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Développés dans les années 1950 pour leurs propriétés industrielles, notamment imperméabilisantes et antiadhésives, les molécules per- et polyfluoroalkylées (abrégez par « PFAS » et prononcez comme « pifasse ») avaient fait l’objet d’une proposition de loi adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale en avril 2024, comme vous le racontait déjà Hexagone.
Elle était ensuite passée devant le Sénat dans la foulée, qui y avait apporté quelques amendements : il a donc fallu que le texte repasse devant les députés en deuxième lecture. C’est chose faite depuis jeudi dernier : le texte, adopté de façon conforme à la version du Sénat, pourra désormais être promulgué et entrer en vigueur.
Mark Ruffalo joue Robert Bilott, avocat intègre contre DuPont, dans “Dark Waters” (Todd Haynes, USA, 2020)
POLLUTION RADICALE • C’est à la faveur de la journée d’initiative parlementaire du groupe Écologiste et social, jeudi dernier, que le texte a pu être discuté et adopté. Le texte, pionnier en Europe, n’a d’équivalent que dans l’Etat du Maine aux Etats-Unis, et au Danemark.
Il existe entre 10.000 et 14.000 types de PFAS ; seuls certains ont fait l’objet de réglementation sur le continent européen, notamment les PFOS, les PFOA et les PFHxS depuis le Règlement européen « POP » de 2019.
La refonte à venir du Règlement REACH de 2006 sur l’enregistrement des substances chimiques pourrait renforcer les contraintes, voire interdire leur usage à l’échelle européenne, mais elle tarde encore.
Le texte crée un nouvel article L. 524-1 dans le code de l’environnement, pour prévoir deux vagues d’interdiction des substances visées :
au 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation et la vente des produits contenant des PFAS sera interdite pour les fabricants de cosmétiques, de produits de fartage et de produits d’habillement, sauf exceptions de nécessité ou de sécurité ;
à compter du 1er janvier 2030, “tout produit textile” contenant des PFAS sera interdit, sauf exceptions de nécessité.
En revanche, ni les emballages de façon générale, ni les ustensiles de cuisine, qui étaient compris dans la version adoptée en première lecture, ne sont concernés par le texte.
Selon la ministre de la transition écologique, faute de preuve de la dangerosité des PFAS utilisés dans les poêles antiadhésives, l’interdiction ne s’imposait pas. L’argument était manié avec insistance par les industriels, notamment le groupe français Seb, leader mondial qui détient la marque Téfal.
La liste des substances concernées n’a pas été fixée par le législateur. Il faudra donc attendre la publication du décret d’application pour savoir quels types de PFAS seront interdits.
PFAS A LA MER • L’autre grand enjeu de la loi, outre la réduction de la production et de la circulation des PFAS, est la protection des milieux aquatiques.
Rappelez-vous : en janvier, des associations révélaient que la plupart des réseaux d’eaux potables en France présentaient des pollutions élevées aux TFA, un type de PFAS qui aujourd’hui n’est pas obligatoirement recherché par les contrôles sanitaires.
Certaines régies d’eau potable, comme celle de Paris, le font de façon volontaire, mais des contentieux sont aujourd’hui en cours à l’initiative de Générations Futures pour contraindre le gouvernement à ajouter les TFA à la liste des PFAS recherchés.
La loi adoptée jeudi devrait faciliter ces contrôles puisqu’elle prévoit d’inclure dans les contrôles tous les PFAS dès lors qu’ils sont quantifiables dans l’eau.
Pour mettre fin aux rejets des industriels dans les cours d’eau, la nouvelle loi s’attaque aux plus gros producteurs, sur le principe du pollueur-payeur. Ce choix se justifie par le fait que 99% des rejets proviennent d’un nombre réduit d’usines, 200 sur tout le territoire à en croire le rapport du ministère de la transition écologique.
C’est pourquoi la loi met en place une redevance de 100€ par tranche de 100g de PFAS rejetée dans l’eau, destinée à financer les opérations de dépollution. Mais non seulement ce quantum n’apparaît pas suffisant pour financer les 12 milliards d’euros annuels estimés par les chercheurs ; il risque également d’entraîner un effet de “droit à polluer” qui ne freinerait pas suffisamment les rejets.
Quoi qu’il en soit, la loi exige aussi que la France se dote d’une trajectoire de réduction des rejets aqueux de PFAS qui permette l’arrêt de tout rejet d’ici 2030. Un large effort devant être demandé aux collectivités territoriales responsables du traitement des eaux usées, un plan de financement à leur intention est également rendu obligatoire pour le Gouvernement.
L’information des citoyens devrait aussi être renforcée, puisque les ARS devront désormais publier chaque année les programmes d’analyse des PFAS dans l’eau potable, y compris pour les eaux en bouteille, et les résultats de ces analyses.
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LES CHAÎNES QU’ON ABAT • Le Conseil d’État a confirmé le 19 février 2025 la décision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de ne pas renouveler les fréquences TNT de C8 et NRJ12.
Le Conseil d’Etat a validé l’analyse du rapporteur public, selon laquelle le marché publicitaire de la TNT gratuite est en contraction, ce qui justifie de limiter le nombre de chaînes gratuites.
Selon l’étude d’impact réalisée par l’Arcom, les recettes publicitaires du secteur sont en stagnation, voire en diminution, et la multiplication des chaînes gratuites pourrait nuire à la viabilité économique du paysage audiovisuel.
L’autorité de régulation a donc estimé que l’ajout de nouvelles chaînes gratuites mettrait en péril l’équilibre du marché et n’a retenu que onze candidats parmi les quinze fréquences disponibles. Le Conseil d’État a jugé cette approche fondée et conforme à la loi de 1986 sur la liberté de communication.
En ce qui concerne C8, qui diffuse notamment l’émission “Touche pas à mon poste” de Cyril Hanouna, l’Arcom avait également retenu le lourd passif des sanctions accumulées au fil des années. Depuis sa transformation de D8 en C8 en 2016, la chaîne a été sanctionnée 27 fois par le CSA puis par l’Arcom, pour un total de 7,6 millions d’euros d’amendes. Ces manquements ont consisté notamment en des atteintes répétées aux obligations de respect du pluralisme, du contrôle de l’antenne et de la déontologie de l’information.
Malgré la mise en place d’un dispositif de contrôle en octobre 2023, l’Arcom a jugé celui-ci trop vague et inefficace pour garantir un respect des obligations légales à l’avenir. L’absence de diversité dans les programmes de la chaîne a également été soulignée, en particulier la place prépondérante accordée à l’émission "Touche pas à mon poste", qui domine la grille de C8 mais ne répond pas aux exigences de renouvellement des contenus.
Pour NRJ12, la décision repose avant tout sur un constat économique défavorable. La chaîne souffre d’une baisse constante de ses parts d’audience, y compris auprès de son public cible, les jeunes. L’Arcom a noté que NRJ12 consacrait plus de 1000 heures par an au téléachat, et proposait très peu de contenus inédits, contrairement à d’autres chaînes concurrentes. Son modèle économique repose sur une forte dépendance aux rediffusions et aux recettes publicitaires incertaines, ce qui la rend moins apte à maintenir un équilibre financier viable.
La décision a suscité des réactions politiques vives, en particulier à droite et à l’extrême droite, qui y voient une atteinte à la liberté d’expression et une décision politique ciblée contre les médias de Vincent Bolloré. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a déploré sur X que "C8 avait trouvé son public et sa disparition prive d'un espace d'expression important". Laurent Wauquiez, chef de file des Républicains, a dénoncé un abus de pouvoir d’une autorité administrative opaque qui aurait "arbitrairement décidé du sort d'une chaîne populaire". Marine Le Pen est allée plus loin en qualifiant cette décision de "régression inquiétante imposée par une gauche sectaire qui veut museler toute pensée alternative".
Le Conseil d’État a néanmoins ordonné à l’Arcom d’ouvrir rapidement une nouvelle consultation publique sur l’attribution de quatre fréquences vacantes à partir de juin. En théorie, C8 et NRJ12 pourraient tenter de revenir dans le paysage audiovisuel par ce biais, mais leurs chances apparaissent faibles au vu des critères qui ont mené à leur exclusion.
PONCTION SOMPTUAIRE • Jeudi 20 février, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à instaurer une taxation minimale de 2 % sur les patrimoines dépassant 100 millions d'euros. Cette initiative est portée par les députés écologistes et soutenue par l’ensemble de la gauche.
Le vote a eu lieu tard dans la soirée et l’absence de nombreux députés du bloc central a facilité l’adoption de la mesure par 116 voix contre 39, avec une abstention du Rassemblement National.
L’idée s’inspire des travaux de l’économiste Gabriel Zucman. Les écologistes ont introduit cette proposition dans le cadre de leur niche parlementaire, profitant de l’espace législatif dédié aux initiatives des groupes minoritaires.
La proposition de loi prévoit qu’un ménage dont le patrimoine total (incluant les biens professionnels) dépasse 100 millions d’euros doit payer au moins 2 % de ce patrimoine en impôts. Si la somme des impôts payés est inférieure à ce seuil, la différence est réclamée par l’administration fiscale.
Les défenseurs du texte estiment que cette taxe pourrait générer jusqu'à 25 milliards d’euros par an. Contrairement à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), supprimé en 2017, cette taxe inclut les biens professionnels dans l’assiette de calcul. L’ISF excluait ces actifs pour éviter d’obliger des entrepreneurs à vendre leurs parts d’entreprise afin de s’acquitter de l’impôt.
Le texte a néanmoins peu de chances de prospérer. La majorité sénatoriale, largement dominée par la droite et le centre, devrait rejeter la proposition de loi. La mesure pourrait néanmoins alimenter les débats futurs sur la fiscalité des plus riches, notamment dans le cadre de discussions internationales au G20 sur la taxation des grandes fortunes.
La Cour des comptes a remis le 20 février dernier son rapport sur la situation financière et les perspectives du système de retraites demandé par le Premier ministre lors de son discours de politique générale. Ce document doit servir de base pour la renégociation, par les partenaires sociaux, de la réforme de 2023 portant l’âge d’ouverture des droits à 64 ans. Sans prendre parti, le rapport explore les quatre paramètres de l’équilibre : montant des cotisations, durée d’assurance, âge de départ et niveau des pensions. Il revient par ailleurs sur le fonctionnement particulier des retraites des fonctionnaires, pointé du doigt par le Premier ministre comme étant assimilable à un “déficit caché” du système des retraites.
Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !
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