Hexagone est sur X et LinkedIn
Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 16 juillet, le Gouvernement Attal est toujours en place, et voilà votre briefing hebdo.
Le Carnet
Avant de plonger dans le vif du sujet, voici le carnet de la semaine :
• Ce jeudi 18 juillet s’ouvrira la XVIIème législature. La première séance publique sera présidée par le doyen d’âge de l’hémicycle, José Gonzalez (RN), qui avait déjà inauguré la XVIème législature ; il sera assisté par les 6 plus jeunes députés, dont le benjamin Flavien Termet, 22 ans, RN lui aussi.
• Ensuite seulement sera élu(e) la ou le président(e) de l’Assemblée nationale par l’ensemble des députés au scrutin secret déposé à la tribune. A ce stade, le Président de la République devrait avoir accepté la démission du gouvernement Attal et signé le décret mettant fin aux fonctions du Premier ministre afin de permettre aux 18 ministres fraîchement élus députés de prendre part à ce vote.
• Vu dans le JO : privilège sans doute envié par nombre d’actionnaires, l’Etat a fixé par un arrêté en date du 8 juillet 2024 le dividende versé à son profit par Bpifrance au titre de l’exercice 2023. Montant : 193 millions d’euros et des poussières.
Le Briefing : Fragmentation
Avant de plonger dans les réjouissances du sommet de l’OTAN, loin des sujets bassement domestiques, Emmanuel Macron faisait paraître une “lettre aux français” dans la presse régionale, la deuxième en un mois et la quatrième depuis 2019. Cette dernière confirme son record — peu disputé — du nombre de lettres aux Français, mais ne donne que des indices sur ce que sera la recomposition politique de l’après-législatives.
Lionel Jospin avec Jacques Chirac cherchant encore leur équilibre après une dissolution malheureuse, circa 1997 © INA
DECHIFFRER DES LETTRES • La lettre du 23 juin était claire dans ses intentions : il s’agissait d’un argumentaire de campagne. En revanche, la lettre du 10 juillet, qui rompait pourtant un silence de 10 jours, ne se prononce pas sur les conclusions à tirer de l’Assemblée nouvellement élue. Il ne s’y prononce ni sur la coloration qu’il entend donner à la suite de son mandat, ni à celle qu’il espère donner au prochain gouvernement ; il n’annonce pas de date pour la nomination du prochain Premier ministre.
Surtout, plus qu’aux Français, la lettre s’adresse aux partis représentés à l’Assemblée, en les exhortant à construire une “majorité solide, nécessairement plurielle” : le mot de coalition n’est pas prononcé, mais il pèse sur toute la lettre.
Par cette posture attentiste, le Président ne se place plus en pilote, mais en arbitre, engageant le moins possible sa propre responsabilité dans la formation du nouvel équilibre politique. Il n’en conserve pas moins une préférence pour une union des forces modérées, allant des sociaux démocrates à la droite de gouvernement, ligne officielle du groupe Renaissance à l’Assemblée.
Reste que l’union n’est pas faite : les partis de gauche sont en train de finaliser des négociations pour proposer une candidate commune, Laurence Tubiana tenant la corde, et même les socdem n’ont pas donné de gages stables à Renaissance. Au sein même de la minorité présidentielle, la cohésion est menacée : depuis la blessure de la dissolution, le flanc gauche s’érode avec la création potentielle d’un nouveau groupe distinct autour de Sacha Houlié ; sur l’autre flanc, Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire entendent ne s’allier qu’avec la droite.
LE GROUPE DE TROP ? • Autre paramètre important dans ces négociations : combien de groupes parlementaires comptera la XVIIème législature? Les différents groupes ont jusqu'à jeudi pour remettre au secrétariat général de l’Assemblée Nationale leur composition, leur déclaration politique et le nom de leur président.
Pour peser les groupes sont essentiels : les postes à responsabilité de l’Assemblée, les sièges en commission ou encore les temps de parole sont répartis entre les groupes en fonction de leur poids. Leurs présidents peuvent demander la création d’une commission spéciale ou encore la suspension d’une séance.
À la droite de la droite de l’hémicycle le suspens sur la composition est faible : on aura deux groupes présidés par Eric Ciotti et Marine Le Pen. Ailleurs c’est moins clair. Ce qui reste de LR pourrait se diviser entre le groupe “Droite républicaine” de Laurent Wauquiez et un autre de type “droite sociale” autour d’Aurélien Pradié.
Au centre, outre Renaissance — rebaptisé “Ensemble Pour la République” — le Modem et Horizons, on pourrait aussi avoir le bloc social-démocrate qu’a appelé de ses vœux Sacha Houlié s’il arrive à regrouper au moins 15 députés.
À gauche le groupe communiste disparaît, faute d’avoir les 15 députés nécessaires, tandis que les groupes socialistes et insoumis se disputeront la première place à gauche autour de 70 députés chacun. Le Groupe LIOT devrait lui aussi avoir au moins 15 députés. Les Écologistes pourront eux compter sur les renforts des “purgés” de La France Insoumise. Ces groupes peuvent être chapeautés par un intergroupe (comme la NUPES en 2022).
Dans tous les cas, ça serait l’Assemblée Nationale la plus fragmentée de l’histoire de la Vème République. Si la précédente législature en avait déjà 10, on en comptait que 4 en 2007 par exemple. Une fragmentation étonnante avec un scrutin de type majoritaire comme en France.
Le nombre de groupes parlementaires depuis 1958 © Laurent de Boissieu / France-politique.fr et Le Figaro
Autre enjeu important : leur positionnement. Les groupes doivent déclarer s’ils sont de la majorité, dans l’opposition ou dans un groupe minoritaire. Avec l'explosion du nombre de groupes, on risque d'avoir un embouteillage lors des niches parlementaires qui doivent permettre aux groupes minoritaires et d’opposition d’inscrire à l’ordre du jour des propositions de lois. Le constitutionnaliste Benjamin Morel estime ce temps d’attente hypothétique à “un an et demi.”
Si le Rassemblement National devrait probablement se déclarer d’opposition dans tous les cas, comment se positionner tant qu’on ne sait pas quel gouvernement succédera à celui de Gabriel Attal… Casse-tête et bluffs en vue?
GROSSES COMMISSIONS • Cette fragmentation va aussi impacter la lutte pour les postes clés. Le règlement intérieur dispose que “l'élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s'efforçant de reproduire la configuration de l'Assemblée” et donne des droits spécifiques aux groupes d’opposition et minoritaires.
Par exemple, un questeur sur trois revient à un groupe d’opposition, quatre vice-présidents sur six ou encore la présidence de la prestigieuse commission des finances.
Mais du côté de la “majorité” présidentielle on a fait le choix de s’opposer à ce que le Rassemblement National et la France Insoumise ne récupèrent des postes clés à l’Assemblée nationale. À gauche, comme en 2022, on souhaite encore faire “barrage” au RN.
Une violation de l’esprit de la Constitution, qui dans son article 51-1, établit que le règlement des assemblées “reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires.” Pour autant dans le règlement il s’agit d’un usage, pas d’une obligation.
Faute d’un accord à l’amiable on se dirige donc vers un scrutin plurinominal majoritaire où les candidats devront obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés au premier ou second tour. Dans le cas échéant, au troisième tour une majorité relative suffit. C’était déjà le cas en 2022.
La lutte pour la présidence de l’Assemblée — qui revient normalement au groupe majoritaire — risque donc d’être particulièrement âpre, surtout que certains y voient un premier round avant la bataille de Matignon. La gauche devrait pouvoir la récupérer si elle reste unie. À moins qu’un profil plus neutre comme celui de Charles de Courson ne s’impose.
La suite après cette collaboration commerciale avec Interbev
Saviez-vous que la laine est généralement achetée aux éleveurs entre 0,05€ à 1€ le kg brut ? Ce niveau de prix extrêmement bas est un problème pour la perpétuation de la filière, explique la designer textile Florence Wullai pour le site Agriculture-circulaire. “Pas de quoi rembourser la tonte qui coûte environ 2€/brebis (une brebis porte en moyenne 1kg de laine sur le dos)”, note cette experte du monde de la laine. Peu d’entreprises de lavage de la laine — une étape nécessaire pour son utilisation — sont d’ailleurs situées en France.
Pour mieux comprendre les autres défis que rencontre cette filière unique, rendez-vous sur ce lien.
Mais aussi
A VOIR SUR LES BERGES • Les derniers préparatifs pour la cérémonie d’ouverture flottante des Jeux olympiques battent leur plein, et le Conseil d’Etat a contribué à rassurer leurs organisateurs en validant, par une décision du 1er juillet, le régime particulier de contrôle des accès au périmètre de l’évènement.
Plus précisément, le Conseil d’Etat rejetait un recours contre le décret du 14 mai 2024 qui appliquait à la cérémonie d’ouverture le régime créé par la Loi du 3 juin 2016 (différente de la Loi SILT de 2017, qui concerne les périmètres de protection anti-terroriste autour des sites des jeux). Les articles du Code de la sécurité intérieure créés par cette loi permettent à l’organisateur d’un “grand évènement” de soumettre à une autorisation d’accès et à une enquête administrative toutes les personnes voulant accéder au périmètre de l'événement et aux voies y menant.
Si la qualification de “grand évènement” ne fait pas question, il n’était pas évident qu’un périmètre aussi large puisse être concerné par ces contraintes, puisque l’intégralité des voies permettant l’accès à la Seine représente une emprise considérable. Le Conseil d’Etat a pourtant jugé la mesure proportionnée, eu égard “au cas très particulier” et “sans précédent” de la cérémonie, ce qui permet de croire que son contrôle sera plus strict pour des évènements d’une ampleur autre qu’internationale.
Les riverains des quais de Seine pourront donc bien être soumis à enquête administrative avec accès aux données des forces de l’ordre ; encore faut-il rappeler que les résultats de l’enquête ne conditionneront pas leur accès au périmètre : un riverain identifié comme à risque pourra donc dans tous les cas rentrer chez lui, un fichier de police de plus flottant autour de lui.
En outre, ces contrôles s’ajoutent aux restrictions du périmètre de protection anti-terroristes “SILT” qui dépendent d’un autre texte : celui de la Loi du 30 octobre 2017.
LES TAUX SE RESSERRENT • Avec quelques jours de retard pour motifs électoraux, la France a envoyé à la Commission européenne son plan national intégré énergie-climat (PNIEC), qui l’a publié le 10 juillet dernier. Au cœur du PNIEC : des tensions autour du taux d’énergies renouvelables (ENR) dans le mix électrique et énergétique, qui ont valu à l’hexagone des remontrances européennes sur la première version en 2023.
Les objectifs assignés à la France en la matière sont de 44% d’ENR dans la consommation finale d’énergie en 2030 pour contribuer à l’objectif de 42,5% à l’échelle du continent. Or la France se fixe un objectif de 33% à cette échéance — maintenu dans la version 2024 du PNIEC — en arguant que le niveau total d’énergie décarbonée produit sera en revanche de 58% grâce au nucléaire.
La France, qui refuse la solution d’acheter des capacités d’ENR supplémentaire pour pallier cet écart, s’expose aux sanctions prévues par la directive. Le ministre de l'Economie, Bruno le Maire avait annoncé ces orientations en déclarant devant les instances européennes que « le nucléaire [était] une ligne rouge absolue pour la France et [que] la France ne renoncera[it] à aucun de ces avantages compétitifs liés à l'énergie nucléaire. »
Confirmant la première version envoyée en 2023, la France table toujours sur 54 à 60 gigawatts (GW) de photovoltaïque en 2030 (contre 19 GW en 2023 et un objectif haut à 44 GW pour 2028 dans la PPE2), 33 à 35 GW d'éolien terrestre, 3,6 GW d'éolien en mer, 26,3 GW d'hydroélectricité (en incluant les stations STEP) ; mais aussi 297 TWh de chaleur et froid renouvelables, 48 TWh de biocarburants et 50 TWh de biogaz.
Ces objectifs ne sont pas encore définitifs toutefois en l’attente de la publication de trois documents stratégiques devant encore être mis en consultation publique : la 3ème programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), la 3ème Stratégie nationale bas carbone (SNBC-3) et le 3ème Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3). Le calendrier est désormais suspendu aux tractations politiques post-législatives.
DELGA DÉSO • La CEDH a donné raison le 9 juillet dernier à la présidente de la région Occitanie Carole Delga, condamnée par la Cour d’appel de Nîmes pour “discrimination fondée sur des opinions politiques” du fait de son refus initial de signer le contrat de ville présenté par le maire RN de Beaucaire (Gard).
Le refus, motivé selon la présidente de région par la mention du besoin d’un lycée à Beaucaire alors que la région et le rectorat étaient tombés d’accord sur la localisation d’un nouveau lycée dans le Gard à l’ouest de Nîmes, avait finalement été levé deux ans plus tard, mais postérieurement à l’introduction d’un recours par le maire de Beaucaire.
La Cour a donné raison à Mme Delga, dont l’argumentation reposait sur deux axes.
D’une part sur le fait qu'il n'était pas soutenable que le refus de signature d'un contrat de ville, qui ne peut pas faire l'objet d'un recours contentieux dès lors qu'il n'affecte pas suffisamment la situation du requérant, soit considéré comme “un droit accordé par la loi” dont le refus peut être constitutif de l'infraction de discrimination.
D’autre part sur le fait que l'interprétation retenue dans son cas de l'élément moral de l'infraction n'était pas prévisible non plus" puisque la Cour d'appel de Nîmes a fondé "l'élément intentionnel de l'infraction sur deux déclarations publiques, qui bénéficiaient d'une protection renforcée en sa qualité d'élue, sans caractériser effectivement le motif discriminatoire qui l'aurait animée”.
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Notre lecture de la semaine
Hexagone est préparé et rédigé par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !