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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 24 juin 2025, et voilà votre 70ème briefing hebdo.
Après presque une décennie de recours, une décision de fond a été rendue par le tribunal administratif de Strasbourg dans le déjà lourd dossier Stocamine.
Par une décision du 17 juin dernier, le juge administratif a confirmé l’arrêté préfectoral de septembre 2023 qui prolonge pour une durée illimitée l’autorisation de stockage de 42 000 tonnes de déchets toxiques (arsenic, chrome, amiante, résidus industriels…) déjà enfouis dans l’ancienne mine de Wittelsheim, en Alsace.
Des colis de déchets industriels stockés dans le projet Stocamine, en 2017 © MDPA
SOUCIS EN SOUS-SOL • Le projet Stocamine a été lancé en 1997 comme un lieu de stockage souterrain de déchets industriels dits “ultimes” dans une ancienne mine de potasse. Les derniers colis de déchets y ont été stockés en 2002.
Le principe initial était celui de la réversibilité du stockage, qui aurait dû être rendu possible par le maintien en bon état des installations et des ballots de déchets eux-mêmes.
Las ! Le juge administratif n’a pu que prendre acte de l’état critique des infrastructures souterraines, désormais incompatibles avec toute opération de déstockage, même partielle.
D’un côté, il existe selon le rapporteur public un réel risque d’inondation des galeries, et de pollution de la nappe phréatique avoisinante, de l’autre il est impossible de garantir que les colis les plus polluants pourraient être ressortis des galeries dans de bonnes conditions.
Le tribunal a donc jugé que la solution alternative - défendue par les requérants - n’est plus réalisable « dans des conditions acceptables de sécurité pour le personnel et de risques pour l’environnement ».
DÈCHE ET TRI • Seule solution préconisée : le coulage de 12 barrières de béton de 12 mètres, le remblaiement des puits, l’installation de bouchons dans les conduits et de zones drainantes.
Dans l’état actuel de la mine et des colis de déchets, qui se sont détériorés sévèrement, seul le confinement définitif est jugé compatible avec la préservation de l’environnement et la protection des générations futures.
Il y a moins de deux ans pourtant, ce même tribunal avait suspendu en référé la prolongation de l’autorisation de stockage, dans une décision innovante qui utilisait pour la première fois en France ce fameux “droit des générations futures” pour mettre en cause la légalité d’une décision administrative. Cette décision de référé avait néanmoins été annulée ultérieurement par le Conseil d’Etat.
Ce jugement acte ainsi l’échec de l’administration et de l’exploitant, les Mines de potasse d’Alsace (MDPA), à garantir le principe de réversibilité inscrit lors de l’ouverture du site en 1997.
L’entreprise MDPA, qui est en liquidation amiable depuis 2009, continue de coûter cher à l’Etat : dans un rapport de 2024, la Cour des comptes chiffrait à 226 Millions d’euros le coût additionnel entraîné par la liquidation de l’entreprise, qui force l’Etat à temporiser et à continuer d’entretenir l’accès à une mine qui, jusqu’ici, n’avait pas été autorisée à être définitivement fermée.
Les requérants déboutés ont fait appel de la décision de la Cour administrative d’appel de Nancy.
JUSTICE DÉMINEURS • Le Conseil constitutionnel a censuré six des huit articles de la loi sur la justice pénale des mineurs, adoptée en mai dernier sur proposition de Gabriel Attal, ancien premier ministre alors redevenu député.
Hexagone vous parlait ici de ce texte, déposé en réaction aux violences urbaines qui avaient marqué l’été 2023 après la mort du jeune Nahel à Nanterre, prévoyait un régime pénal plus strict pour les mineurs délinquants, et plus de sévérité vis-à-vis de leurs parents.
Dans cette décision du 19 juin (n° 2025-886 DC), le Conseil s’appuie sur le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) d’adaptation de la réponse pénale à la situation particulière des mineurs, dégagé par sa jurisprudence depuis 2002.
Ce principe comprend notamment "l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs” et “la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées”.
Parmi les articles invalidés figure notamment l’article 4, qui instaurait une procédure de comparution immédiate pour les mineurs dès 16 ans, sans encadrement suffisant.
L'article 6, qui rallongeait la détention provisoire à un an pour certains délits dès 13 ans, a été jugé disproportionné.
L'article 7, qui modifiait le code de la justice pénale des mineurs pour atténuer le principe d’atténuation des peines, a également été censuré, tout comme l’article 12, qui prévoyait une mesure de rétention sans contrôle juridictionnel.
