Loi Narcotrafic, pollution de l'air, Bernard Fontana et scrutin proportionnel

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Hexagone
5 min ⋅ 06/05/2025

Le Briefing

PPL Narcotrafic • Le 29 avril 2025, l’Assemblée nationale a définitivement adopté la proposition de loi narcotrafic. Ce texte, voté à 396 voix contre 68, n’a rencontré qu’une seule opposition organisée, celle du groupe La France insoumise, qui a dénoncé un « plan de communication » inefficace. 

Le texte trouve son origine dans un rapport sénatorial de plus de 600 pages, publié en mai 2024, coécrit par les sénateurs Étienne Blanc (LR) et Jérôme Durain (PS), qui étudiait l’ampleur croissante du narcotrafic en France. 

Bruno Retailleau (Intérieur), Gérald Darmanin (Justice), Yannick Neuder (Santé) ont présidé un comité de pilotage sur les prisons de haute sécurité le mois dernier

L’actualité a alimenté l’élan politique autour de ce projet. Dès le jour de la publication du rapport sénatorial, un commando lourdement armé attaquait au péage d’Incarville, dans l’Eure, pour libérer le narcotrafiquant Mohammed Amra, tuant deux agents pénitentiaires. Plus récemment, des attaques coordonnées visant plusieurs établissements pénitentiaires ont été attribuées à la DZ Mafia, réseau criminel originaire de Marseille, confirmant le degré de violence extrême atteint par certains groupes liés au trafic de stupéfiants.

Sur le terrain, les chiffres confirment l’ampleur du phénomène. En 2024, les autorités françaises ont saisi près de 110 tonnes de drogues, dont 53 tonnes de cocaïne, soit une hausse respective de 74 % et 130 % par rapport à 2023. Sur le plan financier, les saisies d’avoirs criminels se sont élevées à 71 millions d’euros, contre 51 millions en 2019. En zone gendarmerie, les saisies ont été multipliées par dix en deux ans, atteignant 6,6 tonnes en 2024, contre seulement 700 kg en 2022, signe d’une expansion préoccupante du narcotrafic dans les zones rurales.

Le contenu de la loi s’articule autour de plusieurs axes structurants. Elle institue notamment le Parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), calqué sur les modèles du PNF et du Pnat. Prévu pour entrer en fonction en janvier 2026, ce parquet traitera les affaires les plus complexes du haut du spectre criminel. Son champ de compétence reste toutefois flou juridiquement, soulevant des inquiétudes quant à sa coordination avec les juridictions interrégionales spécialisées. En parallèle, la loi prévoit la création d’un état-major criminalité organisée chargé de piloter l’action interministérielle.

Parmi les outils judiciaires renforcés figure le « dossier coffre », ou procès-verbal distinct, inspiré du modèle belge. Ce mécanisme permet de ne pas verser certaines données sensibles au dossier de procédure, notamment sur les modalités techniques des enquêtes (lieu et date des écoutes, identités des agents impliqués), dès lors que leur divulgation pourrait mettre en danger la vie ou l’intégrité physique d’un individu. La loi encadre strictement son usage, avec possibilité de recours.

La loi introduit également un nouveau statut du repenti, élargi aux auteurs de crimes de sang, leur offrant une réduction de peine allant jusqu’aux deux tiers. Cette disposition vise à encourager la coopération avec les autorités, dans un contexte où les réseaux criminels utilisent des techniques de plus en plus sophistiquées pour se protéger. Par ailleurs, une nouvelle infraction pénale est introduite : la participation à une organisation criminelle, inspirée du droit antimafia italien. L’usage de mineurs comme « petites mains », notamment via les réseaux sociaux, est dorénavant passible de sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Sur le plan des techniques d’enquête, la loi autorise l’utilisation d’algorithmes de détection automatisée de connexions suspectes sur internet, technique jusqu’ici réservée à la lutte antiterroriste. Elle prolonge également l’expérimentation des interceptions satellitaires. L’activation à distance des téléphones ou ordinateurs, l’infiltration civile, l’anonymat renforcé des enquêteurs et interprètes viennent compléter cet arsenal.

Le volet pénitentiaire est particulièrement marqué par la création de quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), dans lesquels les détenus les plus dangereux seront soumis à un régime strict, incluant fouilles systématiques et parloirs avec séparation. Deux établissements de très haute sécurité ouvriront dès l’été 2025, à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, pour y enfermer les 200 trafiquants jugés les plus menaçants. Toutefois, alors que 600 détenus sont considérés comme sensibles, ces structures ne suffiront pas à endiguer le phénomène, d’autant plus que le système pénitentiaire subit une surpopulation estimée à 130 %, selon les experts.

Mais aussi


HABEMUS FONTANA • Le Parlement a validé, mercredi 30 avril, la nomination de Bernard Fontana à la tête d’EDF. Proposé par l’Élysée en mars (voir Hexagone du 25/03), l’actuel PDG de Framatome a été approuvé par 55 voix contre 40, malgré des réserves au Sénat. Sa prise de fonction sera officialisée par décret après l’assemblée générale d’EDF qui a eu lieu hier, lundi 5 mai : il succédera à Luc Rémont, qui reste président d’honneur du groupe. 

Ce dernier avait notamment été renvoyé pour avoir mené un projet trop tourné vers l’exportation de centrales et pas suffisamment vers la compétitivité des entreprises françaises ; le retard dans la construction de 6 nouveaux réacteurs avait été le déclencheur de son renvoi. 

Bernard Fontana a donc logiquement présenté six grandes priorités alignées avec celles de l’Etat. Il promet une électricité plus compétitive pour les industriels, avec un nouveau système post-Arenh combinant prix régulés et redistribution des revenus. L’objectif : 40 TWh de contrats long terme.

Il annonce également une meilleure maîtrise des coûts et des délais des futurs réacteurs EPR2. EDF devra proposer d’ici fin 2025 un chiffrage précis pour la construction de six nouvelles unités. Une décision d’investissement est prévue en 2026, avec une première mise en service en 2038.

Surtout, il souhaite améliorer la performance du parc nucléaire, avec une production visée de 400 TWh en 2030 (contre 361,7 TWh en 2024), grâce à une maintenance renforcée et à l’utilisation de combustibles à plus longue durée.

Fontana veut aussi relancer l’hydroélectricité (+4 GW, contre 25,7 GW déjà installés) mais a prévenu que ces investissements seraient fragilisés par une éventuelle mise en concurrence européenne. La Commission prévoit en effet de soumettre l’exploitation des barrages à la concurrence, ce contre quoi la France s’active à Bruxelles, comme le rapportait Le Monde en octobre 2024.

Enfin, il mise sur une gestion financière solide, facilitée par des investissements historiquement massifs de la part de l’État, désormais actionnaire unique, et les bons résultats 2024 : EBITDA de 39,9 Md€, CA de 118,7 Mds€, en léger recul depuis 2023.


A CIEL OUVERT • Par un arrêt du vendredi 25 avril, le Conseil d’Etat s’est refusé à prononcer une nouvelle astreinte pour contraindre l’Etat à agir pour la qualité de l’air dans les grandes agglomérations.  

Cette décision clôt un contentieux environnemental lancé il y a huit ans par l'association “Les Amis de la Terre”. 

Par une décision de 2017, le Conseil avait ordonné à l’État de se conformer aux exigences de la directive européenne sur la qualité de l’air, notamment en réduisant les concentrations de dioxyde d’azote (NO₂) et de particules fines (PM10) dans 13 agglomérations.

Constatant la carence de l’administration à exécuter cette décision, le Conseil d’Etat avait enjoint l’Etat à agir, sous trois astreintes de 10 Millions d’euros en 2021 et 2022, puis sous peine de 5 millions d’euros par semestre supplémentaire de retard en 2023. 

Le Conseil d’État considère que son injonction de 2017 a été pleinement exécutée.

En effet, désormais, plus aucune zone ne dépasse les seuils réglementaires pour les PM10. Concernant le NO₂, seuls Paris et Lyon affichaient encore des dépassements partiels. Toutefois, pour ces deux agglomérations, le Conseil d’État estime que les mesures actuellement mises en œuvre ou programmées assurent une mise en conformité effective et durable.

À Lyon, le troisième plan de protection de l’atmosphère (PPA), adopté fin 2022, prévoit des leviers concrets (voies réservées au covoiturage, baisse des vitesses, extension de la ZFE-m) dont certains sont déjà déployés.

À Paris, le quatrième PPA d’Île-de-France, entré en vigueur fin janvier 2025, s’ajoute à la restriction de circulation des véhicules Crit’Air 3 dans la Zone à faibles émissions (ZFE), désormais active en semaine. Le Conseil d’État estime que ces politiques environnementales devraient permettre le respect intégral des seuils réglementaires dès 2026.

La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, s’est félicitée de cette reconnaissance et prévoit un "Roquelaure de la qualité de l’air" le 12 mai, afin de coordonner les efforts entre ministères, collectivités et élus, dans un contexte politique tendu sur les ZFE, visées par une tentative de suppression législative récente.


PROPORTIONNELLE • François Bayrou a défendu devant le Sénat une réforme électorale introduisant une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin législatif. Cette déclaration s’inscrit dans une volonté gouvernementale de répondre à une double exigence : restaurer la représentativité du Parlement et renforcer la légitimité démocratique des institutions, à l’heure où une partie croissante de l’électorat se sent exclue du jeu politique. 

Le chef du gouvernement évoque un projet limité, prévoyant une part minoritaire de sièges (autour de 20 % à 25 %) élus à la proportionnelle, selon un mécanisme encore à arbitrer entre circonscriptions régionales ou liste nationale. Ce compromis viserait à conserver les vertus de la stabilité majoritaire tout en offrant une représentation aux sensibilités politiques minoritaires qui ne parviennent pas à franchir les seuils dans le système uninominal. Bayrou rejette explicitement les critiques assimilant cette réforme à un facteur d’instabilité, affirmant qu’elle s’inscrit dans une logique d’inclusion et de consolidation démocratique.

L’allocution du Premier ministre souligne également que cette évolution constitutionnelle doit se faire par voie parlementaire, appelant les sénateurs à faire preuve d’un esprit de responsabilité historique. Il ne ferme toutefois pas la porte à l’outil du référendum, au cas où le consensus parlementaire ne serait pas atteint. En arrière-plan, se dessine l’enjeu de la réconciliation entre les institutions et une société fragmentée, et le souhait de Bayrou de laisser une empreinte durable sur l’architecture démocratique française. 

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Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !

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