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Le week-end était long et vous n’avez pas tout suivi de l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 10 juin 2025, et voilà votre 68ème briefing hebdo.
ONU A NICE • La troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC 3) s’est ouverte hier, lundi 9 juin à Nice, et prendra fin vendredi. Elle est coorganisée par la France et le Costa Rica, après les deux précédentes éditions tenues à New York en 2017 et à Lisbonne en 2022.
Si les premières activités ont démarré dès le 2 juin avec des événements autour d’organisations de la société civile, le lancement politique officiel a eu lieu le 9 juin, avec l’ouverture de la session plénière réunissant chefs d’État, institutions internationales et ONGs.
Une baudroie de Johnson, poisson abyssal observé pour la première fois proche de la surface, en 2024
L’UNOC 3 s’inscrit dans l’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable. Il vise à faire progresser l’application de l’Objectif de développement durable n°14 (conservation et exploitation responsable des océans) face aux quatre menaces majeures qui pèsent sur les océans :
Le réchauffement climatique provoque une élévation rapide du niveau des mers, avec des projections allant jusqu’à un mètre d’ici la fin du siècle dans les scénarios pessimistes.
En parallèle, l’acidification de l’eau – causée par l’absorption massive du dioxyde de carbone – affaiblit les organismes marins comme les coraux ou les mollusques, perturbant l’ensemble de la chaîne alimentaire. La température moyenne des océans a déjà augmenté de 1,5 °C depuis un siècle, réduisant leur capacité de régulation thermique. Le quatrième épisode mondial de blanchiment corallien, en cours depuis 2024, affecte plus de 80 % des récifs du globe, compromettant durablement leur survie.
À cela s’ajoutent les pollutions d’origine terrestre et maritime : des tonnes de plastiques sont rejetées chaque années dans l’océan, et 80 % des eaux usées dans le monde ne sont pas traitées.
Enfin, la surpêche et la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) menacent des espèces entières comme les requins, les tortues et les cétacés.
La conférence de Nice entend renforcer l’intégration de l’océan dans les politiques publiques mondiales, régionales et locales. Elle ambitionne aussi de mobiliser des financements publics et privés pour soutenir des projets concrets de transition.
Le fonctionnement est celui d’une conférence format ONU : les matinées sont consacrées aux déclarations des Etats membres sur leur politique et leurs ambitions, tandis que l’après-midi se tiennent des dialogues impliquant les ONGS, les Etats, les organisations onusiennes et les scientifiques.
Dans ce cadre, devraient être évoquées le renforcement des aires marines protégées et l’interdiction du chalutage dans ces dernières, déjà évoquées par Emmanuel Macron dans son discours introductif, ainsi que la question névralgique du minage en eaux profondes.
SUJETS DE FOND • Toutefois, l’enjeu diplomatique majeur du sommet réside dans la ratification du traité BBNJ (Biodiversité au-delà des juridictions nationales), adopté à New York en 2023, communément appelé “traité sur la haute mer”. Ce traité comble un vide juridique en matière de gouvernance de la haute mer, qui représente plus de 60 % de la surface océanique.
Il permet notamment la création d’aires marines protégées en haute mer, la régulation des activités économiques dans ces zones et le partage équitable des ressources génétiques marines. Sa mise en œuvre concrète est conditionnée à sa ratification par au moins 60 États.
À ce jour, une trentaine l’ont formellement validé. La France, à travers sa diplomatie bleue, mène un plaidoyer actif pour atteindre le seuil requis d’ici la fin de l’année 2025. L’UNOC 3 doit jouer un rôle clé dans cette dynamique, en réunissant un maximum d’États autour de cet objectif commun.
Les prochaines étapes à l’issue du sommet seront décisives. Une fois le traité BBNJ entré en vigueur, il devra être opérationnalisé par la mise en place d’organes de gouvernance, de mécanismes de suivi et d’un cadre de financement. En parallèle, les engagements volontaires annoncés à Nice feront l’objet d’un suivi à travers un tableau de bord international partagé entre l’ONU, les États membres et les coalitions d’acteurs.
ORIENTATION SCOLAIRE • Dans un plan d’action présenté le 5 juin 2025, la ministre de l’Éducation nationale Elisabeth Borne a annoncé une série de mesures sur l’orientation scolaire. La ministre n’a pas abordé le sujet de Parcoursup, à l’origine de nombreuses critiques, notamment du Défenseur des droits. Le cœur du projet repose sur l’instauration de quatre demi-journées par an consacrées à l’orientation, intégrant visites d’entreprise, forums métiers et échanges avec des professionnels. Un “carnet de bord” sur la plateforme Avenir(s) permettra aux élèves de suivre leurs acquis tout au long du collège et du lycée.
