Maires, Prisons et Mercosur

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Hexagone
5 min ⋅ 26/11/2024

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Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 26 novembre 2024, et voilà votre briefing hebdo.


Le Briefing

A deux semaines d’intervalle se sont clos le 93ème congrès des Départements de France, et le 106ème congrès des maires. Au milieu de l’examen du budget, et alors que la ministre Catherine Vautrin confirmait mi-octobre les économies de 5 Milliards supplémentaires imposées aux collectivités territoriales dans le PLF 2025, plusieurs annonces méritent qu’on s’y arrête : pour le rapporteur de la commission des finances du Sénat, c’est désormais seulement 2 Milliards qui seront économisés sur le compte des collectivités. 

La mairie de Magescq (Landes) - © Atlas des Régions Naturelles

COLLECTES ÉVITÉES • Le ballet des bonnes nouvelles pour les collectivités a débuté avec la prise de parole de Michel Barnier lors de la journée de clôture du congrès des départements. Il y a annoncé cinq mesures dont la plupart seront intégrées au PLF 2025, et qui ont été préparées conjointement avec le Sénat, chambre réputée plus proche des préoccupations des collectivités. 

Souvenez-vous : la ministre de la décentralisation, Catherine Vautrin, avait annoncé en octobre que 5 Milliards d’euros d’économies sur les 40 prévus pour 2025 concerneraient les dépenses des collectivités. 

Le gouvernement avait notamment intégré à l’article 64 du PLF 2025 un dispositif de fonds d’épargne imposée, destiné à recevoir des versements des collectivités pour freiner leurs dépenses en prélevant directement sur le montant des impositions perçues par les communes et EPCI. La première mesure promise par Michel Barnier est donc la réduction “significative” des prélèvements destinés à ce “fonds de réserve”. 

Autre réduction des dépenses pour les collectivités : le Premier ministre a annoncé, en s'inspirant de la commission des affaires sociales du Sénat, d’étaler sur 4 ans au lieu de 3 la hausse des cotisations employeur dans la fonction publique territoriale. 

50 NUANCES DE CONGRÈS • Surtout, les annonces laissent entrevoir un léger redoux en ce qui concerne les recettes des collectivités. Sur trois ans, les plafonds des droits de mutation seront relevés de 0,5%. Cette recette, perçue par les départements, consiste en un prélèvement sur les ventes de biens immobiliers ; son augmentation devrait rapporter près d’un milliard, à condition que le marché immobilier se maintienne. 

Michel Barnier s’est aussi prononcé pour le maintien, au moins temporaire, du taux actuel de compensation de la TVA pour les collectivités, après avoir envisagé de le modifier y compris à titre rétroactif. 

Des versements supplémentaires de la Caisse nationale de solidarité pour l’économie vers les collectivités sont également prévus, à hauteur de 200 millions d’euros. 

MAL DE MAIRES • Ces annonces faites, c’est devant un parterre de maires quelque peu amadoués que Michel Barnier a pris la parole une semaine plus tard, jeudi 21 novembre, en clôture de leur propre congrès. Il n’en a pas moins été tenu de répondre aux nombreuses inquiétudes des élus locaux présents. 

Après une mission d’information de décembre 2023 alarmante sur les conditions d’exercice des mandats locaux, une loi sur leur protection et leur sécurité avait été promulguée en mars 2024. Mais une étude du CEVIPOF et de l’AMF publiée à l’occasion du congrès pointait encore il y a une semaine les principaux points d’inquiétude des élus : réduction des dépenses publiques, manque de reconnaissance, insatisfaction au sujet des indemnités des maires, impact sur la vie personnelle… 

Le Premier ministre n’a pas ignoré ces voyants rouges, mais n’a annoncé aucune mesure concrète à ce sujet, si ce n’est la création d’un dispositif “France simplification”, dispositif porté par la DITP pour faciliter l’action des élus locaux.

Mais aussi

MAIRES DÉMONTÉS • À l'unisson de son Premier ministre, Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires, s’est également livrée cette semaine à un état des lieux de la condition de maire. Depuis le début du mandat des maires élus lors des municipales de juin 2020, « 2 400 maires ont démissionné et 57 000 sièges de conseillers municipaux sont vacants », a comptabilisé la ministre, lundi 18 novembre, dans Le Figaro.

Selon Martial Foucault, chercheur au CEVIPOF, les chiffres de démission s’accélèrent sur longue période. Sur le mandat 2008-2014, la moyenne des démissions était de 150 par an ; sur 2014-2020, elle était de 250 par an ; de 2020 à 2023, elle était de 450 par an. 

Paradoxalement, les municipales, dont les prochaines sont dans moins de deux ans, continuent pourtant de générer des nombres impressionnants de candidatures. « Aucun autre pays au monde, d’après Martial Foucault, n’est capable de rassembler 900 000 candidats pour 47 millions d’électeurs ». Or, c’est ce qui s’est produit lors du scrutin de 2020. Rapporté au nombre de communes, le total de 902 000 candidats en 2020 a été en augmentation par rapport à 2014. 


PLAN PRISON • Auditionné par la commission des lois du Sénat le 19 novembre dernier, le ministre de la Justice Didier Migaud a annoncé que l’objectif de construction de 15 000 places supplémentaires en prison ne serait pas atteint avant 2029, soit deux ans de plus que prévu initialement. En l’état, moins d’un tiers de l’objectif est réalisé et 42 % le sera d’ici 2027, si tout se passe bien, c’est-à-dire de l’ordre 6 421 places au lieu des 15 000 prévus.

En cause, les « aléas techniques et environnementaux » et « des tensions générées sur des délais d’approvisionnement » (la crise du Covid étant passée par là), mais aussi les réticences des élus locaux de voir s’installer des établissements pénitentiaires sur leur commune. 

Le ministre de la Justice a annoncé réfléchir à des solutions “d’accélération”, mais aussi à d’autres types de centres de rétention, appelant à “sortir du modèle unique de prison”. “Toute la population de détenus n'est pas faite de grands criminels. Il faut des solutions diversifiées, des centres plus petits qui nécessitent moins de sécurité”.

Le plan, lancé par Eric Dupond-Moretti, semble compromis. Bercy juge qu’au-delà de 2025, il ne dispose pas des crédits nécessaires à son accomplissement dans un contexte où la trajectoire budgétaire prévue en loi de programmation pour le ministère de la Justice a été revue à la baisse, avec une hausse du budget de 250 millions au lieu des 600 prévus. 

La situation dans les prisons est plus critique que jamais. Début novembre, un nouveau record est tombé : il y a désormais plus de 80 000 détenus en France pour un peu plus de 62 000 places opérationnelles.

MERCOSUR ET CERTAIN • Aujourd’hui même, les députés débattront et voteront sur une déclaration du Premier ministre à propos du soutien français à l’accord de libre échange entre l’UE et l’alliance du Mercosur. Comme le prévoit l’article 50-1 de la Constitution, ce débat n’engage pas la responsabilité du Gouvernement, et n’a qu’une portée consultative. 

Certes, tant le groupe RN que le groupe LFI-NFP avaient tenté d’inscrire une proposition de résolution dans leurs niches parlementaires respectives, mais le gouvernement les avaient fait écarter comme irrecevables, puisqu’elles contenaient des injonctions à son égard (Art. 34-1 Constitution). 

C’est donc une déclaration gouvernementale qui sera débattue, mais sa teneur est déjà relativement prévisible dans la mesure où la classe politique française a pris unanimement position contre ce texte, depuis la lettre à Ursula von der Leyen signée par 622 parlementaires pour exprimer leur opposition, jusqu’à Emmanuel Macron qui a déclaré que la France ne signerait pas l’accord “en l’état”. 

Négocié depuis 25 ans, cet accord serait selon ses promoteurs “l’un des derniers accords de ce type susceptible d’avoir un effet significatif sur la croissance européenne” (pour tout savoir de son contenu, lisez la dernière édition de nos collègues de BLOCS, la newsletter du commerce international). 

Cependant, comme le souligne un rapport gouvernemental pessimiste sur ses effets potentiels (Mission Ambec, 2020), cet accord “viande contre voitures” favorise les exportateurs européens de véhicules et machines, comme l’Allemagne, mais fragilise les pays à fortes filières de production agricole, comme la France. 

En tout état de cause, le vote de mardi sur la déclaration gouvernementale ne pourra avoir d’effet que symbolique. En effet, le volet commercial de l’accord (qui contient également un volet “dialogue politique” qui sera voté à part) relève de la compétence exclusive de l’Union en matière d’accords commerciaux, comme le prévoit l’article 3 du TFUE : le vote de la Commission ne nécessiterait donc pas d’unanimité des 27 membres.

A moins d’un effort diplomatique intense pour rassembler une minorité de blocage, la France a donc peu de chances d’éviter la signature de l’accord par l’UE. De son côté, le Mercosur évoque une signature lors de son sommet du 5 au 7 décembre prochain, à Montevideo. 


Nos lectures de la semaine

  • Ce rapport parlementaire sur les pollutions plastiques, alors que doit se tenir du 25 novembre au 1er décembre prochain en Corée du Sud le dernier cycle des négociations sur le futur traité international visant à supprimer la pollution plastique.


Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !

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