Dérapage budgétaire, Conseil constitutionnel, Electricité et Affaires courantes

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Hexagone
7 min ⋅ 18/02/2025

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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 18 février, l’arrêt Dame Lamotte fêtait ses 75 ans hier, et voilà votre 51ème briefing hebdo.


Le Briefing

La Cour des comptes a publié le 14 février dernier un important rapport sur la situation des finances publiques. Elle dresse un tableau alarmant des comptes publics français. La juridiction financière évoque une « dérive inédite » et une situation « au pied du mur » pour la France, après plusieurs années de déficit incontrôlé. Le document souligne que la France est aujourd’hui la seule grande économie de la zone euro sans perspective crédible de retour sous les 3 % de déficit public​​.

Le déficit public français a atteint 6 % du PIB en 2024, soit environ 175 milliards d’euros. Il s’agit d’une forte détérioration par rapport aux objectifs initialement prévus. Pour 2025, le gouvernement vise un déficit de 5,4 %, mais la Cour des comptes estime qu’il est en réalité plus proche de 5,45 %, voire 5,5 %, en raison d’hypothèses de croissance jugées optimistes​​.

Une puissante berline en dérapage contrôlé, sur le circuit de Bordeaux Mérignac (2014, © GTRS Open Days)

MOSCO DRIFT Selon l’institution, le dérapage budgétaire s’explique principalement par : des hypothèses de croissance trop optimistes : elles ont dû être revues à la baisse à plusieurs reprises ; des baisses d’impôts non financées jusqu’en 2023, qui ont creusé le déficit structurel ; l’absence d’économies structurelles sur les principales dépenses publiques ; une explosion des dépenses publiques ordinaires, qui ont augmenté plus vite que les recettes​.

La charge des intérêts de la dette publique représente un poste budgétaire en forte croissance. En 2024, elle s’élevait déjà à 59 milliards d’euros et devrait presque doubler d’ici 2029, atteignant 112 milliards d’euros, ce qui en ferait le premier poste budgétaire de l’État, dépassant largement celui de l’Éducation nationale​​.

En réponse, difficile de continuer à faire peser l’essentiel de l’effort sur l’Etat. Celui-ci réduit ses dépenses en valeur, un effort inédit depuis dix ans, c’est-à-dire un recul en volume de 2,3 %. En revanche, les dépenses sociales et celles des collectivités locales continuent d’augmenter. L’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie) devrait progresser en 2025 de 3,3 %, atteignant 265,3 milliards d’euros. Les collectivités locales ont connu une hausse de 3,6 % de leurs dépenses en 2024, au-delà des prévisions, ce qui a contribué au creusement du déficit​.

Le gouvernement Barnier avait soumis à Bruxelles un programme budgétaire prévoyant un retour du déficit à 2,8 % du PIB en 2028, avec une trajectoire détaillée : 5 % en 2025, 4,6 % en 2026, 4 % en 2027 et 3,3 % en 2028. Or, avec un déficit déjà prévu à 5,4 % en 2025 et un ajustement budgétaire désormais estimé à 110 milliards d’euros, cette trajectoire est déjà caduque.

Face à l’urgence budgétaire, et alors que le gouvernement planche sur des prélèvements exceptionnels sur les grandes fortunes, des députés écologistes ont fait une proposition de taxation des patrimoines des plus riches. Inspirée par l’économiste Gabriel Zucman, elle consisterait en un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, qui rapporterait entre 15 et 25 milliards d’euros par an. Cette mesure toucherait 4 000 foyers fiscaux, soit 0,01 % des contribuables​. La version gouvernementale serait une taxe anti-optimisation avec un taux beaucoup plus faible (0,5 %), excluant les biens professionnels pour éviter que des assujettis à cette taxe ne doivent vendre leur entreprise pour l’acquitter​.

Mauvaise nouvelle pour les finances publiques françaises par ailleurs, la taxe GAFA, introduite en 2019, est de nouveau dans le viseur de Donald Trump. Cette dernière est un prélèvement de 3 % sur les revenus des entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions en France. Son rendement a fortement augmenté : 277 millions d’euros en 2019, 756 millions en 2024, et une prévision de 774 millions en 2025​.

Cependant, cette taxe ravive les tensions avec les États-Unis. Donald Trump a annoncé des sanctions commerciales potentielles contre la France et le Canada, estimant que seuls les États-Unis devraient être autorisés à taxer leurs propres entreprises.


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Mais aussi

QUI JUGE LES JUGES ? • Réformer le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel, voilà l’objet d’une récente proposition de loi constitutionnelle déposée par le groupe “Gauche démocrate et républicaine”, trois jours avant la nomination, puis l’audition, des trois nouveaux membres de l’institution. 

Pour rappel, comme le prévoit l’article 56 de la Constitution, les neuf membres du Conseil sont renouvelés par tiers tous les trois ans, l’un étant nommé par le Président de la République, l’autre par le Président de l’Assemblée nationale, et le troisième par celui du Sénat. 

Il appartient aussi au Président de la République de nommer, parmi les membres du Conseil une fois complété, le président de cette institution. 

En revanche, Emmanuel Macron pourrait choisir de nommer à la présidence du Conseil non pas son candidat, Richard Ferrand, mais n’importe lequel de ses membres. Le nom d’Alain Juppé, doyen d’âge de l’institution, est évoqué.

Par la suite, les parlementaires doivent se prononcer pour avis sur les trois candidats, et peuvent même s’opposer à leur nomination par un veto à la majorité des 3/5èmes des suffrages exprimés. C’est ainsi que Richard Ferrand, Philippe Bas (sénateur, LR) et Laurence Vichnievsky (magistrate, ancienne députée Modem) seront entendus par les deux commissions des lois. 

Les deux derniers semblent convenir aux parlementaires, mais la candidature de Richard Ferrand, qui n’est pas juriste et qui est un allié politique historique d’Emmanuel Macron, a déjà suscité un rejet franc de la part de la gauche et d’une partie de la droite. 

C’est ce qui nous amène à la réforme voulue par le député Philippe Peu, qui présente une proposition de loi constitutionnelle pour encadrer les prochaines nominations. 

D’abord, le texte veut modifier l’article 56 de la Constitution pour exiger que les membres nommés “disposent de compétences et d’expérience reconnues en matière juridique” et n’aient été ni parlementaire ni ministre depuis au moins 10 ans.

Surtout, il propose de retirer au Président de la République le pouvoir de nommer le président de l’institution, et de confier cette tâche aux membres eux-mêmes, qui devront élire un de leurs pairs

La nomination serait également soumise au contrôle juridictionnel de la Cour de cassation.

Enfin, le texte veut permettre aux juges constitutionnels de publier leurs “opinions dissidentes”, à la manière des juges suprêmes américains. Pour ce faire, il modifierait l’article 61 de la Constitution, qui concerne seulement l’examen de constitutionnalité des lois et des lois organiques. 

En l’état, cette publication des opinions dissidentes ne concernerait donc pas les QPC, qui sont, elles, régies par l’article 61-1.

HAUTE TENSION • RTE, gestionnaire du réseau public de de transport d’électricité, a dévoilé jeudi 13 février un plan d’investissement colossal de 94 milliards d’euros d’ici à 2040 afin de moderniser et d’adapter le réseau électrique français aux futurs besoins.

Ce projet prévoit la rénovation de 40 000 kilomètres de lignes à haute et très haute tension sur un réseau total de 106 000 kilomètres. L’objectif est double : renouveler des infrastructures vieillissantes et préparer le réseau à une électrification massive des usages. 

L’adaptation du réseau s’inscrit dans le cadre de la transition énergétique, qui repose sur une électrification accrue des usages afin de réduire la dépendance aux énergies fossiles. Actuellement, l’électricité représente environ 25 % des besoins énergétiques de la France, mais cette part devrait dépasser 50 % à l’horizon 2050. 

Cette transformation nécessite un réseau capable de gérer une consommation croissante, qui pourrait atteindre 615 térawattheures (TWh) en 2035, contre 460 TWh en 2022. L’essor des énergies renouvelables, notamment l’éolien en mer, complique encore davantage la gestion du réseau, car ces sources de production sont intermittentes et nécessitent des infrastructures adaptées. 

À cela s’ajoutent les effets du changement climatique, qui mettent sous tension les infrastructures existantes : les tempêtes, les vagues de chaleur et les risques de submersion sont autant de menaces qui nécessitent un renforcement structurel du réseau. RTE prévoit donc de concevoir des infrastructures capables de résister à des vents de 180 km/h et d’intégrer les contraintes d’une France où le réchauffement pourrait atteindre +4°C d’ici la fin du siècle​​.

Les besoins industriels, notamment ceux des usines et des data centers, constituent un autre défi de taille. RTE a déjà signé des contrats pour raccorder plus de 140 projets industriels, qui mobiliseront une puissance totale de 21 gigawatts (GW), soit plus du double de la capacité de soutirage actuelle de l’industrie. 

Cependant, le taux de concrétisation de ces projets reste faible, en raison de comportements spéculatifs autour des demandes de raccordement. Pour éviter des blocages, RTE envisage de mettre en place des critères plus stricts, exigeant des preuves d’avancement avant d’accorder un accès prioritaire au réseau. 

Le coût de cette transformation sera considérable. RTE prévoit un pic d’investissements à plus de 8 milliards d’euros en 2031, soit trois fois plus que le niveau actuel. Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution, prévoit également un programme d’investissement de 96 milliards d’euros d’ici à 2040, portant le total des dépenses à près de 200 milliards d’euros pour la modernisation du réseau électrique français. 

Ces coûts se répercuteront en partie sur les consommateurs via le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE), qui représente actuellement environ un quart de la facture d’électricité des ménages. Toutefois, RTE se veut rassurant en affirmant que sans ces investissements, les coûts liés aux congestions du réseau seraient bien plus élevés, comme l’illustre la situation actuelle en Allemagne​​.

SI VIS PACEM • Alors que le gouvernement Bayrou a récemment survécu à sa première motion de censure, le spectre de l’instabilité gouvernementale continue de planer au-dessus de Matignon. 

Échaudés par l’exceptionnelle longueur de la période de transition entre le gouvernement Attal et le gouvernement Barnier (67 jours cet été), les députés Léa Balage El Mariky et  Stéphane Mazars ont rédigé un rapport d’information sur l’expédition des affaires courantes par les gouvernements démissionnaires, publié mi-décembre (Hexagone vous en parlait ici).

Pour mémoire, lorsqu’un gouvernement a présenté sa démission, et jusqu’à la formation d’un nouveau, il garde compétence pour expédier les “affaires courantes”, terme qui n’apparaît pas dans la Constitution de 1958 mais qui s’est perpétué depuis celle de 1946 par le truchement de la jurisprudence du Conseil d’Etat (4 avril 1952, n° 86015). 

Ce rapport formulait de nombreuses (11) propositions pour encadrer plus clairement les prérogatives du gouvernement pendant ces périodes flottantes. 

Certes, le Secrétariat général du gouvernement avait rédigé pendant l’été une note, publiée rapidement par le site “acteurs publics”, précisant la doctrine et quelques bonnes pratiques. 

Cependant, les parlementaires entendent donner plus de contrôle aux deux chambres sur l’action du Gouvernement, et mettre fin à des étrangetés comme le cumul, certes temporaire mais possible, entre les fonctions de ministre démissionnaire et de parlementaire capable de voter des textes législatifs. 

Les mêmes députés ont donc présenté une proposition de loi, sans modification constitutionnelle pour le moment, qui reprend trois des principales propositions du rapport : 

  • permettre aux parlementaires de contester les décisions prises par le Président ou par les membres du gouvernement en période d’affaires courantes ;

  • une obligation d’information du parlement sur l’activité du gouvernement pendant la période, sur le modèle du contrôle opéré pendant l’état d’urgence ;

  • la transmission obligatoire aux parlementaires de tous les actes réglementaires et individuels pris par le gouvernement démissionnaire, avec un droit pour les deux chambres de requérir toute information complémentaire.   

Pour l’instant, ni les incompatibilités de fonction des ministres démissionnaires, ni la durée de la période, ne sont destinés à être modifiés, contrairement aux recommandations du rapport.



Notre lecture de la semaine

  • La dernière édition du baromètre CEVIPOF de la confiance politique, qui se poursuit depuis 2011. La 16ème vague s’accompagne d’une analyse rétrospective qui montre une nette dégradation du rapport des Français à la politique, ses débats et ses personnalités.


Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !


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