Hexagone est sur X et LinkedIn
Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 9 juillet 2024, la France vient d’élire une nouvelle Assemblée nationale, et voilà votre briefing hebdo.
Le Carnet
• Pas de temps à perdre pour les députés : ils étaient 76 à être élus dès le premier tour, ils seront 501 à prendre leurs marques en début de semaine au Palais Bourbon pour faire leurs badges et recevoir le kit du nouvel élu le cas échéant. L'ouverture officielle de la XVIIe législature se fera le jeudi 18 juillet à 15 heures à l'occasion de la première séance publique et consistera notamment à élire le nouveau président de l'Assemblée nationale, qui succédera à Yaël Braun-Pivet.
• Avis aux amateurs : par arrêté publié au JO du 4 juillet dernier, le Quai d’Orsay modifie les épreuves de ses concours d’entrée (cadre d’Orient et général) à compter de 2026. Gagnantes du changement : les questions européennes, qui seront évaluées par QCM à l’écrit ; perdante : l’économie, qui disparaît de la phase d’admissibilité. Le concours “docteurs” de l’INSP (ex-Ena) est quant à lui prolongé pour au moins deux ans supplémentaires.
• Dans le JO de la semaine : deux usines de fabrication de cellules photovoltaïques (Holosis à Ambach et Carbon à Fos-sur-mer) ont été qualifiées par décret de “projets d’intérêt national majeur” (PINM) en application de la loi industrie verte du 23 octobre 2023. Ce statut doit normalement accélérer la délivrance des autorisations d’urbanisme et rendre automatique la dérogation espèce protégée (DEP) pour faire passer le délai moyen de développement des projets de 17 à 9 mois.
Le Briefing : Déclarification
Les raisons qui poussèrent Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée en juin dernier resteront probablement impénétrables, alors on jugera l’arbre à ses fruits : le président voulait provoquer une clarification des équilibres politiques à l’Assemblée. C’est loin d’être chose faite.
Brigitte Simonetta présente la météo sur Antenne 2, circa 1980 © INA / Miskintele
BUSINESS IN THE FRONT • Si l’on s’en tient aux rapports de force des alliances électorales conclues depuis la dissolution de juin dernier, c’est le Nouveau front populaire qui porte le plus grand nombre de députés dans l’hémicycle (182). En interne, si La France Insoumise reste stable à 77 députés, le PS double son score avec 62 députés tandis que les Écologistes font le meilleur score de leur histoire avec 35 sièges
L’alliance Ensemble se contente de 150 sièges, soit 100 de moins que pour la précédente législature, mais se maintient à un certain niveau grâce aux reports de voix au second tour de la part d’électeurs du NFP.
Le Rassemblement national, qui récolte 8,7 millions de voix, soit 4 millions de plus qu’en 2022, n’est pas parvenu à réaliser les prophéties des voyants de plateau télé en transformant en sièges cet engagement de ses électeurs : avec 126 sièges, il reste le parti le mieux représenté, mais ne pourra pas compter sur son alliance avec les LR tendance Ciotti (17 sièges) pour constituer une majorité, même relative.
La campagne triomphaliste du parti arrivé en tête aux européennes n’a donc pas suffi à conquérir suffisamment de circonscriptions, malgré une percée en nombre d’électeurs : magie du scrutin uninominal à deux tours, le RN obtient 22% des sièges avec 32% des voix exprimées.
MINORITÉS RELATIVES • Faute de majorité, même relative, la clarification espérée par Emmanuel Macron n’a pas eu lieu. Au contraire, c’est un système de coalition qui est le plus susceptible de se mettre en place au parlement, et les alliances de gouvernement sont susceptibles d’être bien différentes des alliances électorales.
Or, si une coalition devait être trouvée en incluant le parti présidentiel, ce que devrait tenter d’opérer Emmanuel Macron dans les prochains jours pour ne pas être contraint à la cohabitation, elle exclurait a priori le RN (126 sièges) et LFI (75 sièges). Autrement dit, la coalition majoritaire devrait être trouvée par 289 députés sur les 376 restants. Une coalition de centre droit avec LR ne garantirait que 227 voix ; une coalition allant d’Ensemble au parti Communiste n’en aurait toujours que 284.
Trois cas de figure doivent donc être envisagés : soit un “gouvernement technique” se montre assez peu ambitieux pour ne pas susciter de motion de censure, soit une coalition est trouvée qui rassemble des forces nécessairement hétéroclites, soit un gouvernement minoritaire arriverait à se maintenir avec le soutien tacite d’une petite centaine de députés d’un autre bord - option envisageable si le NFP devait trouver un accord de gouvernement sans se heurter à l’hostilité de la gauche de Renaissance.
Le calcul est encore compliqué par l’indiscipline à prévoir dans les rangs macronistes, dont beaucoup de membres ont reçu violemment la décision de dissolution. En particulier, rien ne dit que son flanc droit autour d’Edouard Philippe ne se sente obligé de rejoindre un gouvernement de coalition qui penchait nettement à gauche. En miroir, à la gauche du mouvement, Sacha Houlié avec d’autres appellent à la formation d’un nouveau groupe “social-démocrate”.
POINT NOMMÉ • Contrairement à une idée simpliste, le président de la République n’a pas de pouvoir discrétionnaire sur la nomination du Premier ministre. La lettre de l’article 8 de la Constitution semble lui donner toute latitude, mais en réalité, il ne peut nommer de chef du gouvernement que si celui-ci a une chance d’échapper à une motion de censure. Lorsque la majorité absolue appartient à l’opposition, comme ce fut le cas en 1986, 1993 ou 1997, il est donc contraint de nommer un candidat approuvé par cette majorité.
Hors ces cas clairs de cohabitation forcée, la recette est en réalité inconnue : autrement dit, un premier ministre pourrait être nommé sans être issu d’une majorité absolue, mais encore faudrait-il qu’une majorité absolue ne lui soit pas opposée. Or, une majorité de censure serait relativement aisée à trouver, en joignant les oppositions renforcées par les deux dernières semaines.
DÉMISSIONNAIRE DU DIMANCHE SOIR • La coutume, mais elle seule, veut qu’un gouvernement mis en minorité à l’Assemblée présente sa démission. Le gouvernement démissionnaire continue alors d’assurer ses missions jusqu’à l’entrée en fonctions du suivant, mais seulement en ce qui concerne la gestion des affaires courantes ou urgentes.
Aucune initiative politique ne saurait être prise pendant cette période, sous le contrôle du Conseil d’Etat. Pour autant, les Conseils des ministres se tiennent comme d’habitude, les décrets inoffensifs peuvent être signés, et on peut même imaginer la déclaration par décret de l’état d’urgence en cas de péril grave.
Si Emmanuel Macron acceptait la démission présentée par Gabriel Attal ce dimanche soir, la situation ne serait donc pas intenable, et les Jeux olympiques pourraient se tenir sans risque de paralysie de l’exécutif. Au demeurant, démissionnaire ou pas, le gouvernement ne dispose pas de la légitimité politique pour lancer de réforme ambitieuse - saluons ici la mémoire de la réforme de l’assurance chômage, disparue bien tôt après son annonce, le 26 mai dernier.
Pourtant, si cette période d’interstice se poursuit au-delà de quelques semaines, l’équilibre devient plus fragile : comment adopter les textes budgétaires ? Comment les neuf ministres élus députés, comme Gérald Darmanin ou Aurore Bergé, concilieraient-ils leur début de mandat avec leurs demi-fonctions exécutives ? Pourraient-il prendre part aux votes, dès fin juillet, sur les présidents de commissions à l’Assemblée ? Un premier ministre déjà nommé, mais sans gouvernement, pourrait-il gouverner contre le gouvernement démissionnaire ? Les juristes, seuls, apprécieront ces questions tordues.
La suite après cette collaboration commerciale avec Interbev
À quoi ressemble le quotidien d’un éleveur ? Cette semaine, avec le site Agriculture-circulaire, nous vous emmenons au coeur du Tarn pour découvrir l’action de Damien Blanc, éleveur de Blondes d’Aquitaine. On ignore souvent que les éleveurs portent une attention particulière à la sélection des bêtes afin d’assurer un compromis entre qualités bouchères et qualités d’élevage. Damien Blanc présente d’ailleurs ses vaches et taureaux aux plus prestigieux concours dédiés aux bovins.
Pour en découvrir plus sur cette partie peu connue — mais cruciale — du travail d’éleveur, rendez-vous sur le lien suivant.
Mais aussi
TROP CHER NOBYL • Les acteurs du nucléaire civil français ont connu deux revers importants dans les dernières semaines, avec le quasi-abandon d’un projet de petit réacteur innovant, et l’annonce d’un retard conséquent dans un projet majeur de fusion nucléaire.
D’abord, EDF a largement baissé ses ambitions pour le projet de SMR (small modular reactor) lancé début 2023 sous le nom de Nuward : alors que ce dernier devait être un laboratoire pour des technologies innovantes de production d’énergie, EDF a décidé de “faire évoluer” son design, décidant en réalité de lui retirer la plupart de ses technologies innovantes pour le faire reposer uniquement sur des technologies éprouvées.
La déception est d’autant plus grande pour les acteurs que ce projet faisait figure de proof of concept pour des petits réacteurs capable d’être vendus à l’export pour remplacer des centrales au charbon de taille moyenne, et stimulait le secteur dans lequel plusieurs entreprises françaises sont actives : Naarea, Jimmy, ou encore Newcleo ont récemment conclu des financements importants.
Ensuite, le projet ITER (International thermonuclear experimental reactor), projet majeur de recherche pour l’industrialisation de la fusion nucléaire, a annoncé fin juin un nouveau retard de huit ans avant la première production prévue de plasma, renvoyant à 2036 la première production d’énergie magnétique, elle-même n’étant qu’une étape vers la production d’énergie injectable sur le réseau.
Situé en France dans les Bouches-du-Rhône, ce projet international réunissant la Chine, la Corée du Sud, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon, l’UE et la Russie voit donc une nouvelle fois son coût s’alourdir d’au moins 5 milliards d’euros, lui qui en a déjà engagé entre 20 et 40.
Alors que des startups lèvent des millions d’euros ou s’introduisent en bourse (comme celle de Sam Altman, patron d’Open AI) pour développer des projets de fusion nucléaire, et que le gouvernement allemand a annoncé vouloir investir un milliard d’euros dans la technologie d’ici 2028, de nombreux projets innovants dans le nucléaire ont failli après avoir engagé des dépenses importantes, comme le SMR de l’américain NuScale en novembre dernier.
BANCO POUR LE PEN • C’est un enjeu capital de ces législatives pour les partis politiques : leur accès au financement public. La loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique assure aux partis un financement en fonction de leurs résultats aux élections législatives. Le montant total (de 66 millions en 2022) est inscrit dans la Loi de Finances.
Pour le toucher, il faut avoir porté, dans au moins 50 circonscriptions ou dans au moins un département ou une collectivité d’outre-mer, des candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés. Une partie peut être déduite en cas de non-respect de la parité dans les candidatures. Une moitié est répartie en fonction du nombre de voix au premier tour, une seconde en fonction du nombre de parlementaires.
Dans ce cadre, le Rassemblement National va recevoir en 2025 autour de 10 millions d’euros pour la première tranche et 4,6 millions pour la seconde, contre 10,2 millions en tout en 2024. À l’inverse Ensemble pourrait passer de 18,5 millions à environ 10 millions.
Cette manne financière est cruciale pour les moyens dont disposent les partis pour asseoir leur pérennité, y compris immobilière (les LR se souviennent de la vente du siège Vaugirard pour économiser sur les loyers après la défaite de 2017).
Elle s’ajoute au fait qu’une multiplication du nombre de députés augmente d’autant le nombre d’assistants parlementaires formés, d’équipes de communication payées sur les enveloppes parlementaires, et toute sorte de choses qui permettent au RN d’aborder avec confiance leurs prochaines offensives politiques.
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Le Conseil d’Etat publiait en mai le rapport public d’activité des juridictions administratives, qui rassemble les indicateurs de délais de jugement et propose des analyses d’avis et de décisions à garder dans vos dossiers.
Hexagone est préparé et rédigé par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !