Retraites, CEDH, A69

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Hexagone
5 min ⋅ 01/07/2025

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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 1er juillet 2025, et voilà votre 71ème briefing hebdo.


Le Briefing

RETRAITE STRATÉGIQUE • Jeudi 26 juin 2025, le Premier ministre François Bayrou a tenu une conférence de presse à Matignon pour tirer les conclusions du conclave sur les retraites, organisé depuis février avec les partenaires sociaux. 

Malgré l'absence d'accord formel entre syndicats et patronat à l'issue des négociations, il a rejeté l’idée d’un échec. Accompagné des ministres du travail, François Bayrou a détaillé les avancées enregistrées durant ces échanges, mettant en avant des consensus qualifiés de substantiels.

Parmi les principaux points d’accord évoqués, le Premier ministre a cité l’engagement unanime des partenaires à respecter l’objectif de retour à l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2030 ainsi que le maintien de l’âge légal de départ à 64 ans tel qu'établi par la réforme de 2023. 

Sur le plan social, plusieurs améliorations ont fait l’objet d’un accord concernant les mères de famille : 

  • la durée de référence pour le calcul du salaire annuel moyen serait réduite à 24 meilleures années pour celles ayant un enfant, et à 23 pour celles ayant deux enfants ou plus. 

  • Les trimestres validés pour maternité pourraient désormais être utilisés dans le dispositif des carrières longues. 

Une autre mesure consensuelle concerne l’âge de la retraite à taux plein sans décote, qui passerait de 67 à 66,5 ans.

S’agissant de la pénibilité, Bayrou a souligné deux points d’accord : la réintégration des trois critères ergonomiques (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) et l’élaboration d’une cartographie des métiers exposés. 

Toutefois, deux désaccords majeurs persistent. 

  • La réparation : les syndicats souhaitent un droit à retraite anticipée automatique pour les salariés exposés, alors que le patronat conditionne ce droit à une décision médicale d’incapacité. 

  • Le financement. Sur un besoin global estimé entre 1 et 1,5 milliard d’euros pour financer les mesures issues du conclave, seuls deux leviers ont été consensuellement identifiés : une réforme du financement via les accidents du travail/maladies professionnelles à hauteur de 500 millions d’euros, et une rationalisation du cumul emploi-retraite pour 500 millions supplémentaires. Il reste ainsi 400 millions d’euros non couverts, aucune solution n’ayant été trouvée pour combler ce déficit.

Face à ces blocages, François Bayrou a annoncé une nouvelle période de négociation de dix à quinze jours afin de permettre aux experts et négociateurs de se remettre au travail et de rapprocher les positions. 

Si aucun accord ne peut être trouvé, le gouvernement entend introduire les mesures consensuelles dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à l’automne. 

En réaction à cette communication gouvernementale, le Parti socialiste a déposé une motion de censure le jeudi 26 juin, qui doit être examinée aujourd’hui à l’Assemblée nationale. 

Mais aussi


A LA TÊTE DU CLIENT La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France, par une décision Seydi et autres c. France du 26 juin dernier, pour avoir fait subir à un homme des contrôles d’identité discriminatoires. 

La décision concernait six personnes d’origine africaine ayant été contrôlés à plusieurs reprises entre 2011 et 2012, qui avaient demandé au ministère de l’Intérieur de leur communiquer les motifs de ces contrôles, sans succès. 

Tous ont été déboutés, faute de témoignages suffisants, sauf un seul, grâce au témoignage d’un passant.  

M. Touil avait été contrôlé trois fois en dix jours en 2011, sans que l’Etat français ne puisse apporter de “justification objective et raisonnable” à ces contrôles, alors que la Cour avait établi, grâce au témoignage d’un passant, une “présomption de traitement discriminatoire”. 

Ces contrôles violaient donc l’article 14 de la Convention, qui interdit les discriminations, ainsi que l’article 8 qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.  

Sans que cette décision ne reconnaisse l’existence d’une défaillance structurelle, il s’agit d’une première dans le contexte d’une aggravation des pratiques discriminatoires et une surexposition de certains groupes sociaux aux contrôles, comme le relève le défenseur des droits.

Dans un récent rapport du 24 juin, l’institution relevait une nette augmentation du nombre de contrôles d’identité (47 millions de contrôles sur 26% de la population en 2024, contre 16% en 2016), sans que les policiers ne soient particulièrement attachés à la pratique : 39% d’entre eux juge les contrôles d’identité “peu ou pas efficaces” pour assurer la sécurité. 

Bien que certaines études de terrain aient modéré la présomption de biais discriminatoire, hommes perçus comme arabes, noirs ou maghrébins ont aujourd’hui douze fois plus de risques de subir un contrôle "poussé" (palpation, fouille, conduite au poste). 

Alors que seuls 50% des français se disent confiants envers les forces de l’ordre (même rapport), le groupe socialiste au Sénat a échoué à faire adopter une proposition de loi garantissant la délivrance d’un récépissé pour tout contrôle, mesure demandée de longue date par les associations et le Conseil national des barreaux. 



AU BULLDOZER • La loi de validation du projet d’autoroute A69 est en passe d’être adoptée en commission mixte paritaire, dernière étape avant qu’elle ne soit soumise au vote du Sénat le 3 juillet, puis de l’Assemblée autour de la rentrée. 

Usant d’une méthode maintenant éprouvée (voir nos brèves sur la Loi Duplomb), les députés du “socle commun” avaient fait sauter l’étape de la discussion publique à l’Assemblée en adoptant une motion de rejet de leur propre texte, le propulsant directement en CMP. 

Le texte, porté notamment par les parlementaires du Tarn, vise à « sécuriser juridiquement » le chantier, suspendu puis relancé à la faveur d’une décision de la Cour administrative d’appel de Toulouse le 28 mai 2025. 

Il valide rétroactivement les arrêtés préfectoraux d’autorisation environnementale du projet, en affirmant qu’ils répondent à une « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM), critère central pour déroger à la protection des espèces et de l’environnement. 

Ce procédé, appelé “validation législative” doit permettre de prémunir le projet contre de nouveaux recours, alors que le procès en appel sur le fond est attendu en novembre 2025.

La validation législative d’un projet d’infrastructure lourd n’est pas inédite : le législateur est déjà intervenu pour régulariser rétroactivement des irrégularités dans des contrats publics – comme pour le Stade de France (1996) ou des conventions d’aménagement (2005). 

En revanche, c’est la première fois que ce procédé est utilisé pour corriger une irrégularité de fond, et aussi substantielle.

En outre, le législateur n’a plus, comme ce fut le cas avant 1980, une liberté totale en matière de validations législatives : aujourd’hui, tant le Conseil constitutionnel que la CEDH peuvent censurer une telle loi, et notamment lorsqu’elle porte atteinte au droit à un procès équitable. 

Or, cette loi intervient précisément pour contrecarrer une décision de justice qui n’est pas devenue définitive, là aussi cas inédit. 

La saga juridique de l’A69 n’est pas finie, nous en reparlerons ensemble ! 


NOS LECTURES DE LA SEMAINE

  • Le rapport « Charges et Produits pour 2026 » de l’Assurance Maladie. L’Assurance Maladie anticipe un déficit de 16 milliards d’euros en 2025, pouvant atteindre 41 milliards d’ici 2030 si aucune mesure structurelle n’est adoptée.

    Le rapport propose 60 mesures à court et moyen terme, axées sur trois piliers : vaste effort de prévention, coordination des parcours de soins et optimisation des dépenses selon le principe du « juste soin au juste coût ». Parmi les actions envisagées figurent la lutte renforcée contre la fraude (628 millions détectés en 2024), la régulation des prix des médicaments et l’encouragement des génériques/biosimilaires.

    Sur le long terme, le rapport recommande une nouvelle architecture du financement entre assurance maladie obligatoire et complémentaires, avec une indexation des recettes et dépenses sur la croissance du PIB et des synergies accrues entre acteurs


Hexagone est rédigé par Étienne Rabotin et Ghislain Lunven, avec l’appui de Noé Viland. À la semaine prochaine !

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