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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 11 février, Richard Ferrand est favori dans la course au Conseil constitutionnel, et voilà votre 50ème (!) briefing hebdo.
BUDGET, SUITE… ET FIN ! • Le projet de loi de finances pour 2025 a été définitivement adopté par le Parlement jeudi dernier avec un vote en faveur au Sénat. Ce budget devrait permettre de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB en 2025. Il repose sur un effort budgétaire de 30 milliards d’euros d’économies et une hausse de 20 milliards d’euros de prélèvements.
Pari tenu, François Bayrou a réussi à doter la France d’un budget
Le texte est désormais soumis à l’examen du Conseil constitutionnel, saisi par les députés du Rassemblement National et de La France Insoumise. Le RN conteste quatre disposition : les articles 4 et 5, relatifs au marché de l’électricité nucléaire, l’article 60 bis sur la gestion du patrimoine immobilier de l’État et l’article 8, qui renforce le malus automobile, jugé excessivement pénalisant pour de nombreux ménages dans le contexte des zones à faibles émissions (ZFE).
Sur le plan budgétaire, le texte cible principalement l’État, qui supporte l’essentiel des restrictions budgétaires. La réduction de l’effort demandé aux collectivités territoriales a été un élément clé des négociations : l’effort initial de 5 milliards d’euros a été ramené à 2 milliards, et les départements ont obtenu la possibilité d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux (de 4,5 % à 5 % pour trois ans). En revanche, les régimes de retraite et la Sécurité sociale n’ont pas été mis à contribution, malgré un déficit persistant.
L'Etat et ses opérateurs représentaient 36 % de l'ensemble des dépenses publiques en 2023, contre 45 % pour les administrations de Sécurité sociale et 19 % pour les collectivités locales. L'année dernière, l'Etat n'a été responsable que de 12 % de la progression des dépenses d'une soixantaine de milliards. En d’autres termes, la Sécurité sociale et les collectivités ont généré près de 90 % de cette hausse. Le budget repose pourtant essentiellement sur des rabots touchant le périmètre État, n’épargnant que quelques secteurs régaliens (Défense, police, justice).
Une mesure spécifique, l’abaissement du seuil d’exonération de TVA pour les auto-entrepreneurs de 37 500 à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel, a été suspendue à la suite d’une concertation. Cette décision fait suite aux critiques des organisations professionnelles et à la mobilisation transpartisane contre cette disposition qui compliquerait nettement l’exercice indépendant.
Dès la promulgation du budget 2025, Bercy entamera la préparation du projet de loi de finances pour 2026. L’objectif initial de déficit pour 2026, fixé à 4,6 %, sera révisé à la hausse mais restera sous la barre des 5 %. L’enjeu majeur sera de réduire le déficit à moins de 3 % d’ici 2029, ce qui nécessitera des coupes budgétaires supplémentaires, estimées à 25 milliards d’euros annuels en plus des ajustements prévus.
Face aux équilibres précaires de l’Assemblée nationale, le gouvernement devra privilégier des projets consensuels pour éviter une censure. Parmi les dossiers prioritaires figurent la loi d’orientation agricole, la réforme du mode de scrutin municipal dans les grandes villes et une réflexion sur l’équilibre des retraites. Ce dernier point sera au centre des discussions avec le rapport attendu de la Cour des comptes, qui devrait éclairer le débat à venir entre les partenaires sociaux, sur la réforme de 2023.
NATIONATALITÉ • Jeudi 6 février, le groupe LR avait inscrit 8 propositions de loi au programme de sa “niche”, surnom de la journée d’initiative parlementaire pendant laquelle un groupe politique fixe l’ordre du jour des textes qui seront débattus en séance entre et du matin et minuit.
Parmi ces huit textes, un seul est allé au bout de l’examen : débattue de 9h à 20h, la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte a donné lieu à des débats chaotiques.
Le régime actuel d’acquisition de la nationalité sur le territoire mahorais est déjà différent du régime de droit commun, depuis la modification en 2018 de l’article 2493 du code civil par la Loi “asile et immigration”.
Depuis, alors que l’article 21-7 du code civil prévoit que tout enfant né en France acquiert la nationalité à sa majorité à condition d’avoir vécu 5 ans sur le territoire depuis ses 11 ans, ce principe n’est applicable à Mayotte que si l’un de ses parents avait au moment de sa naissance une situation régulière sur l’île depuis au moins trois mois.
La nouvelle rédaction de l’article 2493, modifié par la proposition de LR, exige que les deux parents soient en situation régulière, depuis trois ans au moins.
Cette durée de trois ans, qui semble disproportionnée au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, a été adoptée dans l’incompréhension, alors que les députés socialistes l’ont votée par erreur. Le passage prochain au Sénat devrait permettre de corriger le tir en ramenant à un an le délai.
Cela n’empêchera pas la gauche de l’hémicycle de manifester son profond désaccord : comme le rappelait Sacha Houlié (non-inscrit, ancien macroniste), si les acquisitions de nationalité ont été divisées par trois à Mayotte depuis 2018 (799 en 2022), cela n’a pas freiné les passages irréguliers depuis les Comores voisines : les primo-demandeurs d’asiles sont, eux, passés de 800 à 3600 sur la même période.
