Budget : fin du suspense | Mais aussi : Inégalités, et Allocations

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Hexagone
5 min ⋅ 04/02/2025

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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 4 février 2025, nous avons presque un budget, et voilà votre 49ème briefing hebdo.

Le Briefing

ALEA JACTA EST La commission mixte paritaire (CMP) réunie pour examiner le PLF, composée de sept députés et sept sénateurs, a adopté un texte de projet de loi de finances (PLF) 2025. Les discussions ont été longues et intenses, s’étendant sur quatorze heures, de jeudi 30 janvier au matin à vendredi 31 après-midi​. 

L’hémicycle vidé, prêt à affronter son premier 49 al. 3 de l’année

Dès le départ, l’accord apparaissait probable, car de nombreux compromis avaient été négociés en amont entre le gouvernement et les parlementaires du "socle commun" (la majorité présidentielle et Les Républicains). Ce socle bénéficiait d’une majorité en CMP (8 sièges sur 14), ce qui a facilité l’adoption du texte​.

Les discussions ont toutefois été marquées par des tensions, notamment sur l’aide médicale d’État (AME) et sur les coupes budgétaires dans certains secteurs. Finalement, le texte a été adopté par 8 voix contre 6​.

L’accord en CMP a permis d’arbitrer plusieurs autres sujets sensibles, notamment l’éducation, la fiscalité des entreprises et des hauts revenus, la taxe sur les transactions financières et les crédits écologiques.

L’une des victoires revendiquées par les socialistes a été le maintien de 4 000 postes d’enseignants, qui avaient été supprimés dans la version du Sénat​. Cependant, si ces postes ont été préservés, le budget alloué à la formation des enseignants a été réduit d’environ 50 millions d’euros​. Le budget total de l’enseignement scolaire a par ailleurs été diminué de 225 millions d’euros par rapport à la version initiale du projet de loi​.

Plusieurs mesures fiscales ont été retenues afin d’augmenter les recettes de l’État. Les 440 plus grandes entreprises du pays seront soumises à une surtaxe temporaire sur l’impôt sur les sociétés, rapportant 8 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront 500 millions d’euros provenant du secteur du fret maritime​.

Une contribution exceptionnelle s’appliquera aux contribuables gagnant plus de 250 000 euros par an pour une personne seule, ou 500 000 euros pour un couple. Ceux-ci devront s’acquitter d’un minimum de 20 % d’impôt sur le revenu​. Cette mesure, proposée par le précédent gouvernement Barnier, n’est toutefois pas conçue pour durer plus d’un an, ce qui a suscité des critiques à gauche​.

Le taux de la taxe sur les transactions financières a été relevé de 0,3 % à 0,4 %​. Cette hausse, bien que inférieure à celle demandée par les socialistes et votée en première lecture au Sénat, représente un effort supplémentaire en matière de taxation des mouvements financiers​. La proposition d’augmenter la taxe sur le rachat d’actions a été rejetée​.

L’AME a été un point de friction important dans les négociations. Alors que la majorité sénatoriale de droite avait initialement réduit les crédits de 200 millions d’euros, un compromis a été trouvé avec une baisse de seulement 111 millions d’euros​. Cela revient à maintenir les crédits au niveau de 2024, mais sans les augmentations initialement prévues​. En parallèle, les règles d’accès à l’AME n’ont pas été durcies, ce qui a été perçu comme une victoire par les socialistes​.

Les coupes budgétaires dans le domaine écologique ont été partiellement atténuées grâce aux négociations. Initialement réduits par le Sénat, les crédits du Fonds vert ont été réévalués à hauteur de 500 millions d’euros supplémentaires par rapport à la version sénatoriale​.

Les crédits de la mission écologie sont en hausse de 300 millions d’euros par rapport au texte adopté au Sénat, bien que le budget global reste inférieur de 2,1 milliards d’euros à celui de l’année précédente. L’organisme chargé de promouvoir l’agriculture biologique a finalement été préservé, alors que le Sénat envisageait sa suppression​.

A l’issue de la réunion de son bureau politique, le PS a annoncé hier ne pas voter la censure du gouvernement mercredi, quelques heures après l’annonce par François Bayrou de l’utilisation de l’article 49 al. 3 de la Constitution pour faire adopter sans vote le texte issu de la CMP. 


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Mais aussi

PUNITION COLLECTIVE • Examinée en commission à l’Assemblée nationale mercredi dernier, une nouvelle proposition de loi tendant à suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs criminels ou délinquants a été rejetée.

Présentée cette fois-ci par le groupe de Laurent Wauquiez, la “Droite Républicaine”, il reprenait un texte déjà présenté, dans des termes légèrement différents, par le Rassemblement National en octobre 2023.

L’article unique de cette proposition de loi prévoyait la suspension de plein droit, par le préfet du département, d’une partie des allocations familiales, en cas de condamnation définitive d’un mineur à une peine ou à une mesure éducative. 

La durée de suspension prévue était proportionnelle à la peine, d’un mois en cas de contravention simple, à cinq ans en cas de crime. 

La suspension étant prononcée de droit, les familles n’auraient disposé que d’un recours postérieur contre la mesure, à charge pour eux de prouver qu’elles avaient “mis en œuvre toutes les actions nécessaires pour prévenir la commission d’une infraction”. 

Cette punition collective était justifiée par ses auteurs dans ces termes : “Comment justifier que les deniers publics financent des familles qui n’ont pas su prévenir, par négligence ou irresponsabilité, la violation des lois et l’atteinte à la sécurité, à la dignité et à l’ordre social ?”.

Certes, un dispositif de suspension des allocations en cas d’absentéisme avait déjà été validé par le Conseil d’Etat, qui avait refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC à ce sujet, portant sur des dispositions issues de la Loi Ciotti de 2010, abrogé depuis 2013 faute d’effets notables. 

Cependant, la constitutionnalité de la mesure pose question au regard du principe d’égalité, puisqu’à délit égal, des familles auraient vu leurs allocations amputées de façon inégale, et au regard du principe de nécessité et de personnalité des peines, la causalité entre la pression familiale et la commission d’infractions étant discutable. 

A ce titre, la Ligue des Droits de l’Homme rapportait lors de l’examen de la proposition de loi du RN en 2023 que cette mesure serait inefficace et mal ciblée : réduire les ressources de familles souvent déjà confrontées à la détresse sociale et économique ne pourrait causer qu’une aggravation de la délinquance

DES RICHES ET DES LETTRES •  La Direction générale des finances publiques a publié une analyse économique détaillée de l’évolution des revenus et du patrimoine des ménages les plus aisés, qui donne un éclairage intéressant sur la répartition de l’impôt et des richesses. 

L’étude prend pour base les 0,1% des foyers aux revenus les plus élevés, et les 0,1% aux patrimoines les plus hauts, groupes qui, sans surprise, se recoupent en partie, et représentent au total un peu plus de 70.000 foyers. 

La moyenne des revenus pour ce groupe se situe à 1,03 Millions d’euros annuels, contre 32.000€ pour le reste de la population. Ce montant a augmenté de 3% par an sur les vingt dernières années, contre 0,5% pour le reste des foyers. Au total, les plus riches ont vu leur revenu moyen augmenter de 119% sur la période.

Ces revenus sont principalement (47-49%) constitués de revenus de capitaux mobiliers et de salaires (33%), à la nuance que seul un tiers des foyers les plus riches déclarait un salaire en 2022.

En ce qui concerne le patrimoine immobilier, la moyenne pour les 0,1% les plus aisés se situe à 4,6 M€, contre 250.000 pour le reste de la population. Ce chiffre a augmenté de 18% depuis 2017, moins vite que le patrimoine moyen de l’ensemble de la population, qui a augmenté de 27% sur la période. 

En matière de fiscalité, l’étude fait aussi ressortir la concentration de l’impôt sur le revenu sur les ménages riches : les 70.000 foyers évoqués versent 13% de l’impôt sur le revenu touché par l’Etat annuellement, soit 10,6 Mds€. Ce chiffre représente cependant moins de 2% des recettes fiscales annuelles totales. En outre, leur taux d’imposition global a baissé, de 29,3% en 2003 à 25,7% en 2022. 

Précision importante apportée par une autre note, publiée en juin 2023 par l’institut des Politiques Publiques, le taux global d’imposition devient régressif en haut du peloton : l’ensemble des impôts personnels représente 35% du revenu économique des top 0,1%, mais seulement… 2% des revenus des 378 ménages les plus aisés. 

Enfin, la note conclut que l’augmentation des revenus des foyers les plus riches explique 44% de l’augmentation des inégalités depuis 2003.

Notre lecture de la semaine

  • Le rapport commandé par le ministère du Travail sur les besoins des acteurs de l’enfance protégée, qui contient 20 propositions autour de quatre volets : Augmenter, rénover et adapter le parc immobilier de l'enfance protégée ; Contribuer à l'attractivité des métiers de la prévention et de l'accompagnement ; Mettre en place des services numériques structurants pour le secteur de l'enfance protégée ; Renforcer l'accès aux droits des jeunes de l'ASE.

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Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin et Nicolas de Renghien, avec l’aide de Noé Viland. À la semaine prochaine !


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