Le Conseil valide cependant trois articles, dont celui créant une circonstance aggravante pour les parents ayant failli à leurs obligations éducatives, dès lors que cela a conduit à la délinquance de leur enfant.
Est aussi validée la création d’une nouvelle mesure alternative aux poursuites consistant en une interdiction de circuler sans son représentant légal pendant, au plus, six mois.
Gabriel Attal a promis une nouvelle version du texte, saluant la validation partielle sur la responsabilité parentale. Il devrait pour ce faire avoir le soutien de la droite de l’hémicycle.
LES AILES COUPÉES • Jeudi 19 juin 2025, l’Assemblée nationale a voté un amendement prononçant un moratoire sur les nouveaux projets d’installations éoliennes et photovoltaïques.
Cet amendement a été déposé par le député LR Jérôme Nury dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de programmation énergétique (PPE) déposée par le sénateur LR Daniel Gremillet.
Il a été soutenu par les voix de la droite, du Rassemblement national (RN) et du groupe UDR d’Éric Ciotti, profitant d’une faible mobilisation des députés du bloc central (Renaissance, MoDem, Horizons) et de la gauche.
Ce moratoire suspendrait, dès la promulgation de la loi, l’instruction, l’autorisation et la mise en service de tout nouveau projet d’énergie solaire ou éolienne, le temps de conduire une étude objective sur le meilleur mix énergétique.
Ce vote a déclenché de vives réactions, notamment du rapporteur Antoine Armand qui a évoqué une « catastrophe économique et industrielle ». Des acteurs du secteur, ont estimé que 80 000 emplois étaient menacés.
La proposition de loi elle-même est à l’origine une initiative sénatoriale, mais son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée a été obtenue sous la pression du Rassemblement national, qui en avait fait un motif potentiel de censure du gouvernement Bayrou.
Comme Hexagone vous en parlait la semaine passée, le gouvernement a indiqué son intention de publier la PPE par décret avant la fin de l’été, le Premier Ministre considérant que la loi en discussion aurait vocation à “inspirer” le décret.
Le RN a enregistré un autre succès lors des débats : la réintroduction dans la loi d’un objectif de relance de la centrale nucléaire de Fessenheim, arrêtée en 2020 et en cours de démantèlement.
Le vote solennel sur l’ensemble du texte est prévu pour aujourd’hui, 24 juin, à l’Assemblée.
TEMPS DE L’ENFANT • Le 20 juin 2025 s’est ouverte à Paris une convention citoyenne inédite sur les « temps de l’enfant », réunissant 130 Français tirés au sort pour réfléchir pendant six mois à l’organisation du quotidien scolaire et extra-scolaire des jeunes de 3 à 18 ans.
Initiée par le Président de la République, cette consultation est la troisième du genre après celles sur le climat (2020) et la fin de vie (2023). Elle devrait donc déboucher sur un texte présenté au Parlement, avec ou sans modifications préalables du Gouvernement.
Officiellement portée par le CESE, elle s’inscrit dans la volonté d’Emmanuel Macron de réinterroger le découpage des journées des élèves, qu’il juge trop peu favorable à leur développement et à la vie des familles.
Le système français présente plusieurs singularités : des semaines de classe réduites à quatre jours depuis 2008, des journées denses, des vacances longues, un démarrage matinal inadapté aux rythmes des adolescents.
Cette configuration, critiquée de longue date par les spécialistes du développement de l’enfant, ne tiendrait pas compte des besoins cognitifs, psychologiques et physiologiques des jeunes.
Les réformes précédentes, notamment celle de 2013 sous Vincent Peillon pour allonger la semaine à 4 jours et demi, s’étaient heurtées à de fortes résistances. Les ajustements permis en 2017 ont depuis vu la quasi-totalité des communes revenir à la semaine de quatre jours.
Le président du CESE, Thierry Beaudet, a insisté sur l’ambition d’une approche globale, dans laquelle chaque temps – sommeil, transport, loisirs, vacances – est repensé à l’aune du développement et de la santé des enfants.
NOS LECTURES DE LA SEMAINE
Pour fêter la musique comme il se doit, lisez casque sur les oreilles ce rapport de la Cour des comptes sur les 15 dernières années des opéras en région - qui marque sans surprise la concentration des financements et des initiatives autour de l’Opéra de Paris.
Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven, avec l’appui de Noé Viland. À la semaine prochaine !
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