En outre, le taux d’acquisition de la nationalité par droit du sol est identique à Mayotte et en métropole, stable à 0,6% (0,65 pour Mayotte). Et si les mères étrangères sont majoritaires sur l’île, elles ne sont que 10% à traverser le canal du Mozambique pendant leur grossesse, comme le rapporte l’ARS locale en 2023.
Rien n’y fait : pour le rapporteur du texte comme pour le gouvernement, cette nouvelle réforme devrait réduire l’immigration en mettant fin à un “facteur d’attractivité” de l’île.
Après un très probable futur examen par le Conseil constitutionnel de la réforme, la droite, depuis certains macronistes jusqu’au RN, affiche en outre sa volonté de soumettre au référendum un débat sur l’évolution du droit du sol, et de l’immigration en général. Au point d’en faire un sujet central de l’élection présidentielle de 2027 ?
DE L’ENERGIE A REVENDRE • Selon les chiffres publiés par RTE la semaine dernière, en 2024, la France a atteint un niveau record d’exportations d’électricité, avec un volume net de 89 térawattheures (TWh), surpassant son précédent record de 2002 (76 TWh). Les exportations brutes ont culminé à 101,3 TWh, générant des recettes de 5 milliards d’euros pour le pays, soit un montant supérieur aux 1 à 3 milliards d’euros annuels enregistrés depuis le début des années 2000. L’Italie a été le premier acheteur d’électricité française, représentant 32 % des exportations, suivie par l’Allemagne (18 %) et la Belgique (15 %).
Toutefois, cette performance masque des nuances importantes concernant l’équilibre énergétique global de l’hexagone. Bien que la production d’électricité d’origine nucléaire ait permis ces exportations, la France demeure fortement dépendante des énergies fossiles. En 2024, les importations de combustibles fossiles ont représenté une charge de plus de 64 milliards d’euros, et leur part dans la consommation énergétique finale s’élevait encore à près de 60 %. Malgré les ambitions gouvernementales visant à réduire cette proportion à 42 % en 2030 et à 30 % en 2035, la transition énergétique reste un défi majeur.
Un article paru dans Die Welt outre-Rhin la semaine dernière commente les limites de cette réussite énergétique française. Si le nucléaire a permis à la France d’afficher un solde exportateur exceptionnel, le parc nucléaire français est vieillissant et nécessite des investissements massifs pour sa modernisation. EDF fait face à des coûts d’entretien en forte hausse, avec une facture de remise aux normes de 66 milliards d’euros pour prolonger la durée de vie de plusieurs réacteurs. Par ailleurs, la construction de nouveaux réacteurs EPR2, annoncée par le gouvernement, est critiquée pour son coût élevé et son financement incertain.
L’approvisionnement en uranium constitue également un point de vulnérabilité stratégique. La France est totalement dépendante des importations pour cette ressource, principalement en provenance du Kazakhstan, de l’Australie et du Niger. Or, le Kazakhstan a récemment averti ses clients de possibles tensions sur l’offre, tandis que la Russie a accru son influence sur la production d’uranium kazakhe, renforçant les incertitudes sur la stabilité de l’approvisionnement à moyen terme.
IA D’LA JOIE • Alors que le sommet de Paris sur l'intelligence artificielle bat son plein jusqu'à ce mardi soir, le gouvernement met en scène l'engagement français dans le développement de cette technologie.
La semaine dernière déjà, François Bayrou a présenté une série de mesures destinées à assurer la place de la France dans le développement de cette technologie.
Parmi ces mesures, le gouvernement prévoit d’ajouter 400 Millions d’euros au budget de la stratégie nationale pour l'IA, lancé en 2018 dans la foulée de la mission menée par Cédric Villani. Elle représente 2,5 milliards du plan France 2030, dont 3,3 ont déjà été mobilisés.
La question de l’accès de la puissance publique à l’intelligence artificielle est au cœur des réflexions. Les agents publics disposent depuis un an d’une IA développée par le « DataLab » de la Direction interministérielle du numérique (Dinum), mais le recours à des logiciels privés et plus puissants est ralenti par les règles de la commande publique : c’est pourquoi Matignon envisage de relever les seuils de recours à la mise en concurrence en matière de services d’IA.
Enfin, en ouverture du sommet, dimanche 9 février, Emmanuel Macron a quant à lui annoncé 109 Milliards d’investissements privés dans l’IA en France. Ces investissements devraient notamment concerner l’implantation d’infrastructures de calcul, en particulier des datacenters, pour lesquels 35 nouveaux sites « clés en main » ont été identifiés, en plus des 250 existants.
Depuis octobre 2023, l’article 19 de la loi industrie verte facilite déjà l’implantation de ces data centers en abrégeant leur procédure d’autorisation environnementale en leur accordant le statut de « projet d’intérêt national majeur », statut donc vous parlait Hexagone ici et ici.
La Commission franco-camerounaise sur le rôle et l'engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d'opposition entre 1945 et 1971 a publié son travail de recherche conséquent et passionnant qui dissèque la phase de transition de l’ordre mandataire colonial jusqu’à l’influence française dans les processus politiques camerounais au début des années 1970.
Ce rapport de la Cour des comptes sur l’aménagement du littoral méditerranéen face aux risques d’inondation, étude qui devrait intéresser les collectivités et les constructeurs de tout le territoire.
Cet article de Basile Ridard paru dans la revue Pouvoirs, qui aborde le rôle du Premier ministre devant le Parlement, dans une période propice à la réflexion.
Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !
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