Nucléaire, Narcotrafic, Taxe Zucman et retraites

L'actu des décideurs éco, politiques et juridiques, sélectionnée et analysée pour vous chaque semaine

Hexagone
5 min ⋅ 17/06/2025

Suivez Hexagone sur LinkedIn

Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 17 juin 2025, et voilà votre briefing hebdo.


Le Briefing : Le nucléaire en plein boom

Le gouvernement a franchi une étape majeure dans sa stratégie de relance du nucléaire en signant, début juin, le contrat de filière 2025-2028. Ce document, paraphé à Massy dans le cadre des « Journées Perspectives » de la filière, structure les engagements industriels, technologiques et réglementaires pour les quatre prochaines années. 

Il donne corps aux ambitions discours de Belfort de février 2022, au cours duquel Emmanuel Macron avait annoncé la construction de six nouveaux réacteurs EPR2, avec une option pour huit supplémentaires. À terme, ce sont donc quatorze unités de nouvelle génération qui pourraient être mises en service.

© 2024 barmalini/Shutterstock

UN PLAN FISSIONNAIRE • Le contrat fixe une série d’échéances de 2025 à 2028, avec un rythme d’exécution soutenu. 

Dès 2025, sont attendus les débats publics sur le site de Bugey pour les futurs EPR2, le feu vert à la construction des réacteurs SWC, ainsi que des études techniques sur les futures usines de retraitement (La Hague et Mélox2). 

En 2026, EDF devra prendre ses décisions d’investissement (FID) pour six EPR2, lancer le chantier de Gravelines, et remettre sa proposition sur les huit réacteurs supplémentaires, en attendant l’avis de l’IRSN sur la prolongation du parc existant au-delà de 60 ans.

Parallèlement, les opérations de démantèlement avancent (Chooz, Creys, La Hague), tout comme les projets de recherche (SMR, Technocentre, Comurhex1). 

2027 verra l’autorisation de Cigéo et la mise en service de l’installation ATEF, usine d’extraction et raffinage de Thorium construite par Orano. 

En 2028, les travaux de la centrale Penly 3 débuteront avec le premier béton, et la construction de la nouvelle forge nucléaire sera lancée. 

ÇA TURBINE AU SÉNAT Dans le même temps, le cadre textuel de la relance du nucléaire reste instable

La proposition de loi Grémillet, adoptée par le Sénat, visait à donner une assise juridique au nouveau programme nucléaire, notamment en inscrivant dans la loi la construction de 6 EPR2 et en reconnaissant l’intérêt général de la prolongation des centrales existantes. 

Or, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé plusieurs articles clés, dont celui portant sur le maintien du parc actuel et celui concernant la programmation indicative des nouveaux réacteurs. Le gouvernement, qui soutient cette initiative sénatoriale, a annoncé vouloir réintroduire ces mesures en séance publique, mais l’issue reste incertaine à ce stade.

Face à cette incertitude parlementaire, l’exécutif avance ses pions par voie réglementaire et a annoncé vouloir publier avant la rentrée le décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)

Ce décret devrait définir les volumes de production électrique par filière à horizon 2035, et entériner un mix nucléaire-renouvelables comme pilier de la transition énergétique. Il servira de cadre opérationnel pour les futurs appels d’offres, les investissements industriels et les autorisations environnementales. 

Selon les premiers éléments diffusés, la PPE devrait confirmer la construction de nouveaux réacteurs EPR2, un soutien aux SMR, et des objectifs ambitieux pour l’éolien et le solaire, tout en valorisant l’efficience du parc nucléaire existant. 

Ses détails seront, bien sûr, dans Hexagone. 


Mais aussi


NARCOTRAFIC • Le Conseil constitutionnel a rendu le 13 juin dernier sa décision sur la loi dite "narcotrafic", adoptée par le Parlement le 21 mai 2025. La décision bat un record de longueur (600 paragraphes et plus de 100 pages) pour un texte lui-même fourni, de 64 articles, destiné à renforcer les moyens répressifs contre les réseaux criminels. La loi a été largement validée, à l’exception de six dispositions qui ont été censurées pour des motifs d’atteinte à la vie privée, aux droits de la défense ou au principe de proportionnalité des peines.

Le Conseil a censuré l’article 5, qui autorisait un accès direct des services de renseignement aux bases fiscales sans requête préalable aux services fiscaux. Il a aussi invalidé l’article 15, qui étendait l’utilisation d’algorithmes d’analyse de données (notamment des URL) sans finalité suffisamment clairement définie.

L’article 56, imposant la visioconférence systématique pour certaines audiences de détenus en quartiers de haute sécurité, a été partiellement censuré. Le Conseil a jugé que l'absence totale de comparution physique devant un juge durant la détention provisoire constituait une atteinte excessive aux droits de la défense. Il a également censuré l’article 55, qui permettait une garde à vue de 96 heures pour des délits comme la corruption ou le trafic d’influence, même en bande organisée, estimant que ces infractions ne justifiaient pas une telle dérogation.

D’autres censures ont visé l’article 19, qui prévoyait une aggravation automatique des peines en cas de simple port d’arme, sans usage de celle-ci. Le Conseil a estimé cette mesure disproportionnée. Il a aussi partiellement censuré l’article 40 concernant le "dossier-coffre", jugeant qu’une condamnation ne peut reposer sur des preuves non-contestables par la défense. Enfin, le régime des fouilles a été encadré, celles-ci ne pouvant être pratiquées que dans des cas spécifiques liés à la confidentialité ou à des difficultés exceptionnelles.

