de Bercy, traditionnelle dans toute newsletter sérieuse quand vient la saison budgétaire .

Faute de majorité, plusieurs scénarios sont envisageables : 

  • Adoption du budget par une majorité de députés dans le délai de 70 jours. Par exemple : le texte a suivi la navette parlementaire jusqu’au bout (1ère lecture à l’Assemblée et au Sénat, commission mixte paritaire, 2ème lecture dans les deux chambres puis lecture finale à l’Assemblée). Le texte pourrait bien entendu être adopté dès la 1ère lecture ou la 2ème, si les deux chambres s’entendent à la fois sur le volet recettes et dépenses. Ce scénario serait une victoire du parlementarisme mais nécessite, a priori, dans la configuration actuelle, un vote à la fois des députés PS et LR, ce qui semble peu probable ;

  • Rejet du budget en fin de procédure, dans les délais. Le texte a, bon an mal an, suivi la procédure décrite ci-dessus jusqu’au bout. L’Assemblée n’arrive pas à dégager une majorité pour un texte où figurent des amendements LFI, Renaissance, RN, EELV PS, LR, etc. Le texte est rejeté. Le gouvernement doit alors déposer une loi spéciale, comme l’année passée, pour pouvoir percevoir les impôts et ouvrir les dépenses au niveau des “services votés”, comme l’année dernière.

  • Le Parlement n’arrive pas à se prononcer dans les délais. Avec un retard de 7 jours par rapport à la situation normale d’un dépôt au 1er mardi d’octobre, le Parlement n’a pas pu se prononcer à temps. Le gouvernement a dû transmettre au bout de 40 jours le projet au Sénat, délai maximal, alors même que l’Assemblée n’avait pas adopté la première partie du PLF. Le Sénat est allé au bout des 15 jours alloués. La CMP et la deuxième lecture ont traîné, épuisant le délai des 70 jours. Le gouvernement est habilité à légiférer par ordonnances. Il est encore peu clair si le gouvernement devrait alors mettre en place le projet initial ou pourrait reprendre certains amendements. 

Compte tenu de l’enlisement des débats, le gouvernement se résout à employer les armes du parlementarisme rationalisé. Sans transiger sur sa promesse de ne pas recourir au 49 al. 3, le gouvernement pourrait recourir au vote bloqué de l’article 44. La procédure permet de demander un vote sur l'ensemble ou sur une partie d'un texte en discussion en ne retenant que les amendements que le gouvernement a proposés ou acceptés. Il pourrait également décider de revenir sur l’engagement de ne pas utiliser le 49 al. 3. Pour mémoire, il mettrait dans ce cas en balance sa responsabilité avec l’adoption du PLF : ce dernier serait adopté en cas d’échec (ou d’absence de dépôt) d’une motion de censure.

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Mais aussi


RÉTENTION ABUSIVE • Par un arrêt n° 2025-1172 QPC, le Conseil constitutionnel a censuré une nouvelle disposition de la loi du 26 janvier 2024 sur l’immigration, cette fois-ci concernant l’article L. 741-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers. 

Cette disposition autorisait l’administration à prolonger la rétention d’un étranger lorsque la première rétention n’avait pas permis d’exécuter la décision d’éloignement, dans le cas où il aurait été « condamné pour des faits graves ou dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Cette possibilité n’était encore ouverte qu’aux condamnés pour faits de terrorisme.

Si les Sages admettent que l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière peut justifier une répétition de la privation de liberté, ils reprochent au législateur de n’avoir fixé aucune limite au nombre ou à la durée cumulée de ces placements, ni défini de conditions suffisamment claires pour identifier la gravité des atteintes concernées.

En l’absence de telles bornes, le Conseil constitutionnel estime que les garanties légales nécessaires à la conciliation entre l’objectif de police administrative et la liberté individuelle ne sont pas assurées. 

La censure est complète, mais assortie d’un effet différé jusqu’au 1er novembre 2026, afin de laisser au Parlement le temps d’introduire un cadre juridique adéquat. Dans l’intervalle, une solution transitoire est mise en place : il revient au magistrat du siège du tribunal judiciaire d’apprécier le caractère éventuellement excessif d’une nouvelle rétention au regard des précédentes périodes de privation de liberté déjà subies par l’intéressé. 


LE MÉTHANE FAIT PSCHITT • Par jugement du 16 octobre, le tribunal administratif de Rouen a enjoint au Gouvernement d’abroger, sous deux mois, l’arrêté ministériel qui permettait l’exploitation d’un terminal méthanier flottant, sous la forme d’un porte-conteneurs de 280 mètres de long, le “Cape Ann”, amarré dans le port du Havre. 

Exploité par TotalEnergies, il avait été autorisé en 2023 sur le fondement de la loi du 16 août 2022 relative aux mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (“MUPPA”), en pleine crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. L’article 30 de cette loi prévoyait un régime dérogatoire pour ce projet précis, autorisant son installation “lorsqu’il est nécessaire d’augmenter les capacités nationales de traitement de GNL”.

Le Conseil constitutionnel avait assorti cet article d’une réserve d’interprétation : l’autorisation dérogatoire d’exploitation ne pourrait être accordée qu’en cas de “menace grave sur la sécurité d’approvisionnement”.

Selon le tribunal administratif, cette condition de menace grave n’est plus remplie, puisqu’elle doit être réévaluée tout au long de l’exploitation.

Or, depuis la fin de l’été 2024, le Cape Ann n’a plus reçu aucune livraison. Son utilisation annuelle plafonne à 15 %, bien loin de ses capacités permettant de couvrir jusqu’à 10 % de la consommation française. Dans le même temps, la demande nationale de gaz a reculé de 5,5 % en 2024, et les terminaux terrestres de Fos‑sur‑Mer, Dunkerque et Montoir‑de‑Bretagne tournent à moitié de leur charge. 

L’association Écologie pour Le Havre, à l’origine du recours, a donc obtenu l’annulation du refus d’abrogation du 13 mars 2023 opposé par la ministre de la transition écologique de l’arrêté fixant les objectifs d’exploitation du terminal. 

Le ministère chargé de l’énergie et TotalEnergies peuvent encore se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État, mais ce cas semble peu probable : le jugement souligne que ceux-ci, au cours de l’instruction, n’ont pas même allégué que les conditions ayant permis l’édiction de l’arrêté étaient toujours réunies.


CONFIANCE ROMPUE La treizième édition du sondage “Fractures françaises”, publiée lundi 20 octobre par Ipsos-BVA en partenariat avec Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne, repose sur une enquête nationale représentative de 10 000 personnes menée dans la continuité d’un baromètre annuel lancé en 2013 . 

Elle mesure les valeurs, attentes et perceptions des Français dans un contexte de polarisation politique et de défiance institutionnelle .​

L’édition 2025 est marquée par une montée du pessimisme et une droitisation des positionnements des sondés. 90 % des Français jugent le pays en déclin, un record depuis dix ans. Toutefois, seuls 25 % estiment ce déclin irréversible, traduisant une forme de résignation plutôt que de fatalisme. 36 % pensent que leur position sociale va se dégrader dans les prochaines années, contre 12 % qui envisagent une amélioration.

Sur le plan politique, seuls 10% des sondés disent faire confiance aux partis politiques, contre 68% qui font confiance aux maires, et 20% aux députés, en baisse de 16 points depuis 2022. 

L’image des partis donne une idée d’un paysage fragmenté : 47 % jugent que le Rassemblement national serait “capable de gouverner le pays”, contre 25% en 2017, mais 66% le considèrent comme un parti d’extrême droite.

Dans leur étude de ce sondage dans les colonnes du journal Le Monde, Anne Muxel et Kevin Arceneaux relèvent que quatre familles de français émergent de celui-ci : les « libéraux nationaux » (41 %), favorables à la liberté économique mais réticents à l’immigration ; les « étatistes ouverts » (25 %), pro-intervention étatique et favorables à l’immigration ; les « étatistes nationaux » (22 %), soutenant le rôle de l’État mais défavorables à l’immigration ; et les « libéraux ouverts » (12 %), pour le marché et une société ouverte . 

Cette répartition confirme l’éclatement transpartisan de l’ancienne binarité politique : par exemple, 29 % des soutiens de l’extrême droite sont « étatistes nationaux », tout comme 17 % des proches de la gauche ; le bloc central compte 41 % de « libéraux nationaux » et 31 % de « libéraux ouverts » . L’hétérogénéité des attitudes économiques, sociales et identitaires traverse tous les électorats, et favorise la fragmentation partisane.


Nos lectures de la semaine

  • Ce rapport sénatorial sur la situation de crise que traverse la filière automobile française (350 000 salariés, 4 000 sites industriels). Il préconise notamment de reporter l’interdiction, prévue pour 20235, de vente de véhicules thermiques. 

  • Et ce rapport d’information de l’Assemblée sur le rôle du ferroviaire dans le désenclavement du territoire, à l’heure où la baisse de recettes de la SNCF menace le système de répartition entre petites lignes ardues et LGV rentables.
     

Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven. À la semaine prochaine !

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