Ukraine, Chlordécone, Loi PLM et Narcotrafic

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Hexagone
6 min ⋅ 18/03/2025

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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 18 mars 2025, C8 est éteinte depuis 3 semaines, et voilà votre 55ème briefing hebdo.


Le Briefing - Kyiv vis pacem, para bellum

Le 12 mars 2025, l’Assemblée nationale a adopté une résolution européenne en faveur du soutien à l’Ukraine, après six heures de débats. Le texte a été approuvé par 288 voix contre 54, avec 132 abstentions. Il condamne l’agression russe et appelle à un renforcement de l’aide militaire et économique apportée par l’Union européenne et l’OTAN à l’Ukraine. 

La résolution parlementaire appelle à saisir les avoirs russes gelés, estimés à environ 230 milliards d’euros sur le continent européen, afin de financer l’effort de guerre ukrainien et la reconstruction du pays. Le gouvernement y est opposé, craignant qu’une telle décision n’envoie un signal négatif pour des investisseurs étrangers. 

Enfin, la résolution exhorte l’Union européenne à mettre fin à aux importations de combustibles fossiles depuis la Russie, qui perdurent malgré une forte diminution de la dépendance des pays européens.

”Pour gagner nos coeurs, rien ne vaut une artillerie de 155 mm autopropulsée, vidéo de remerciement du ministère ukrainien des affaires étrangères en octobre 2022 aprè la livraison des Caesar français, X

SALVES UKRAINIENNES • Le 13 mars 2025, une réunion stratégique s’est tenue au ministère des Armées sous l’égide du ministre Sébastien Lecornu et du Premier ministre François Bayrou. Cette rencontre, qui s’est déroulée à huis clos, visait à renforcer l’information des parlementaires sur la situation en Ukraine et ses conséquences stratégiques pour la France

Parmi les participants figuraient des membres du gouvernement, les chefs de l’état-major des forces armées, ainsi que plusieurs responsables parlementaires, notamment les chefs de groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que des eurodéputés. Marine Le Pen, Jordan Bardella, Manon Aubry, Mathilde Panot, Boris Vallaud ou encore Patrick Kanner étaient présents. 

Cette réunion a permis d’aborder plusieurs sujets cruciaux, notamment le rôle de la France au sein de l’OTAN, le fonctionnement de la dissuasion nucléaire et les cybermenaces pesant sur les infrastructures civiles françaises. Parallèlement, une réunion à l’Élysée a réuni plusieurs ministres pour discuter des enjeux budgétaires liés à l’augmentation de l’effort de défense dans un contexte de finances publiques sous tension.

Lors de son entretien du vendredi 15 mars 2025 avec la presse, Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces majeures concernant la situation en Ukraine et la défense européenne. Il a exprimé son scepticisme quant à la volonté réelle de la Russie de parvenir à un accord de paix et a évoqué la possibilité d’un renforcement des garanties de sécurité pour l’Ukraine, y compris l’envoi d’une force d’interposition européenne. 

En ce qui concerne la défense nationale, le président a rejeté l’idée de réinstaurer un service militaire obligatoire, pour la gestion duquel les forces armées actuelles ne seraient plus dimensionnées. En revanche, une réforme en profondeur du Service National Universel devrait être conduite afin de l’adapter aux besoins stratégiques du pays. 

Le Président de la République a également plaidé pour un grand emprunt communautaire similaire à celui du plan de relance post-Covid, ainsi que pour une stratégie d’achats groupés visant à renforcer l’industrie de défense européenne. 

Enfin, dans le même temps, le ministre de l’Industrie et de l’Énergie Marc Ferracci a annoncé une stratégie visant à renforcer la base industrielle nationale. Le 20 mars, un plan de financement sera présenté, avec pour objectif d’attirer davantage d’investissements privés dans l’industrie de défense. La simplification administrative sera également une priorité, avec la mise en place de « clauses d’extinction » permettant d’alléger certaines réglementations contraignantes. 

Sur le plan industriel, l’objectif est d’augmenter la cadence de production, avec notamment la fabrication de cinq Rafale par mois, la multiplication par quatre de la production de canons Caesar et de missiles de courte portée, ainsi que le doublement de la production de radars chez Thales. Une diversification industrielle est également encouragée, avec la reconversion de certaines entreprises automobiles et sidérurgiques vers la production d’équipements militaires.


Une recommandation de la part des rédacteurs d’Hexagone :

Les Européens peuvent-ils réduire à court terme leur dépendance aux armes américaines ? Faut-il s’inquiéter du déficit commercial français ? Que penser de l’accord de libre-échange UE-Mercosur ?

Pour y voir plus clair sur ces sujets complexes d’une brûlante actualité, nous vous recommandons chaudement de vous abonner à BLOCS, la première newsletter francophone dédiée au commerce international. Chaque mercredi, cette lettre préparée par trois journalistes forts d'une expérience de plusieurs années de correspondance à Bruxelles, offre gratuitement un condensé utile, digeste et départi de toute considération idéologique de l’actualité des échanges mondiaux. 


Mais aussi

CHLORDECONE • La Cour administrative d’appel de Paris a largement censuré un jugement du tribunal administratif de Paris de 2022 concernant la responsabilité de l’Etat dans les préjudices subis par des personnes exposées au chlordécone aux Antilles

Cet insecticide toxique était autorisé dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique jusqu’en 1993, alors qu’elle était interdite en métropole depuis 1990. 

 Le tribunal administratif avait donc reconnu en 2022 que l’Etat avait commis des “négligences fautives” en permettant la vente de produits au chlordécone après 1990, mais n’avait pas commis de retard fautif dans la prise en charge de la pollution au chlordécone ni dans l’information des populations. (jugement rendu disponible en ligne par actu-environnement.com)

Surtout, le tribunal avait refusé de reconnaître un lien de causalité entre les fautes de l’Etat et le préjudice d’anxiété allégué par les requérants. 

L’arrêt d’appel de la semaine dernière renverse certains points du jugement précédent. Il confirme que la prolongation des autorisations de vente était fautive, mais ajoute que l’Etat a été fautif en intervenant tardivement pour évaluer la pollution et informer les habitants. 

En outre, elle vient ouvrir droit, pour une dizaine de requérants sur les 1300 initiaux, à la réparation du préjudice d’anxiété, chef de préjudice déjà admis classiquement par le juge administratif, notamment depuis le scandale de l’amiante. 

Les requérants entendent porter le litige devant le Conseil d’Etat pour obtenir une condamnation plus large et une reconnaissance des effets collectifs de la pollution au chlordécone.


FAIRE ET DEFFERRE… … c’est toujours travailler. L’examen de la proposition de loi portant abrogation de la Loi “PLM”, qui instaure depuis 1982 un système de suffrage particulier pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille, a une nouvelle fois été reporté, cette fois-ci à la première semaine d’avril. 

Depuis octobre 2023, le parti présidentiel a affiché sa volonté de réformer le mode de scrutin particulier des trois villes, jugé trop indirect. Depuis la loi de 1982, les règles électorales des trois villes ont suivi des évolutions différentes, mais leur trait commun est de faire élire le maire par des élus d’arrondissement.  

Selon les détracteurs du statu quo, ce système aurait pour effet d’inciter les maires en fonction à privilégier les circonscriptions stratégiques, à l’instar des swing states américains qui concentrent les efforts politiques et financiers des majorités successives. 

Surtout, elle implique la possibilité pour un camp de remporter l’élection sans être majoritaire à l’échelle de la ville, contrairement aux autres communes, où le maire est mécaniquement élu au sein de la liste ayant remporté le scrutin majoritaire. 

La principale vertu du texte, selon l’un de ses auteurs, Sylvain Maillard (Ensemble), serait donc de revenir au droit commun, sur le principe de l’élection du maire central au scrutin majoritaire sur une seule circonscription. 

Au niveau des mairies d’arrondissement, la liste majoritaire ne se verrait automatiquement attribuer plus que 25% des sièges, contre 50% aujourd’hui, sachant que les sièges restants sont attribués à la proportionnelle. 

Même si la proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’Assemblée il y a déjà cinq mois, les négociations entre forces politiques ne sont pas abouties, notamment sur la question de la représentation des maires d’arrondissement dans le conseil municipal central. 

Un court répit a été trouvé, puisque le texte est programmé pour un examen en commission le 2 avril, et en séance le 7. Mais le manque de soutien du Gouvernement et la longueur des négociations pourraient empêcher de trouver rapidement une majorité pour le voter.


DON’T DO DRUGS • La proposition de loi sénatoriale “visant à sortir la France du piège du narcotrafic” est arrivée à l’Assemblée nationale, où la commission des Lois l’a votée le 7 mars, non sans en supprimer ou modifier 19 dispositions parmi les plus sévères.

Hier, lundi 17 mars, les députés ont donc commencé l’examen de ce texte, largement modifié depuis sa version initiale, mais sur lequel le Défenseur des Droits a rendu un avis très critique

La Commission a notamment supprimé l’article 8 ter, cher à Bruno Retailleau qui prévoyait, en modifiant l’article L. 871-1 du code de la sécurité intérieure, une obligation pour les opérateurs et fournisseurs de messageries internet de fournir à l’exécutif des moyens de déchiffrement (“backdoors”) non plus sur demande, mais de façon constante,  

La portée de l’article 8, qui permettait la surveillance algorithmique et automatique du trafic internet aux fins de recherche des infractions, a été réduite, là aussi contre l’avis du gouvernement. 

En revanche, la Commission a créé un nouveau régime de détention pour certains détenus dangereux liés aux trafics, qui inclut un régime d’isolement, une limitation de leur accès au téléphone ou à leur vie de famille, sur décision du ministère.

Alors que les associations de défense des libertés s’inquiètent de nombreuses mesures adoptées malgré tout en commission, le Gouvernement devrait tenter de réintroduire les principaux articles supprimés, lors des débats dans l’hémicycle jusqu’au 25 mars.

 


Nos lecture de la semaine

  • La présentation du nouveau Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) par le ministère de la transition écologique. Ce plan comporte 52 mesures destinées à traiter non pas le changement climatique lui-même, mais ses impacts, selon les territoires et les populations concernées.

  • En ces temps de passion carcérale, ce rapport presque rafraîchissant de la Cour des comptes sur deux peines alternatives à l’incarcération que sont le travail d’intérêt général et la détention à domicile.


Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !

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