Taux hauts, EDF, Niche RN, Maires amers…

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Hexagone
5 min ⋅ 01/10/2024

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Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 1er octobre, cet après-midi, Michel Barnier présentera son discours de politique générale à l’Assemblée, sans demander de vote de confiance, et voilà votre briefing hebdo.


Le Briefing

TAUX, C’EST TROP • La semaine dernière, les taux d’emprunt de la France pour une émission de titres à une échéance de six mois ont dépassé ceux de la Grèce (3,12% contre 2,85%). En outre, pour la première fois depuis 18 ans, les titres français se sont négociés sur le marché secondaire à des conditions moins favorables que celles de l’Espagne alors que la signature française était traditionnellement considérée comme la plus sûre dans la zone euro derrière l’Allemagne. 

En cause, les annonces du ministre du budget, le 25 septembre dernier, de chiffres du déficit plus dégradés qu’attendus, à environ 6%, pour 2024. La prise en compte de la situation politique fragmentée, peu propice aux réformes d’ampleur tant en matière de dépenses que de prélèvement, joue aussi en défaveur de l’hexagone sur les marchés financiers. Signe annonciateur d’un débat budgétaire houleux, le projet de loi d’approbation des budgets 2023 de l’Etat et de la sécurité sociale a été rejeté en commission ce même jour.


L’agence France Trésor aura la lourde tâche de placer, en 2025, plus de 300 milliards d’euros de dette sur le marché pour financer les politiques publiques

DÉLAIS DÉCENTS • La trajectoire budgétaire à moyen terme de la France est peu crédible, par ailleurs : Paris a demandé un nouveau délai à la Commission pour présenter le 31 octobre prochain ses nouvelles cibles à moyen terme, mais dans l’attente, l’objectif actuel d’un retour à 3% de déficit en 2027 s’avère particulièrement irréaliste.

Un certain nombre de pistes de rétablissement des comptes sont envisagées. Outre l’annonce de consultations par le ministre de l’économie - qui devraient inclure tous les partis, et non simplement ceux de “l’arc républicain” comme initialement envisagé par Antoine Armand - l’exécutif envisage désormais de prendre des mesures fiscales de contribution exceptionnelle à la réduction du déficit.

ET IN TERRA TAXES Parmi ces mesures, l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises semble se dessiner, sur le modèle d’une contribution similaire introduite en 2017. Un taxe sur les rachats d’action pourrait également être mise en place, une mesure mise en place aux Etats-Unis en 2023 pour modérer ces pratiques de soutien aux cours boursiers sans création de valeur. Le renforcement de l’écotaxe automobile (sur les véhicules lourds et/ou fortement émetteurs de CO2) et l’augmentation des prélèvements sur les locations AirBnB figurent également dans les pistes explorées. 

Côté dépenses, plusieurs députés de la majorité gouvernementale appellent à une loi de finances rectificative, qui permettrait notamment d’annuler les 16,5 milliards d’euros de crédits mis en réserve. Jean Pisani-Ferry, ou encore le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau ont récemment plaidé pour que l’effort de consolidation pèse majoritairement sur les dépenses publiques, sans toutefois que des postes précis soient clairement identifiés à ce stade. 

Mais aussi


LE CRIM NE PAIE PAS • Auditionné à l’Assemblée nationale le 9 septembre, Bruno Le Maire évoquait le relèvement, par le projet de loi de finances pour 2025, de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (“CRIM”). Cette contribution, instaurée par la loi de finances pour 2023, est la transcription d’un règlement européen de 2022 adopté pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie. 

Elle concernait initialement les “surprofits” des énergéticiens lorsque les prix du marché dépassaient un certain seuil. Sa nouvelle version telle que présentée par Bruno Le Maire viserait toutes les installations de plus de 260 MW, quels que soient les prix du marché, un seuil qui, mécaniquement, vise principalement les installations gérées par EDF, et celles de ses concurrents dans une bien moindre mesure. 

L’annonce de ce relèvement prévu de la contribution a fait réagir tant chez EDF, qui se considère injustement visé, que dans les ministères nouvellement garnis. Le PDG d’EDF Luc Rémont alertait sur le risque de répercussions sur les prix à la hausse, tandis que la nouvelle ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, la qualifiait d’ ”absurdité” le 13 septembre. 

Reste à connaître la position du nouveau ministre de l’économie, Antoine Armand, qui pourrait être tenté d’aller chercher chez EDF des recettes estimées à 3 milliards d’euros, au risque d’une aggravation de la dette de l’entreprise (54,5 milliards actuellement) et d’un risque de diminution de ses investissements. Réponse la semaine prochaine, lors de la présentation du PLF2025. 

SUJETS DE NICHE • La nouvelle promotion des 126 députés du groupe RN à l’Assemblée a dévoilé mercredi dernier les textes qu’elle entend présenter aux débats lors de sa “journée d’initiative parlementaire” du 31 octobre prochain. 

Pour rappel, un groupe d’opposition dispose chaque mois d’une journée, surnommée “la niche”, pendant laquelle il fixe l’ordre du jour de l’Assemblée en y inscrivant les propositions de loi de son choix (Art. 48 de la Constitution). 

Selon le porte-parole du groupe, le député Tanguy, ces textes seraient “consensuels”, ou en tout cas susceptibles de trouver chacun une majorité. Parmi les principales propositions, Hexagone a relevé pour vous : 

  • l’annulation de la réforme des retraites de 2023, qualifiée d’ “injuste et inefficace” et qui tente de se concilier l’appui des députés du NFP ;

  • la réinstauration des peines minimales pour certains crimes et délits, principe mis en place sous Sarkozy puis abrogé sous la présidence Hollande, et qui pourrait séduire les parlementaires LR et UDR ;

  • l’assouplissement des conditions d’expulsion des étrangers menaçant l’ordre public, y compris celle des mineurs de plus de 16 ans.

  • L’assouplissement des conditions de location des logements au DPE dégradé.

Alors que débute cette semaine le procès de la présidente du groupe, Marine Le Pen et de 26 autres prévenus dans l’affaire des emplois fictifs d’assistants parlementaires européens, la négociation de ces textes sera un premier test politique pour ce qui est depuis juillet le groupe le plus nombreux de l’Assemblée. 

MAIRES AMERS • Les assises des petites villes de France (“APVF”), qui se tenaient à Amboise la semaine dernière, étaient un assez bon baromètre de l’ambiance qui règne au sein des exécutifs des collectivités territoriales. 

La résolution finale adoptée le 26 septembre après ces quelques jours de colloque pointe les grands enjeux qui inquiètent : difficultés d’application des objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN), montée des violences, désertification médicale, crise du logement… 

Mais en premier lieu, les maires des APVF demandent une augmentation des moyens alloués à la transition écologique locale, et une reconsidération du statut des élus locaux, chantier déjà engagé lors de la précédente législature et interrompu lors de la dissolution. 

Sur un autre front, le Congrès des régions de France, par la bouche de David Lisnard, réagissait vertement, le même jour, aux propos tenus par Antoine Armand devant l’Assemblée nationale et appelant à une réduction des budgets de toute l’administration “y compris des collectivités”, devant l’accélération des dépenses de celles-ci pointée par une note du Trésor datée de juillet et un rapport de la Cour des comptes aussi récent.

Or, si les dépenses des collectivités sont importantes, elles sont légalement équilibrées avec leurs recettes, et représentent surtout moins de 20% de la dépense publique, soit 15 points de moins que la moyenne européenne, selon le président de l’association des maires de France. 

Avant la dissolution, plusieurs chantiers majeurs avaient été lancés à propos des collectivités, notamment le rapport Ravignon sur le millefeuille administratif, rapport parlementaire sur le statut de l’élu local. Catherine Vautrin, la nouvelle ministre, dont le portefeuille a été opportunément rebaptisé “partenariat avec les territoires et décentralisation”, a pour le moment convaincu au Congrès des régions de France, selon Les Echos - mais seules les premières tractations feront foi. 


Notre lecture de la semaine

  • Le papier du Club des juristes sur le meurtre de Philippine, rappelant que l’un des principaux blocages à l’exécution des OQTF réside dans l’absence de coopération d’autorités étrangères, qui refusent de délivrer les laissez-passer consulaires requis pour le bon déroulement de la procédure. La note choisit d’en conclure la nécessité d’un apaisement des relations diplomatiques avec les pays concernés, au détriment d’un rapport de force inefficace selon son auteur.

  • Le rapport du Sénat sur la situation financière des EHPAD, sans surprise décrite comme “fortement dégradée” et exposée à de graves problèmes de trésorerie “à court terme”. Radical, le rapport propose de créer une deuxième journée de solidarité pour financer ces structures essentielles à un pays vieillissant.


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Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin et Nicolas de Renghien. À la semaine prochaine !

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