PPL Duplomb, ZFE, TVA sociale et fin de vie

L'actu des décideurs éco, politiques et juridiques, sélectionnée et analysée pour vous chaque semaine

Hexagone
6 min ⋅ 03/06/2025

Suivez Hexagone sur LinkedIn

Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 3 juin 2025, et voilà votre 67ème briefing hebdo.


DUPLOMB DANS L’AILE Hexagone vous parlait il y a deux semaines de la proposition de loi du député Duplomb, remaniée pour permettre la réintroduction des néonicotinoïdes dans certaines cultures.

La PPL est activement soutenue par la FNSEA - Manifestation en soutien le 26 mai 2025

Or, lundi 26 mai, l’Assemblée nationale a adopté une motion de rejet préalable sur la proposition de loi « Duplomb », relative à l’allègement des contraintes pesant sur les agriculteurs. Si ce vote — par 274 voix contre 121 — pourrait en apparence signer l’abandon du texte, il s’agit en réalité d’un contournement stratégique du débat en séance publique.

Déposée par les présidents des groupes de la majorité et par Julien Dive (Les Républicains), rapporteur du texte, cette motion a permis d’éviter l’examen en séance publique de près de 3 500 amendements, principalement portés par les groupes écologiste et LFI. 

Comme le prévoit l’article 91, §5, du règlement de l’Assemblée, l’adoption de la motion entraîne le rejet du texte, qui avait été approuvé par le Sénat : il devra donc être discuté en commission mixte paritaire (CMP), sans passer par un débat article par article en séance. 

La manœuvre — inédite en ces termes — a suscité de vives critiques des groupes d’opposition, qui ont dénoncé un « 49.3 déguisé », au motif que cette procédure empêche tout débat contradictoire et réduit artificiellement le temps du débat parlementaire. 

La députée Mathilde Panot (LFI) a qualifié l’épisode de « précédent antidémocratique », tandis que d’autres élus évoquaient une instrumentalisation de la procédure pour bâillonner l’opposition.

Du côté du bloc central, les défenseurs de la motion assument : confrontés à une stratégie d’obstruction et à un calendrier contraint, ils estiment avoir préservé la continuité législative du texte, défendu activement par la FNSEA, tout en promettant un travail de fond en CMP.

Cette irruption du règlement de l’Assemblée dans la formation de la loi promet, par avance, d’intéressants débats devant le Conseil constitutionnel, qui contrôle la régularité de la procédure parlementaire, notamment au regard du principe de sincérité des débats. Hexagone sera là pour vous en parler. 

Mais aussi


ZONES INTERDITES • Le 30 mai, l’Assemblée nationale - qui ne faisait pas le pont - a adopté, dans le cadre du projet de loi sur la simplification de la vie économique, un amendement visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). 

Cet article, soutenu par une majorité hétéroclite (RN, LR, LFI, et quelques députés de la majorité), remet en cause un dispositif central de la politique environnementale territoriale, et mettrait fin s’il était adopté par le Sénat aux ZFE aujourd’hui en vigueur.

L’article introduit en commission prévoit d’abroger l’article L2213-4-1 du CGCT, créé par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, qui permet la création de ces zones à titre facultatif. Depuis la loi” Climat et Résilience” de 2021, elles sont obligatoires pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants lorsque les normes de qualité de l’air y sont durablement dépassées.

Aujourd’hui, six métropoles (Paris, Lyon, Grenoble, Strasbourg, Aix-Marseille-Provence, Montpellier) sont concernées, dont seules les deux premières l’appliquent de façon stricte. Supprimer la faculté pour les maires de maintenir ces ZFE entraînerait mécaniquement un retour de millions de véhicules en ville et l’augmentation des émissions de particules fines. 

L’amendement adopté pourrait toutefois être censuré par le Conseil constitutionnel comme un cavalier législatif : inséré dans un texte dont l’objet est de simplifier les démarches administratives pour les entreprises et projets industriels, il pourrait être jugé sans lien direct avec l’objet principal du projet de loi. 

Si la disposition devait être votée telle quelle par le Sénat, la suppression des ZFE menacerait en outre le respect par la France de ses engagements sur la réduction de ses émissions en matière de transports. 

Une note de la DG Trésor citée en avril par Contexte calculait que la Commission européenne pourrait considérer cette abrogation comme une annulation d’engagements et suspendre ses paiements au titre du Plan national de relance et résilience, et annuler 3,3 Milliards d’euros de versements au titre de 2025. 

Elle perturberait aussi les trajectoires financières des collectivités : selon les calculs de La Tribune, à Rouen, 40 M€ ont été budgétés pour aider les particuliers à remplacer leur véhicule non conforme, dont 10 M€ déjà engagés ; à Strasbourg, la métropole a inscrit 50 M€ sur plusieurs années pour des aides à la conversion, avec 11 M€ déjà engagés fin 2024.


Une recommandation de la part des rédacteurs d’Hexagone (non rémunéré) : BLOCS, la newsletter du commerce international.

L’unité européenne résistera-t-elle à la pression commerciale de Trump ? Comment interpréter le début de détente sino-américaine sur le front des tarifs ? Comment le Royaume-Uni se positionne-t-il ? Et dans cet environnement incertain, la France peut-elle rester attractive ?

Pour y voir plus clair sur ces sujets complexes d’une brûlante actualité, nous vous recommandons chaudement de vous abonner à BLOCS, la première newsletter francophone dédiée au commerce international. Chaque mercredi, cette lettre préparée par les frères Solal, deux journalistes forts d'une expérience de plusieurs années de correspondance à Bruxelles, offre gratuitement un condensé utile, digeste et départi de toute considération idéologique de l’actualité des échanges mondiaux. 


LA TAXE TIQUE • L’idée d’un allègement du coût du travail compensé par une hausse de la TVA a été remise au centre du débat public à la suite de l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron le 13 mai 2025 sur TF1. Lors de cette allocution, le chef de l’État a affirmé que le modèle social français reposait « trop sur le travail » et qu’il faudrait désormais « aller chercher vers les cotisations plutôt que vers les contributions ». Cette déclaration a été perçue comme une relance du concept de « TVA sociale », un mécanisme qui consisterait à transférer une partie du financement de la Sécurité sociale du travail vers la consommation, par une hausse des taux de TVA. Le Medef, fervent défenseur de cette réforme, voit dans cette mesure une opportunité d’alléger durablement le coût du travail, dans l’espoir d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises.

Le principe de la TVA sociale repose sur une transformation du mode de financement de la protection sociale, historiquement fondée sur des cotisations salariales et patronales. Depuis la création de la Sécurité sociale en 1945, ce sont les revenus du travail qui ont servi de principale base contributive. Toutefois, au fil des décennies, les sources de financement se sont diversifiées. En 2023, les cotisations sociales ne représentaient plus qu’environ 50 % des recettes de la Sécurité sociale, contre 20 % pour la CSG, 10 % pour les taxes affectées, et 8 % pour une part de TVA. Le projet de TVA sociale entend amplifier ce glissement en augmentant les taux de TVA pour compenser une réduction des cotisations patronales, avec un double objectif : accroître la compétitivité des entreprises et, potentiellement, augmenter le salaire net des travailleurs. Ce mécanisme, déjà partiellement en vigueur via des recettes de TVA affectées à la Sécurité sociale, impliquerait donc l’introduction d’un nouveau taux ou l’augmentation des taux existants.

Concrètement, la TVA représente déjà la première recette fiscale de l’État, avec plus de 200 milliards d’euros collectés en 2024. Elle est structurée en quatre taux : 20 % (taux normal), 10 %, 5,5 %, et 2,1 % pour certains produits spécifiques. Une hausse généralisée d’un point pourrait générer 8 à 13 milliards d’euros supplémentaires selon l’étendue de l’augmentation. Pour en atténuer l’impact sur les plus modestes, certains partisans de la mesure envisagent d’épargner les produits de première nécessité. Toutefois, une telle réforme aurait des effets sensibles sur le pouvoir d’achat : toute hausse de la TVA se traduirait par un renchérissement immédiat des biens de consommation courante, de l’alimentation au carburant.

L’efficacité réelle de la TVA sociale demeure incertaine. Si certains estiment que l’allègement des charges pourrait favoriser l’emploi ou relancer l’activité, la Cour des comptes a souligné, dans son rapport sur les lois de financement de la Sécurité sociale, que les effets des exonérations de cotisations sociales sur la création d’emploi sont « complexes à chiffrer ». En 2024, ces exonérations ont entraîné un manque à gagner de 77,3 milliards d’euros pour la Sécurité sociale, dont seulement une partie a été compensée par l’État, aggravant le déficit du système, évalué à 15,3 milliards d’euros en 2024 et projeté à 22,1 milliards en 2025. La mise en œuvre mal calibrée d’une TVA sociale pourrait donc creuser davantage un déficit déjà préoccupant.

Enfin, l’idée de TVA sociale n’est pas nouvelle. Elle a été brièvement instaurée par Nicolas Sarkozy en 2012, avant d’être immédiatement abrogée par François Hollande à son arrivée au pouvoir. Sa résurgence actuelle intervient dans un contexte politique tendu, où les soutiens parlementaires à une telle réforme sont restreints. Le gouvernement de François Bayrou aurait sans doute du mal à faire adopter une telle mesure face à une opposition déclarée réunissant la gauche de LFI au PS et le RN. 


MOURIR POUR DÉCIDER • Mardi 27 mai 2025, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi instaurant un droit à l’aide à mourir, à 305 voix pour et 199 contre, marquant une étape décisive dans le débat sur la fin de vie. 

Deux textes étaient en discussion. Le premier, consacré à l’égal accès aux soins palliatifs, a été adopté quasi unanimement. Le second, plus controversé, introduit la possibilité pour une personne majeure, atteinte d’une affection grave et incurable, de demander une aide à mourir si ses souffrances, physiques ou psychiques, sont jugées inapaisables, sous réserve de l’accord médical. 

Le débat parlementaire qui a précédé le vote s’est distingué par sa qualité. Pendant près de cent heures, les échanges se sont tenus dans un climat de retenue. Tous les groupes ont connu des divisions internes, et très peu ont voté de manière homogène, à l’exception notable de l’Union des droites pour la République (groupe d’Eric Ciotti), totalement opposée. 

Malgré ce premier succès législatif, la suite du processus reste incertaine. Le texte doit maintenant être examiné par le Sénat, dominé par la droite, où les réticences sont plus marquées. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a promis une inscription à l’ordre du jour à l’automne, mais a déjà fait part de ses réserves. La navette parlementaire, avec ses allers-retours entre les deux chambres, pourrait s’éterniser, et certains craignent que le processus n’aboutisse pas avant la fin du quinquennat en 2027. Se faisant l’écho de ces craintes, Emmanuel Macron n’a pas exclu la possibilité d’un référendum en cas de blocage persistant.  


Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !

Hexagone fait partie de Footnotes, le média qui rassemble les newsletters d’un monde complexe. Une douzaine d’experts vous éclairent chaque semaine sur leur thématique de prédilection.

Découvrez tous nos contenus ici et suivez-nous sur LinkedIn.

Vous pouvez vous abonner directement à nos newsletters : HexagoneWhat’s up EULettre d’AllemagneCafétechLudonomics, et Blocs.


Hexagone

Hexagone

Par Hexagone Newsletter

Les derniers articles publiés