Mais aussi — Yémen, Fiscalité, Casino
Bonjour. Nous sommes le 16 janvier 2024 et voici votre condensé d’actualité utile sur la France.
Anticipé depuis plusieurs mois, le cinquième gouvernement sous la présidence d’Emmanuel Macron a été dévoilé mercredi dernier.
Si le choix de Gabriel Attal comme Premier ministre avait été éventé en amont, il restait encore de nombreux arbitrages à régler sur le reste du gouvernement. Il en ressort un gouvernement resserré, avec 14 ministres dont 11 de plein exercice.
Gabriel Attal © Obatala-photography, Shutterstock
MERCATO • Dans la catégorie des sortants on en retrouve sept: Catherine Colonna (Europe et Affaires étrangères), Olivier Dussopt (Travail), Rima Abdul-Malak (Culture), Agnès Firmin le Bodo (Santé et prévention), Olivier Veran (porte-parole), Franck Riester (Relations avec le Parlement) et Bérangère Couillard (Égalité entre les femmes et les hommes)
Dans l’autre sens, on ne compte que quatre entrants: Catherine Vautrin (ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités), Stéphane Séjourné (Europe et Affaires étrangères), Marie Lebec (Relations avec le Parlement) et la grande surprise Rachida Dati (Culture).
JEUNES POPS ? • Sur les 14 ministres du Gouvernement Attal, huit sont issus de la droite, une évolution notable par depuis avec le Gouvernement Philippe II de juin 2017.
Si le Premier ministre de l'époque venait de LR, il était flanqué par seulement deux autres ministres LR avec Bruno le Maire et Gérald Darmanin (les deux seuls encore en poste aujourd’hui).
C’est une évolution qui suit la droitisation de la base électorale du président depuis 2017. Déjà en gestation pour les européennes de 2019, ce basculement est devenu particulièrement apparent aux dernières présidentielles. Si en 2017, Macron ne pouvait compter au premier tour que sur le soutien de 17% des partisans de Nicolas Sarkozy de 2012, ce nombre a grimpé à 47% en 2022.
Mais cette droitisation du gouvernement n’est pas non plus sans conséquences sur les fragiles équilibres parlementaires. Sans majorité absolue, le gouvernement devra néanmoins continuer à s'appuyer sur son aile gauche mais aussi sur le Modem, dont le Président François Bayrou a fait part de son inquiétude sur cette évolution droitière.
RESSERREMENT • Le remaniement ministériel du 11 janvier, resserrant le nombre de ministres de plein exercice de 16 à 11, fait disparaître des ministères de plein exercice mais aussi apparaître trois super-ministères
Un ministère social de grande ampleur regroupe le travail, les solidarités et la santé sous la direction de Catherine Vautrin. Le sport et les jeux olympiques sont rattachés à l’éducation nationale.
Bruno le Maire sort lui aussi renforcé en récupérant le volet énergie qui relevait encore du ministère de la transition énergétique. Ce regroupement suit la recommandation du rapport du député Armand issu des travaux de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France.
Le rattachement de la direction de l’énergie depuis 2008 au ministère de l’environnement marquait un prisme vert appliqué à la stratégie énergétique française.
Son retour dans le giron de Bercy tend à la rapprocher des enjeux de souveraineté industrielle et d’une gestion du nucléaire à long terme dans le contexte de l’accord récemment trouvé avec EdF sur le mécanisme qui remplacera l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) en 2026.
Ces recompositions, ainsi que la disparition de ministères de plein exercice, posent la question du traitement des chantiers en cours — même si les nominations de Ministres délégués et Secrétaires d’Etat dans les jours à venir devraient clarifier les responsabilités.
La réforme de la fonction publique annoncée par le ministre sortant Stanislas Guérini est en suspens, alors que le rattachement de son portefeuille est incertain : Bercy, ou plus probablement Matignon ou le Travail.
De même, le traitement du projet de loi sur la souveraineté énergétique, qui devrait être présenté en Conseil des ministres début février, pourrait en être affecté. Le rattachement de l’énergie à Bercy pourrait en effet accentuer la crainte d’une mise de côté des énergies renouvelables au profit du nucléaire.
La promotion de Gabriel Attal interroge sur la continuité des mesures engagées à l’Education nationale, notamment à la suite de l’annonce du classement PISA. Il laisse également en suspens le sort de la réforme de l’AME – engagement d’Elisabeth Borne pour obtenir le vote de la loi immigration – auquel M. Attal ne se sentira peut-être pas lié.
DOUBLER LA MISE • Gabriel Attal dispose d’un atout qu’Emmanuel Macron n’a plus avec un taux d’opinions favorables frôlant les 40% début janvier. Cela pose un enjeu de différenciation entre lui-même et le Président, à double tranchant pour chacun d’eux.
La popularité de M. Attal s’est nourri de son passage au ministère de l’éducation, apprécié par les syndicats et l’opinion ; mais en gardera-t-il le bénéfice à Matignon, alors que M. Macron voudrait l’incorporer au “domaine réservé du Président” ?
Dans ce domaine, le Service National Universel pourrait refaire parler de lui dans les prochains jours, fournissant une base d’action à Amélie Oudéa-Castéra. Un potentiel élargissement du SNU pourrait être l'outil de "réarmement civique" que le Président annoncera ce soir dans une conférence de presse voulue comme un "rendez-vous avec les français"?
Deuxième enjeu pour M. Attal : Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont mis en scène la semaine passée leur relation directe avec le Président, affichant leur relative indépendance vis-à-vis du chef du Gouvernement ; c’est également le cas de Mme Dati, dont l’entrée au gouvernement serait le résultat d’un “deal” direct avec M. Macron selon Les Echos. La capacité de M. Attal à diriger l’action de ces trois-ci en particulier sera le thermomètre de sa propre indépendance politique vis-à-vis du Président.
STRASBOURG • Comme l’analysent en détail nos collègues de What’s up EU, l’arrivée de Stéphane Séjourné au Ministère de l’Europe et des affaires étrangères a pour effet secondaire de priver Renaissance de celui qui se disait “prêt à mener la bataille” des Européennes en menant la liste du parti présidentiel aux élections de juin prochain.
Si le nom d’Olivier Véran a été rapidement évoqué, plusieurs noms circulent et d’autres restent à découvrir, de Pascal Canfin à Clément Beaune. La tête de liste sera probablement annoncée avant le lancement des campagnes début mars, mais après la composition complète du gouvernement Attal, qui interviendra sous peu.
YÉMEN • Dans la nuit du 11 au 12 janvier, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont frappé plusieurs cibles houthies au Yémen en réponse à diverses attaques du groupe rebelle depuis décembre dernier visant des navires marchands et des navires de guerre anglo-américains.
La France, aux côtés de l’Italie ou encore de l’Espagne, n’a ni participé à ces frappes, ni signé la déclaration commune les justifiant, pourtant signée par dix pays, dont l’Allemagne. Une position qui interroge outre-Manche et outre-Atlantique.
Il faut néanmoins souligner que la France a condamné les attaques houthies en les désignant responsables de l’escalade actuelle. La frégate Languedoc, en mer Rouge, a abattu des drones houthis qui la ciblaient en décembre dernier. Paris serait aussi en train de travailler au niveau européen pour mettre en place une réponse commune en mer Rouge.
Cette ambiguïté stratégique s’inscrit aussi dans la volonté du président de la République de bâtir l’autonomie stratégique de l’Europe et de ne pas s’aligner diplomatiquement sur les Etats-Unis.
En off, certains diplomates font part de leur crainte que des frappes puisse faire perdre à la France les leviers dont elle disposerait dans les négociations entre le Hezbollah et Israël afin d'éviter une escalade au Liban.
La France est un des premiers investisseurs étrangers au Yémen, notamment avec l’usine de gaz liquéfié à Balhaf détenu à 39,6% par Totalénergies.
FISCALITÉ • Le 28 décembre dernier, le Conseil constitutionnel validait le projet de loi de finances pour 2024 et avec lui la création d’une nouvelle taxe sur les bénéfices de certaines entreprises, désignées de façon ample — mais suffisamment objective selon le Conseil constitutionnel — comme les “entreprises exploitant des infrastructures de longue distance”.
Pour comprendre l’origine de cette désignation alambiquée, il faut revenir à l’objectif initial de cette taxe qui était de récupérer les profits générés par les concessionnaires autoroutiers, bien supérieurs à ceux attendus lors de la privatisation de leur gestion : 12% en moyenne, contre 7,7% attendus, selon l’IGF.
Or, l’Etat a introduit en 2015 dans les principaux contrats de concession autoroutière une clause garantissant une réparation financière aux gestionnaires en cas d’instauration de taxes spécifiques à leur activité.
Ne pouvant donc taxer les seules autoroutes, sous peine de devoir les rembourser du même montant, Bercy a proposé une rédaction englobant tous les types d’infrastructures “permettant le déplacement de longue distance”, dont les aéroports, victimes collatérales de cette nouvelle fiscalité.
Les infrastructures ferroviaires, passant aujourd’hui sous les seuils de rentabilité, ne seront pas concernées, mais quid des ports, des pipelines, ou des entrepôts de livraison ? Quel impact sur les voyageurs et consommateurs, notamment sur l’indexation des péages ? Nul doute que le sujet animera l’actualité en 2024.
CASINO • Le groupe Casino, qui compte 200 000 salariés dans le monde, dont 50 000 en France (avec des marques comme Monoprix, Franprix, Naturalia ou Cdiscount), a eu une semaine chargée.
Accablé de dettes après des années de croissance externe intensive sous la direction de Jean-Charles Naouri, le groupe est repris par Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière.
La Commission européenne a donné son feu vert le 5 janvier au titre du contrôle des concentrations, puis les actionnaires ont voté jeudi 11 janvier le plan de sauvegarde mis en place en accord avec les repreneurs.
Les créanciers se sont dans le même temps mis d’accord pour effacer 5 Mds de dette sur les 7,8 Mds au passif du groupe aboutissant à une décote de 99% pour les créanciers non sécurisés et de 23% pour ceux sécurisés.
L’AMF ayant accordé une dérogation aux repreneurs pour leur éviter de devoir procéder à une OPA sur l’ensemble des titres (compte tenu de la situation de l’entreprise), les actionnaires minoritaires sont aussi les grands perdants du plan de sauvetage.
Ne reste plus que l’accord de Bercy au titre du contrôle des investissements étrangers (M. Kretinsky étant tchèque), qui devrait être obtenu sans trop de peine.
Pour l'économiste Allemand Marcel Fratzscher, la France se porte désormais mieux que son voisin d’outre-Rhin. Il souligne les raisons de ce décalage mais aussi l'interdépendance des deux pays.
Cette édition a été préparée par François Valentin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !