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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 25 mars 2025, et voilà votre briefing hebdo.
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 20 mars 2025, quelques semaines après l’adoption de la loi d’orientation agricole par le Parlement, survenue en février 2025, à la veille de l’ouverture du Salon international de l’agriculture. Ce calendrier resserré s’expliquait par la volonté politique de répondre rapidement à la forte mobilisation des agriculteurs survenue début 2024, face à des revendications liées à l’inflation normative, au renouvellement des générations et à la charge croissante des normes environnementales. La loi, plusieurs fois repoussée, a finalement été votée dans l’urgence, dans un climat politique tendu, notamment sous l’impulsion du Sénat qui l’a largement remaniée pour intégrer les préoccupations du monde agricole.
A partir de janvier 2024, les agriculteurs avaient lancé un vaste mouvement de protestation contre les normes environnementales, les dispositions revenant sur leurs avantages fiscaux et le libre échange
SÉPARER LE BON GRAIN DE L’IVRAIE • Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a censuré totalement 14 articles et partiellement 3 articles, soit près d’un tiers du texte. La saisine provenait des groupes parlementaires La France insoumise et Écologiste, qui dénonçaient une régression environnementale.
La principale disposition censurée est celle qui instaurait le principe de "non-régression de la souveraineté alimentaire", présenté comme le pendant du principe de non-régression en matière environnementale. Ce concept, introduit par le Sénat, visait à empêcher que des politiques futures puissent affaiblir les dispositifs favorables à la souveraineté alimentaire. Le Conseil a jugé cette disposition insuffisamment précise, et portant atteinte à la séparation des pouvoirs, car elle aurait contraint excessivement l’action réglementaire du pouvoir exécutif, alors que cette notion n’est pas consacrée dans le bloc de constitutionnalité.
Ont également été censurées deux dispositions majeures sur le droit de l’environnement :
La présomption de bonne foi des agriculteurs lors des contrôles administratifs, qui aurait pu affaiblir l’effectivité des sanctions en cas de manquements aux obligations environnementales ;
La reconnaissance du caractère non intentionnel de certaines atteintes à l’environnement, laquelle aurait modifié l’approche du droit pénal de l’environnement. Ces dispositions ont été jugées contraires au principe d’égalité devant la loi et à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
En outre, une dizaine d’articles ont été écartés en tant que cavaliers législatifs, car ils n’entretenaient pas de lien direct avec l’objet de la loi. C’est notamment le cas de la disposition excluant les bâtiments agricoles du décompte du Zéro artificialisation nette (ZAN), dispositif emblématique de la politique de lutte contre la bétonisation des sols. Le Conseil a estimé que cette disposition ne relevait pas de l’objet principal de la loi d’orientation agricole.
Enfin, a été censurée la disposition interdisant à l’État d’adopter des normes agricoles plus strictes que celles de l’Union européenne (principe dit de "non-surtransposition"). Là encore, les juges constitutionnels ont jugé que cela portait atteinte à la compétence normative de l’État, en limitant sa capacité à légiférer librement, sous couvert de se conformer aux seuls standards communautaires.
Malgré ces censures, certaines dispositions controversées ont été validées par le Conseil. La plus emblématique est celle instaurant le principe du "pas d’interdiction sans solution". Cette disposition, inspirée des revendications de la FNSEA, invite l’État à s’abstenir d’interdire l’usage de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne tant qu’aucune alternative viable n’est identifiée. Ce principe, bien qu’incitatif, constitue un signal fort contre la surtransposition des interdictions environnementales. Les écologistes dénoncent une atteinte indirecte au principe de précaution et à l’autonomie réglementaire nationale.
Par ailleurs, a été maintenue la présomption d’urgence en cas de contentieux portant sur la construction de réserves d’eau agricoles. Cette mesure vise à accélérer les procédures de justice administrative dans un contexte de tension croissante autour de la gestion de l’eau, notamment en période de sécheresse.
Le texte conserve également des mesures de simplification administrative, telles que la réforme du régime applicable aux haies agricoles et la création du guichet unique départemental « France Services Agriculture », destiné à faciliter les installations agricoles et les transmissions d’exploitation.
TOUS VOILES DEHORS • Après plus d’un mois d’atermoiements, le Gouvernement a décidé de demander l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de la proposition de Loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, adoptée par le Sénat le 18 février dernier et en attente d’un arbitrage de François Bayrou depuis.
Ce texte devrait donc être examiné, en commission puis en séance, dans les semaines qui viennent. Il contient quatre articles, le premier et le plus discuté prévoyant la création d’un nouvel article au Code du sport, qui interdit le port de “tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse” aux sportifs lors de certaines compétitions.
