Hexagone est sur X et LinkedIn
Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 29 octobre, et voilà votre briefing hebdo.
Le Briefing
Pour une fois, on ne vous parle pas de budget en entrée. On s’intéresse aux difficultés de la filière automobile électrique française, dans le contexte de la préparation de la sortie des véhicules thermiques à partir de 2035 et d’une rude concurrence chinoise.
Les ports européens, encombrés de voitures chinoises en surplus
LOTO MOBILE • Le 24 octobre dernier, le géant minier français Eramet a annoncé la suspension de son investissement dans une usine de recyclage de batteries de voitures co-porté avec Suez près de Dunkerque.
D’après le groupe, la filière batteries et leurs composantes ne monte pas suffisamment en puissance en Europe et, de ce fait, de fortes incertitudes existeraient d’une part sur l’approvisionnement en matières premières et sur les débouchés des sels métalliques issus du recyclage.
Avant de commencer son activité de recyclage de batteries usagées, le projet devait débuter avec les rebuts d’usines de batteries. Or, les projets, nombreux dans le département, prennent du retard. Seule ACC, possédée par Stellantis, Total et Mercedes, a pour l’instant démarré sa production à Douvrin Billy-Berclau. Deux giga-factories sont annoncées dans le département, celle du français Verkor et celle du Taïwanais Prologium, mais les mises en service s’étalent jusqu’à 2030.
Suez a annoncé que ce retrait ne mettait pas en cause le projet et, d’après le maire de Dunkerque Patrick Vergriete qu’il se mettait à la recherche d’un nouvel investisseur. Cependant, après le renoncement de Stellantis et Orano de mener conjointement un projet de pré-traitement du recyclage de batterie il y a trois semaines, la filière semble peu attrayante pour de nouveaux investisseurs.
Ces annonces interviennent dans un contexte européen peu porteur pour l’écosystème des batteries. Le géant européen Northvolt, qui a obtenu 15 milliards d’euros de financements depuis sa création en 2016, rencontre des difficultés industrielles qui ont conduit à l’annulation de commandes importantes.
QUI PERD PERD • Plus en aval dans la production automobile, les équipementiers automobiles français font également face à des difficultés. Dans sa publication du 14 octobre dernier, “portrait de la filière automobile à l’heure de sa transition vers l’électrique”, la Direction générale des entreprises estime à 40 000 sur 330 000 le nombre de poste menacés chez les sous-traitants notamment du fait de la transition vers l’électrique.
Le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) s’est par exemple récemment réuni à Bercy pour examiner le cas de la fonderie GM&S qui compte 1 800 emplois en France.
En outre, certains équipementiers français comme Forvia, prennent la décision de délocaliser pour se rapprocher des producteurs chinois, leader du marché de l’électrique qui s’installent en Europe. Le fabricant dont la gamme s’étend des sièges à l’éclairage en passant par les portières et l’électronique, s’est ainsi installé en Hongrie et en Turquie pour suivre le chinois BYD.
Mais aussi
NICKEL CHÔME • La Société Le Nickel, principal producteur de nickel en Nouvelle-Calédonie, a reçu de la part de l’Etat un nouveau soutien, sous la forme d’obligations à durée indéterminée, de 2,4 Milliards de Francs CFP, soit 20 millions d’euros.
La situation de l’entreprise s’est dramatiquement dégradée depuis les émeutes du printemps, sur fond de contestation de la révision constitutionnelle sur le corps électoral calédonien, qui ont entravé l’activité économique normale de l’île.
Dès le mois de mai, les organisations syndicales de la SNL demandaient la levée des blocus de manifestants qui paralysaient l’entreprise, et expliquaient que les trois fours surpuissants de l’entreprise, qui servent à fondre le nickel pour l’extraire, ne pourraient pas être rallumés s’ils étaient éteints faute d’activité. En effet, les matériaux isolants de ces fours, une fois refroidis, perdent leurs propriétés.
Le groupe Eramet, qui détient 56% de SLN, avait arrêté d’octroyer des prêts à cette dernière en avril, après un accord passé avec l’Etat qui transformait en fonds propres une grande partie des dettes financières de la SLN.
Le dernier bilan trimestriel de l’entreprise, présenté fin juillet, montrait un CA en baisse de 56% sur 3 mois, une exportation de nickel “quasi-nulle” depuis mai, et une production réduite de 39%, le minimum pour maintenir les fours allumés.
Alors que plusieurs sites miniers, qui permettent à la SNL de s’approvisionner en Nickel, ont également souffert de la crise du printemps, l’incertitude demeure sur l’avenir de la SNL. La France est aujourd’hui, grâce à la Nouvelle-Calédonie, le troisième producteur de Nickel, plus haut que la Russie, mais largement en dessous de l’Indonésie.
RESTRUCTURATOS • Le tribunal de commerce de Nanterre a validé, jeudi dernier, le plan de sauvegarde accéléré demandé par le groupe Atos, en grande difficulté depuis plusieurs mois, comme Hexagone vous expliquait déjà ici et là.
L’entreprise enregistre encore un recul de 10,5% de son CA au troisième trimestre, comme elle l’annonçait le même jour ; le plan de sauvegarde consiste à convertir 3 milliards d’euros de dettes en capital, pour restructurer le passif de l’entreprise et lui permettre de se refinancer jusqu’en 2025.
Toutes les branches d’Atos (Eviden pour la cybersécurité et la data ; Tech Foundations pour l’infogérance) ont subi de lourdes pertes, et plusieurs contrats majeurs leur ont échappé. Deloitte avait notamment remporté, à son détriment, les contrats de services pour les jeux olympiques et paralympiques.
Alors que le nouveau Président, Philippe Salle, prendra ses fonctions de DG en février 2025, la transformation stratégique du groupe se fait attendre. Elle devrait passer par la cession d’actifs stratégiques, et l’achat par l’Etat d’équipements sensibles, notamment à usage militaire.
Pour le moment, Atos annonce supprimer 400 emplois sur deux ans et a encore perdu récemment un contrat important avec le ministère des armées, remporté par Orange et HP pour la livraison d’une IA militaire.
Enfin, le magazine Capital révèle qu’Atos prévoit de transférer ses actifs français dans une holding enregistrée aux Pays-Bas, dans une tentative de réduction de sa fiscalité sur les plus-values, et qui fait grincer des dents à Bercy après le prêt de 50 millions consenti par l’Etat en avril.
NOUVELLES RECETTES • Dans une Assemblée nationale tendue par les alliances ponctuelles qui se font et se défont entre les partis, tous minoritaires, les premiers jours de l’examen de la partie “recettes” du PLF 2025 ont transformé profondément le texte du gouvernement, cumulant une hausse de 40 milliards de recettes en plus des 20 prévues dans le projet initial.
Les partis de gauche ont profité du manque de coordination entre les alliances droitières pour faire adopter des recettes supplémentaires, notamment sur les très hauts revenus et les entreprises à fort CA. Parmi les amendements marquants adoptés :
Contre l’avis du gouvernement, le Modem, pourtant son allié, a étendu la base d’imposition de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus proposée par M. Barnier, et prévoit de la pérenniser ;
Un amendement présenté par Eric Coquerel réintroduit la CVAE, qui était en cours de suppression. Cette réintroduction porterait d’abord sur les entreprises au CA supérieur au milliard d’euros ;
Les partis du NFP ont fait adopter un “amendement Zucman”, du nom de l’économiste l’ayant inspiré, qui impose une taxe progressive sur le patrimoine des individus dont les actifs nets dépassent le milliard d’euros ;
Ces nouvelles recettes ont suscité des réactions véhémentes à droite, y compris chez les députés Ensemble : le gouvernement continue selon M. Barnier de donner la priorité, pour retrouver le 5% de déficit public en 2025, à la baisse de la dépense publique à hauteur de 60 Milliards d’euros.
Rien n’est joué sur l’adoption finale de la partie “recettes” du budget, dont l’examen reprendra le 5 juillet ; Michel Barnier est certes habilité à utiliser le vote de confiance de l’article 49 al. 3 de la constitution, mais il pourrait tarder à le dégainer : au vu des 2500 amendements restant à examiner, le vote du PLF pourrait bien s’enliser hors des délais prévus.
Nos lectures de la semaine
Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin et Nicolas de Renghien. À la semaine prochaine !
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