Consentement, Budget, Police et Nucléaire anglais

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Hexagone
6 min ⋅ 29/04/2025

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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 29 avril 2025, et voilà votre 61ème briefing hebdo.


Le Briefing : La justice insuffisante face au viol

Par un arrêt du 24 avril 2025, concernant trois affaires différentes de viols sur mineures, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que la France n’a pas respecté ses obligations positives découlant des articles 3 et 8 de la Convention, concernant l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants et le droit au respect de la vie privée.

Le régime pénal français, tant légal que jurisprudentiel, applicable au viol est donc défaillant au regard des exigences conventionnelles, notamment au regard de la Convention d’Istanbul de 2011, qui exige que les Etats incriminent de façon effective tous les actes sexuels non consentis

Une audience à la CEDH en janvier 2025 © CEDH

TROIS AFFAIRES La décision porte sur trois affaires concernant des requérantes mineures au moment des faits (13, 14 et 16 ans), dont les pourvois ont été rejetés par la Cour de cassation. L’une d’elles avait été particulièrement médiatisée car elle mettait en cause des viols répétés de la part de plusieurs pompiers.

La CEDH relève que les juridictions nationales n’ont pas pris en compte de manière adéquate la minorité et la situation de particulière vulnérabilité des requérantes, notamment en omettant de prendre en compte l’effet de la consommation d’alcool et des déséquilibres relationnels sur la capacité à consentir.

La formation de jugement, dans laquelle siégeait le juge français Mathias Guyomar, relève des non seulement des durées excessives de traitement des plaintes (plus de 8 et 11 ans), mais surtout l’utilisation de raisonnements fondés sur des stéréotypes sexistes, entraînant une victimisation secondaire des requérantes. 

DÉBAT NATIONAL La décision intervient en pleine navette parlementaire en France sur une réforme de la définition pénale du viol, comme vous en parlait Hexagone début avril. L’État est donc incité par la CEDH à adapter son droit et sa pratique judiciaire afin de garantir une protection effective contre les violences sexuelles, conformément aux standards conventionnels.

A ce titre, la Cour rappelle sa position sur la nécessité de placer la notion de consentement au cœur du raisonnement juridique, ce qui pourrait inciter le législateur à définir explicitement le consentement dans la loi française, voire faire figurer ce terme dans la définition du viol, à l’article 222-23 du code pénal.

C’est ce que préconise notamment le Commission nationale consultative des droits de l’homme dans un avis du 18 mars dernier, appelant à inscrire le consentement dans le code pénal pour “changer de paradigme”.

La Cour rappelle explicitement que le consentement doit correspondre à une expression libre et éclairée de la volonté au moment des faits, même en l’absence d’opposition physique

Le défaut de référence explicite au consentement dans le droit positif et l’insuffisance de l’institution judiciaire, qui n’a pas pris en considération des faisceaux d’éléments alertant sur la vulnérabilité des victimes au moment des faits et en cours de procédure, ont conduit à une violation des Conventions européennes.

Mais aussi


SÉRIEUX BUDGÉTAIRE Le Gouvernement a dû affronter une verte critique de la part de la Cour des comptes, qui a approuvé les comptes 2024, mais, pour la 19ème année consécutive, avec des réserves significatives, dénonçant des anomalies récurrentes, notamment la surévaluation d'actifs militaires et de participations publiques.

Il y a plus : le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) souligne l’écart significatif entre les prévisions et l’exécution budgétaire de 2024, avec un déficit atteignant 5,8 % du PIB contre 4,4 % initialement prévu, dans un avis de la mi-avril

Devant l'ampleur de l'écart, le HCFP a activé le « mécanisme de correction », imposant en théorie au gouvernement la présentation de mesures correctrices ou, à défaut, d’une nouvelle loi de programmation, en réalité rarement suivi d’effets. 

Concernant 2025, la prévision de déficit de 5,4 % du PIB « peut être tenue » selon le HCFP, mais « reste incertaine » en raison de marges de manœuvre très réduites. Le gouvernement prépare un décret d'annulation de 3 milliards d'euros et un surgel supplémentaire de 2 milliards pour maîtriser les dépenses.

Sur le volet des réformes, la réduction des niches fiscales est évoquée comme levier d’économies. Un débat a notamment été lancé par la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, sur la fin de l’abattement fiscal de 10% sur les pensions des retraités, qui pourrait faire économiser près de 4,5 Milliards d’euros en touchant une catégorie de population dont l’épargne est aujourd’hui plus élevée que celle des actifs.  

 Les prochains mois verront en tout cas un réexamen des 467 niches fiscales existantes, selon la ministre. Le débat fiscal aura donc bien lieu.


SÛRETÉ DANS LES TRANSPORTS • Le 24 avril dernier, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui ouvre, sous strictes restrictions, la possibilité pour des acteurs privés (en l’occurrence des agents de la SNCF et de la RATP) d’exercer des prérogatives de portée limitée en matière de force publique. 

Cette décision, qui nuance le principe d’interdiction de délégation des activités de police  à des personnes privées (décision Castelnaudary du Conseil d’Etat de 1932), intervient dans le cadre de l’examen de la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. 

Saisi par les députés Socialistes, Écologistes et LFI, le Conseil a censuré certaines dispositions de cette loi tout en en maintenant d’autres, sous réserve d’interprétations précises. Il a notamment censuré sur le fond deux dispositions, considéré quatre autres comme des cavaliers législatifs, et déclaré conformes au bloc de constitutionnalité les autres mesures contestées, assorties de quatre réserves d’interprétation, principalement concentrées sur l’article 3.

Concernant l’extension des pouvoirs des agents de sécurité interne de la SNCF et de la RATP, le Conseil a confirmé que si l’article 12 de la DDHC interdit de déléguer aux acteurs privés des compétences de police administrative générale inhérentes à la force publique, il n’interdit pas que des prérogatives de portée limitée soient confiées à des acteurs privés dans des lieux déterminés, à condition que ces prérogatives soient strictement nécessaires à leur mission légale de sécurité ou de surveillance, et que leur action dans l’espace public reste sous contrôle effectif des autorités de police. 

Ainsi, l’article 3, qui permet aux agents privés d’enjoindre une personne refusant une fouille ou une palpation de quitter un véhicule ou une station, a été validé, à condition que l’usage de ce pouvoir soit strictement encadré, sans discrimination et sans recourir à une quelconque contrainte physique. En revanche, l’article 4, qui permettait à ces agents d’exercer directement une contrainte physique sans intervention préalable de la force publique, a été partiellement censuré, rappelant que seul l’État peut exercer une mesure coercitive sur les individus.

La loi prévoyait un certain nombre de dispositions concernant la captation vidéo. En la matière, le Conseil a censuré l’article 13 qui envisageait l’expérimentation de caméras frontales et latérales embarquées sur les cars scolaires à Mayotte. Cette mesure a été jugée contraire à la Constitution en raison de l’insuffisance de l’encadrement des motifs justifiant la captation, de l’imprécision sur la durée de conservation des données, les conditions de transmission des images et l'identité des personnes habilitées à les consulter. 

En revanche, l’article 14, qui autorise l’expérimentation de caméras frontales sur les matériels roulants des transports guidés urbains, a été validé sous réserve que la captation d’images soit strictement limitée aux seuls abords immédiats des véhicules, excluant toute surveillance extensive de l’espace public environnant.


ELECTRON HIC • A l'occasion d’un sommet organisé par l'Agence internationale de l'énergie à Londres, le ministre français de l’Economie, Marc Ferracci, a demandé au gouvernement britannique de combler le déficit de financement des deux réacteurs EPR en construction à Hinkley Point désormais entièrement à la charge de l’électricien français depuis le retrait de son partenaire chinois, CGN.

Le retrait de CGN correspond à une demande du gouvernement britannique, pour des raisons de sécurité nationale. Dès lors, Pékin a cessé tout nouvel investissement, laissant EDF seul face à des coûts de construction en forte hausse, désormais estimés entre 32,1 et 46,5 milliards de livres, soit 30 % de plus que les prévisions de 2022. À cette situation s’ajoute la frilosité des investisseurs privés, sur laquelle Londres comptait pour éviter un financement public, mais qui se heurte à l’explosion des coûts et aux nombreux retards du chantier.

Parallèlement, EDF est aussi engagée dans un autre projet nucléaire britannique, Sizewell C, dont le lancement est attendu pour juin prochain. Or, la situation financière de l’électricien français reste précaire : en début d'année, un rapport de la Cour des comptes a expressément recommandé à EDF de ne pas s'engager massivement dans Sizewell sans avoir réduit de manière significative son exposition financière à Hinkley Point. 

La Cour insistait ainsi sur la nécessité pour EDF, alors en pleine transition managériale avec l'arrivée de Bernard Fontana, de hiérarchiser ses investissements pour éviter de se retrouver surendettée à l'international, au moment même où il lui faut également prendre en charge la relance du nucléaire français.

Cette offensive diplomatique française s’inscrit enfin dans un contexte plus large de rapprochement politique entre Londres et l’Union européenne. Un sommet est prévu le 19 mai pour discuter du renforcement des liens entre le Royaume-Uni et Bruxelles, tandis qu'un sommet bilatéral franco-britannique est programmé au début de l'été.


Nos lectures de la semaine

  • Le livre de Louis de Crevoisier et Paul-Armand Veillon, Repartir du réel. Sur la base d’une analyse de témoignages des cahiers de doléances du Grand Débat, les auteurs proposent des solutions innovantes pour améliorer (notamment) deux aspects de la vie de nos concitoyens, au centre des préoccupations et pourtant peu traités : le logement et la mobilité.

  • Le livre de François Ecalle, Mécomptes publics, qui revient sur 40 ans de politiques publiques budgétaires et leur contrôle. Témoignage fondé sur l’expérience d’un haut fonctionnaire de la Cour des comptes et du ministère de l’économie et des finances. retraité.

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Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !



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