Présenté par le sénateur Michel Savin, le texte est défendu par Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, qui ont fait peser dans la balance leur participation au gouvernement Bayrou en cas d’abandon du texte. A l’inverse, Marie Barsacq (Sports) et Elisabeth Borne (Education) ont exprimé leur désaccord avec un texte entaché d’“amalgames” et de “confusions”, préférant laisser les fédérations libres d’adapter leurs règlements.
En l’état, la proposition de loi comporte quelques lacunes : l’interdiction de port de signes religieux ou politiques ne concerne que les compétitions officielles, et fait l’impasse sur les entraînements ou les compétitions organisées hors des fédérations officielles, par exemple par les fédérations multisports.
En outre, les sanctions prévues en cas de port de signes ostensibles devront être prévues par les règlements des fédérations : le régime pourrait donc rester aussi épars qu’actuellement.
En tout état de cause, ces nouvelles dispositions viendraient en complément du contrat d’engagement républicain, charte imposée aux associations depuis la loi confortant le respect des principes de la République de 2021.
Cette charte, dont le non-respect peut entraîner le retrait des subventions, ne visait pas les signes ostentatoires des membres, mais interdisait surtout aux associations de “se prévaloir de convictions politiques, philosophiques ou religieuses pour s'affranchir des règles communes”.
FUSIBLE • Pour qui regarde les résultats d’EDF pour 2024, publiés le 21 février, tout va pour le mieux pour l’électricité française. Hexagone vous parlait d’ailleurs il y a un mois des chiffres exceptionnels d’export et de production d’électricité annoncés par le gestionnaire du réseau électrique, RTE.
Malgré tout, cela n’a pas suffi pour combler le fossé stratégique qui s’était creusé entre le PDG d’EDF, Luc Rémont, et l’Etat, actionnaire à 100%. Celui-ci a été renvoyé vendredi 21 mars, à l’issue d’une réunion houleuse avec Eric Lombard à Bercy.
Selon Politico, la rupture a été provoquée par les retards annoncés pour la construction des 6 nouveaux réacteurs dont Emmanuel Macron, en 2022, avait promis la mise en service d’ici 2038.
Mais elle a des causes plus lointaines, qui tiennent à la différence de vision entre l’Etat et Luc Rémont. Le premier veut faire d’EDF un outil de compétitivité, à la production dirigée vers la France, et offrant des remises substantielles aux industriels français pour doper leur rentabilité.
De son côté, Luc Rémont poussait une stratégie de performance pour EDF, avec un effort conséquent pour exporter ses centrales à l’étranger, comme il le confirmait dans une interview au Figaro ce dimanche.
Cette stratégie, qui a permis à l’entreprise de se relever de sa situation difficile de 2022, ne sera donc pas celle que suivra son successeur.
Proposé dès vendredi par Bercy, Bernard Fontana est actuellement directeur de Framatome, filiale d’EDF dédiée aux réacteurs nucléaires ; il a fait carrière dans l’industrie sidérurgique et de la chimie.
Il aura donc la tâche de rediriger EDF vers le marché domestique, si les députés valident sa nomination, comme le prévoit l’article 13 de la Constitution et la Loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010.
PAS DE DÉBAT SUR L’INDUSTRIE • Le Conseil d’État a rendu un avis défavorable sur un projet de décret visant à exclure les projets industriels du champ de compétence de la Commission nationale du débat public (CNDP), projet initialement porté par Michel Barnier puis repris par François Bayrou dans une logique de simplification administrative et de soutien à la réindustrialisation.
Ce projet, mis en consultation le 4 décembre 2024, jour de la censure du gouvernement, prévoyait la suppression, dans le Code de l’environnement, de la référence explicite aux équipements industriels, excluant de fait ces derniers de l'obligation de débat public.
Selon le Conseil d’État, une telle mesure, fondée uniquement sur la nature des projets et non sur leurs impacts environnementaux ou socio-économiques, viole les dispositions législatives existantes et dépasse les prérogatives du pouvoir réglementaire. Elle porterait atteinte au droit constitutionnel du public à participer aux décisions ayant une incidence sur l’environnement, garanti par la Charte de l’environnement. L'institution préconise plutôt une réforme législative ou un ajustement des seuils de saisine de la CNDP.
Compte tenu de cet avis (non contraignant), le gouvernement entend poursuivre sa réforme par la voie législative en déposant un amendement dans le cadre du projet de loi « simplification », actuellement en discussion en commission spéciale.
Ce positionnement gouvernemental intervient dans un contexte de recul progressif du champ de la participation du public ces dernières années, notamment avec le doublement des seuils financiers de saisine de la CNDP en 2020 via la loi ASAP.
Les agents de la CNDP ont déposé un préavis de grève et prévoient une mobilisation le 25 mars devant le ministère de la Transition écologique.
Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !
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