Visas algériens, Autoroute, et Farandou

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Hexagone
6 min ⋅ 04/03/2025

Le Briefing - Accords pas faits

Lors du comité interministériel sur l’immigration, mercredi 26 février dernier, le Premier ministre a annoncé la possibilité d’une remise en cause de l'accord du 27 décembre 1968 avec l'Algérie, faisant un signe dans le sens de son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a adopté depuis plusieurs semaines une position offensive sur le sujet. 

L’attaque au couteau survenue à Mulhouse le 22 février 2025 a ravivé le débat sur l’accord de 1968. Le mis en cause, un ressortissant algérien, avait été présenté quatorze fois aux autorités algériennes par la France en vue de son expulsion, mais ces dernières ont refusé sa reconduction

Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune (2022, © Elysée)

Le gouvernement a adressé à Alger une liste de ressortissants considérés comme sensibles et devant être repris d’urgence par l’Algérie sous peine de dénonciation de l’accord. Environ 40% des détenus en centres de rétention administrative (CRA) sont Algériens, une proportion qui dépasse largement celle des autres nationalités concernées par des OQTF. 

Face à la réticence persistante d’Alger à réadmettre ses ressortissants, une note du ministère de l’Intérieur, vue par la Tribune, envisage un arsenal de mesures coercitives

Parmi celles-ci figurent : 

  • une réduction massive des visas accordés aux Algériens, y compris aux élites politiques et économiques du pays ;

  • l’expulsion de certaines personnalités algériennes identifiées comme persona non grata ;

  • le blocage de comptes bancaires et le gel d’actifs détenus en France par des dignitaires algériens ;

  • l’ouverture d’un contentieux international sur la non-application des engagements algériens en matière de réadmission ;

  • la surveillance accrue des activités des services de renseignement algériens en France.

QUEZ’ACCORD • L’accord de 1968 a subi trois révisions majeures. Une première en 1985, avec l’introduction de certaines règles du droit commun, puis en 1994, dans un contexte de durcissement des politiques migratoires françaises, et enfin en 2001, pour inclure des dispositions issues de la loi française sur l’immigration et l’asile. 

Par ailleurs, sans qu’il soit spécifiquement dirigé contre l’accord, un changement très significatif est intervenu en 1986 avec l’instauration de l’obligation de visa pour tous les étrangers, y compris les Algériens, souhaitant entrer en France. 

Il n’en demeure pas moins que l’accord de 1968 confère aux Algériens de nombreuses facilités. 

Il facilite le regroupement familial : un conjoint algérien peut obtenir un certificat de résidence algérien après seulement un an de mariage, contre trois ans pour les autres nationalités. Les conditions de régularisation sont facilitées : un Algérien en situation irrégulière peut obtenir sa régularisation s’il prouve dix ans de présence sur le territoire. 

Contrairement aux autres étrangers, les Algériens ne sont pas soumis à des critères d’intégration pour bénéficier d’un titre de séjour. L’accord ne prévoit également aucune possibilité de retrait du titre, sauf en cas de fraude avérée ou d’absence du territoire pendant plus de trois ans. 

L’accord prévoit aussi la libre installation pour les Algériens en France sans avoir à prouver la viabilité économique de leur projet, ce qui entraîne des risques de demandes abusives de titres de séjour de travail.

En revanche, à l’opposé les Français souhaitant s’installer en Algérie ne bénéficient d’aucun régime privilégié et sont soumis au droit commun algérien, applicable également à des Allemands, Espagnols ou Italiens.

En 2024, la France a délivré 245 000 visas, courts et longs séjours confondus, aux ressortissants algériens. Dans le même temps, 25 000 obligations de quitter le territoire français ont été émises contre des Algériens, mais seulement 2 999 expulsions effectives ont eu lieu. Selon l’INSEE, près de 887 000 Algériens résident légalement en France, tandis que 35 200 Français vivent en Algérie.




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Mais aussi - Une autoroute et du rail

HIGHWAY, PAS TROP • Par un jugement très détaillé, le tribunal administratif de Toulouse a annulé jeudi dernier, 27 février, l’intégralité de l’autorisation environnementale de l’autoroute A69, tronçon à cheval entre la Haute-Garonne et le Tarn, avec pour effet un arrêt immédiat des travaux. 

Pour rappel, une autorisation environnementale est un dispositif permettant de réunir en une procédure unique toutes les autorisations nécessaires à l’implantation de certains projets d’infrastructures altérant l’environnement. 

Déjà en 2021, le Conseil d’Etat avait confirmé la légalité d’un décret de 2018 portant déclaration d’utilité publique du projet. 

Ensuite, un arrêté conjoint des préfets des deux départements avait approuvé en mars 2023 l’ensemble des procédures et documents environnementaux du projet. Saisi depuis par plusieurs associations, le juge administratif avait jusqu’ici refusé de suspendre chacune des autorisations de ces arrêtés. C’était sans compter sur le jugement de jeudi dernier, qui annule toute la procédure. 

Dans sa décision, le tribunal administratif tranche deux questions fondamentales : 

  • il juge que l’une des autorisations de l’arrêté de 2023, une “dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées”, était illégale ;

  • il ajoute que cette dérogation n’est pas détachable du reste des autorisations prévues par l’arrêté : ainsi, c’est l’intégralité de l’autorisation environnementale qui est annulée. 

La “dérogation espèces protégées” avait été accordée par le préfet, sur demande de la société Atosca (qui construit l’autoroute sous le régime de la concession), sur le fondement de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, qui permet de justifier cette dérogation par une “raison impérative d’intérêt public majeur” (“RIIPM”)

Or, pour le tribunal administratif, aucune des raisons avancées ne permet de reconnaître une telle RIIPM : 

  • le bassin d’emplois du Tarn n’est pas en décrochage par rapport aux départements voisins ; 

  • les apports en termes de sécurité ne sont pas conséquents ;

  • la réduction du temps de trajet est trop faible pour un péage trop élevé

Ces éléments, mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, n’ont pas fait le poids aux yeux du juge, qui a donc annulé la dérogation.

Le tribunal a alors jugé que cette illégalité ne pouvait pas être régularisée, eu égard à sa portée, et qu’annuler uniquement la dérogation “ferait perdre toute finalité aux autres composantes de l’autorisation environnementale”. 

L’Etat, qui continue de soutenir le projet, va faire appel de cette décision, et demander sa suspension dans l’attente de la décision de cour d’appel administrative. 

L’enjeu politique et financier est important : en décidant de lancer les travaux avant que les autorisations soient purgées des recours administratifs, les porteurs du projet prenaient le risque de devoir perdre, ou compenser, plusieurs centaines de millions d’euros pour la sécurisation, la remise en état et les frais déjà engagés sur le chantier, déjà achevé à près des deux tiers. 

Parmi tous les précédents de contentieux de ce type (Sivens, Beynac-et-Cazenac…), c’est la première fois que la juridiction administrative annule les travaux d’une autoroute sur des critères environnementaux. 

DEPART EN FANFARANDOU • Sauf surprise, Jean-Pierre Farandou devrait se retirer de la présidence du Groupe SNCF au printemps 2025, après un mandat de six ans confié par l’Etat. 

Le bilan qu’il tire de ses années à la tête de l’entreprise, propriété de l’Etat mais gérée depuis 2020 comme une société anonyme, est rassurant pour l’avenir du rail français : depuis quatre ans sans discontinuité, SNCF Groupe dégage un bénéfice net, permettant d’entrevoir une stabilisation de sa dette.

Selon les résultats consolidés publiés la semaine dernière, le bénéfice net s’élève pour 2024 à 1,6 Milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires total de 43,4 milliards, en hausse de 4,8% par rapport à 2023. 

L’activité Voyageurs représente près de la moitié du chiffre d’affaires total, à 20,3 milliards d’euros, en hausse impressionnante de 5,8% malgré un ralentissement de la consommation générale des ménages. 

Le secret de cette croissance se trouve dans la fréquentation des trains : 35% des TGV étaient pleins au départ, et le reste tournait autour de 80% de remplissage. 

Or, jusqu’à la livraisons en 2026 des nouvelles rames “TGV M” pour remplacer les rames vétustes ou mises à la casse, les places de TGV sont moins nombreuses : la demande faisant sa loi, et les techniques de tarification adaptative aidant, le prix moyen du ticket a augmenté, selon l’INSEE, de 5,1% en longue distance sur un an. 

Cependant, la croissance du groupe est aussi portée structurellement par l’activité de Keolis, filiale de transports en commun, à l’international : avec 9,6% de croissance, cette manne ne faiblit pas, mais un rapport parlementaire de 2022 pointait déjà le danger représenté par la dépendance à cette activité très internationalisée.  

La stratégie de désendettement de la SNCF lancée par l’Etat porte donc ses fruits : après la reprise de 35 Milliards de dette par l’Etat, et le refinancement public massif de Fret SNCF (dont Hexagone vous parlait ici), la rentabilité était devenue un enjeu vital. 

Néanmoins, il faut prendre en compte que l’entreprise jouit encore d’un quasi-monopole, notamment sur les lignes à grande vitesse, activité rentable sur laquelle de nombreux Européens viennent déjà la concurrencer directement, sans que ceux-ci ne soient pour le moment intéressés par des lignes régionales.

La SNCF risquerait donc de se trouver dans la désagréable situation de devoir jouer le jeu de la concurrence sur les lignes à grande rentabilité, tout en étant seule à gérer des dessertes plus coûteuses

Pour le moment, les bénéfices ne sont pas reversés à l’Etat actionnaire, mais placés dans un fonds de concours abondé par tous les concurrents, qui sert à investir dans le réseau, à égale concurrence des collectivités et de l’Etat.


Notre lecture de la semaine

  • Pour le salon de l’agriculture, on ressort ce rapport de l’IGF de juillet 2024 sur les freins fiscaux et non fiscaux à l’installation et à la reprise des exploitations agricoles, qui met le doigt sur les moyens d’action de l’Etat face aux difficultés du renouvellement des générations dans l’agriculture.


Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !

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