En revanche, parmi les dispositions les plus significatives validées figurent la création d’un Parquet national anticriminalité organisée et l’instauration d’un régime carcéral strict, avec des quartiers de haute sécurité pour les narcotrafiquants. 

D'autres mesures sensibles ont également été validées sous réserve d’interprétation, comme l’activation à distance de dispositifs électroniques (ordinateurs ou téléphones) pour capter image et son, à condition qu’il s’agisse de délits commis en bande organisée et passibles de peines de prison de cinq ans minimum. Le Conseil a aussi validé le principe du « dossier-coffre » (modulo l’ajustement décrit plus haut), destiné à protéger certaines techniques d’enquête. 



LA MEILLEURE DÉFENSE C’EST LA TAXE Le rejet par le Sénat de la proposition de loi visant à instaurer un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros marque un nouveau point de crispation entre la majorité gouvernementale et la gauche. 

Inspiré des travaux de Gabriel Zucman, ce texte porté par les députées Eva Sas et Clémentine Autain, déjà adopté à l’Assemblée nationale, visait à garantir une contribution minimale des « ultra-riches », en consolidant l’ensemble de leur pression fiscale (IR, IFI, CSG, etc.). 

Le gouvernement, par la voix d’Amélie de Montchalin, a fustigé une mesure « confiscatoire et inefficace », pointant des risques d’inconstitutionnalité et de fuite des capitaux.

Une tribune publiée dans Le Monde par les économistes Olivier Blanchard, Jean Pisani-Ferry et Gabriel Zucman, dont les points d’accord sont pourtant rares, soutenait pourtant ce mécanisme comme « le plus efficace face à l’inégalité fiscale », estimant qu’il remettrait en conformité le droit fiscal avec le principe d’égalité devant l’impôt.

La gauche entend remettre la pression dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. 

Parallèlement, Amélie de Montchalin, ministre des comptes publics, a promis de travailler sur un dispositif pour intégrer dans l’assiette fiscale les revenus non distribués logés dans des holdings, en s’inspirant notamment du modèle espagnol, où les revenus latents des sociétés patrimoniales peuvent être intégrés dans l’assiette de l’impôt sur la fortune, même s’ils ne sont pas distribués, ce qui limite fortement les possibilités d’évitement. 

Une réforme ciblée est attendue d’ici la fin de l’année, potentiellement croisée avec les pratiques en vigueur au Luxembourg.



ENFIN RACCOR ? •  La version définitive du rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR) a été arrêtée le jeudi 12 juin 2025. Le document, qui établit les données de l’équilibre financier du système de retraite jusqu’en 2070, a suscité une vive controverse dans sa version quasi finale, transmise aux membres de l’instance le 6 juin. Plusieurs formulations, jugées idéologiquement biaisées, ont été dénoncées par les syndicats. Le texte a finalement été amendé avant sa publication finale.

Certains passages de la version initiale qualifiaient le recul de l’âge légal de départ de voie « d’enrichissement » pour le pays, tandis que d’autres leviers, comme la hausse des cotisations ou la sous-indexation des pensions, étaient associés à un « appauvrissement ».  

En toile de fond de cette polémique se joue la fin imminente de la négociation entre partenaires sociaux, engagée dans le cadre du « conclave » sur les retraites lancé par François Bayrou. Cette séquence de six mois doit s’achever le 17 juin.

Les syndicats — notamment la CFDT, la CFTC et la CFE‑CGC — ont proposé plusieurs mesures visant à compenser la rigidité sur l’âge de départ à 64 ans. Ils souhaitent notamment la réintroduction de critères de pénibilité dans le compte professionnel de prévention, afin de permettre un départ anticipé pour les travailleurs exposés à des contraintes physiques importantes.

Le Medef a publié le 10 juin une liste de concessions restreintes : retour partiel de certains critères de pénibilité dans le compte professionnel de prévention, calcul des pensions des mères sur les 23 ou 24 meilleures années, et ajustement de l’âge de la décote de 67 à 66 ans. En contrepartie, il refuse toute discussion sur l’âge légal et souhaite que les points de pénibilité ne permettent plus de départ anticipé.

Hier, le Premier ministre a présenté une nouvelle proposition aux partenaires sociaux (hors CGT, qui a quitté les négociations) : celle de verser aux séniors ayant atteint l’âge de la retraite mais qui choisissent de continuer à travailler, une partie de leur retraite en guise d’incitation à l’emploi. 

Le résultat des négociations du “conclave” devrait être connu dans la journée.


NOS LECTURES DE LA SEMAINE

  • Ce rapport/enquête, fruit d’une collaboration entre la Fondation Jean‑Jaurès et l’outil Arlequin AI, explore la plus grande consultation citoyenne de l’histoire récente (plus de 2 millions de contributions), et démontre comment l’IA peut révéler des tendances profondes, notamment sur la démocratie participative.


Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Nicolas de Renghien, avec l’appui de Noé Viland. À la semaine prochaine !


Hexagone

Hexagone

Par Hexagone Newsletter

Les derniers articles publiés