D'autres mesures visent à améliorer l'accompagnement des élèves vers l’enseignement supérieur, comme la généralisation de formations propédeutiques et la valorisation de l’année de césure post-bac, notamment par l’attribution de crédits ECTS. Le gouvernement prévoit également des dispositifs spécifiques pour les bacheliers professionnels, comme des classes préparatoires ingénieur ou commerce, et l’expérimentation d’un BTS en trois ans.
Les syndicats accueillent ce plan avec scepticisme, dénonçant un manque de moyens et l’absence de mesures structurelles. Ils observent un reconditionnement de politiques déjà existantes plutôt qu’un réel changement. La CFDT et le SNES-FSU estiment que ces annonces ne suffiront pas à enrayer les inégalités d’orientation ou à répondre aux besoins des élèves.
BÉBÉS CADMIUM • Les ministres de la Santé, de l’Agriculture et de la transition écologique ont reçuy la semaine dernière un courrier d’alerte de la part d’un des principaux syndicats de médecins libéraux français, l’URPS-ML, dénonçant l’urgence sanitaire causée par la pollution généralisée de l’alimentation des français par le cadmium.
Selon les données de Santé publique France, 47 % des Français dépassaient déjà, entre 2014 et 2016, lles seuils “critiques” identifiés par Santé Publique France, et 18 % des enfants.
Chez les 6-10 ans, la concentration moyenne atteint cinq fois celle des jeunes Américains et quinze fois celle des Danois. Cette imprégnation est directement liée à l’alimentation quotidienne (pain, pâtes, pommes de terre, céréales), elle-même contaminée par l’usage d’engrais phosphatés importés, notamment du Maroc.
La France, premier consommateur d’engrais phosphatés en Europe, affiche une teneur moyenne en cadmium 1,76 fois supérieure à la moyenne européenne. Malgré une directive européenne fixant un plafond à 60 mg/kg en 2022 et visant les 20 mg/kg d’ici 2034, Paris n’a toujours pas transposé cette exigence dans le droit national.
Un projet d’arrêté abaissant le seuil à 40 mg/kg a été soumis à consultation en 2023, mais abandonné sans publication. En comparaison, la Finlande et la Roumanie appliquent déjà la norme de 20 mg/kg.
Face au danger de la multiplication de cancers du pancréas et d’autres pathologies déjà identifiées, les médecins demandent un plan d’action national incluant un soutien au bio (qui contient jusqu’à 48 % de cadmium en moins), des dépistages généralisés et remboursés, et surtout la révision des normes d’épandage.
LA PRIME NE PAIE PAS • Malgré les critiques formulées par Emmanuel Macron sur cette idée, le ministre de l’Economie Eric Lombard a confirmé sur les ondes de France Inter la suspension de MaPrimeRénov’ à compter de juillet, et jusqu’à septembre.
Selon lui, cette "pause estivale" vise à résorber un engorgement administratif, corriger des dérives dans les devis, et mieux lutter contre la fraude, Mais la temporalité et les ambiguïtés de communication autour de la mesure suscitent scepticisme et tension dans la filière.
Valérie Létard, ministre du Logement, avait déjà promis la semaine passée, après un article du Parisien révélant le projet de suspension, qu’il ne s’agissait ”ni de la fin du dispositif, ni d’une mesure budgétaire déguisée ».
Prenant donc soin de rassurer les esprits qui, comme Emmanuel Macron, s’inquiétaient que le gouvernement ne “cède aux facilités du moment” en abandonnant ses ambitions écologiques, Éric Lombard a donc évoqué une simple remise en ordre, alors que près de 12 % de dossiers sont considérés comme “suspects” par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) chargée du poilotage du dispositif, et promis la réouverture des guichets "au plus tard fin septembre", tout en rappelant que les dossiers peuvent encore être déposés jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la suspension.
Malgré cela, les professionnels du bâtiment et les fédérations immobilières dénoncent un « stop-and-go déstabilisant » et une « décision brutale ». La Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) pointe une contradiction dans la stratégie gouvernementale de rénovation énergétique, tandis que l’exécutif tente de rassurer sur le maintien des 3,6 milliards d’euros inscrits au budget 2025.
Mais derrière la pause annoncée se profilent des signaux d’essoufflement structurel : la baisse continue du financement public (de 4,5 à 2,3 milliards d’euros en deux ans), et un dispositif jugé peu lisible.
En 2023, un rapport d’enquête parlementaire relevait pourtant un dispositif efficace, bien que sursollicité et administrativement trop complexe, et proposait le relèvement de son budget à 4,5 Milliards par an. Reste donc à voir si les vacances nous rendront notre Prime Rénov’ reposée et prête à une nouvelle rentrée des classes.
“Dans les Abysses”, nouveau hors-série du magazine Epsiloon. Mi-livre mi-magazine, on vous y parle des Abysses en croisant vulgarisation scientifique, littérature, reportages… Juste à temps pour la Conférence de Nice.
Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin et Nicolas de Renghien, avec l’appui de Noé Viland. À la semaine prochaine !
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