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Par Hexagone
23 janv. · 5 mn à lire
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Nouveaux caps présidentiels

Mais aussi — Ukraine, Atos, Eau


Bonjour. Nous sommes le 23 janvier 2024 et voici votre condensé d’actualité utile sur la France. Suivez-nous aussi sur X !


Le Briefing 

Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le Président de la République a fait plusieurs annonces sous la bannière commune du “réarmement” civique, moral et industriel.

Emmanuel Macron © compte twitter d’Emmanuel MacronEmmanuel Macron © compte twitter d’Emmanuel Macron

  • Economie : une nouvelle loi pour la croissance approfondissant à la fois la loi Macron de 2015 et la loi PACTE de 2019, avec l’objectif de “lutter contre les rentes” et alléger les obligations administratives (délais, normes, seuils).

  • Education nationale : une tenue unique sera expérimentée dans 100 établissements volontaires et sera généralisée en 2026 si l’essai est concluant ; le service national universel sera généralisé pour les élèves de Seconde, sans précision du calendrier ; des cours de théâtre seront obligatoires au collège ; un rapport sera remis en mars par le groupe d’experts, installé le 10 janvier, sur l’impact des écrans sur la santé physique et mentale des enfants

  • Fonction publique : le projet de loi à venir contiendra un renforcement des dispositifs de rémunération au mérite des fonctionnaires.

  • Finances publiques : les franchises médicales doublent, de 50 centimes par boîte de médicament à 1 euros, avec un plafond de 50 euros par an protégeant les malades atteints d’affection de longue durée. La mesure doit permettre une économie de 800 millions d’euros

  • Autres : le congé parental sera remplacé par un congé de naissance plus court mais mieux rémunéré, permettant aux deux parents d’être auprès de leur enfant jusqu’à six mois

Mais faisons un arrêt sur image sur deux des annonces les plus commentées : le “réarmement démographique” et la réforme de la loi “Paris-Lyon-Marseille.” 

DEMOGRAPHIE • Emmanuel Macron a fait se dresser des sourcils, en annonçant un plan de lutte contre l’infertilité imaginé comme une politique de “réarmement démographique”. Nul plan de repeuplement, assure-t-on depuis : la désormais ministre déléguée Aurore Bergé a annoncé sur France Inter que le plan se concrétiserait par le remboursement d’un bilan de fertilité pour les jeunes de 25 ans.

Quelques éléments de contexte. L’infertilité ne doit être confondue ni avec la fécondité (qui mesure le taux de naissances par femme), ni avec la stérilité (qui concerne l’incapacité totale d’un couple de concevoir un enfant). On parle d’infertilité lorsqu’un couple en désir d’enfant ne parvient pas à une grossesse après douze mois de tentatives. 

Le lien entre infertilité et réarmement démographique n’est pas anodin, au moment où l’INSEE pointe une basse remarquable du nombre de naissances en France (48.000 de moins en 2023 qu’en 2022) et un taux de natalité en berne (10 naissances pour 1000 habitants en 2023 contre 13 en 2000).

Le bilan gratuit à 25 ans ne fait pas partie des préconisations du rapport remis il y a un an à l’Elysée sur le sujet, qui propose lui d’informer plutôt les jeunes de 29 ans, un âge plus proche de l’âge d’accueil du premier enfant (31 ans). Au demeurant, l’infertilité est loin d’être la seule variable en jeu dans la transition démographique française, qui porte son lot d’implications sociales.

Si les mesures annoncées par Aurore Bergé s'inscrivent donc dans la continuité, en choisissant sémantiquement l’axe du réarmement démographique plutôt que de la santé publique, Emmanuel Macron prête le flanc à la critique de la gauche, qui lui reproche une politique nataliste aux accents réactionnaires. La droite, elle, s’en félicite

SWINGS ARRONDISSEMENTS • Autre sujet mentionné par Emmanuel Macron, la “réforme en profondeur” de la loi Paris Lyon Marseille de 1982 ou “PLM” sur le mode de scrutin particulier de ces trois villes.

Dans les communes de plus de 1000 habitants, les électeurs élisent leur Conseil municipal : si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés dès le premier tour, elle obtient la moitié des sièges du Conseil. L’autre moitié est répartie à la proportionnelle entre toutes les listes. 

En cas d’absence de majorité absolue au premier tour, les listes ayant obtenu 10% ou plus des suffrages concourent dans un second tour avec la même répartition des sièges qu’au premier tour. Le Conseil élit ensuite le maire. 

Les trois plus grandes villes de France font exception. Dans un premier temps, se déroule dans chaque secteur (un arrondissement ou un regroupement d’arrondissement) une élection identique aux autres communes de plus de 1000 habitants, avec un Conseil et un maire de secteur. Dans un second temps, une partie de ces élus forme le Conseil municipal de la ville qui élira le maire. 

La prime conséquente de 50% des sièges pour les listes en tête donne de facto un petit air d'élection américaine, avec des “swings arrondissements” au cœur de toutes les attentions. 

On peut ainsi à l'image de Donald Trump en 2016, ou de Gaston Defferre (auteur de la loi PLM) en 1983 à Marseille, gagner l'élection en ayant moins de voix que son adversaire. Dans une proposition de loi de 2020, le député Eric Diard calculait qu’on pouvait ainsi être élu maire de Paris avec 31% des suffrages.

Mise en place pour rapprocher les citoyens des autorités locales dans les grandes villes, la loi PLM peut avoir des effets inattendus. Si ces “swings arrondissements” sont au centre de toutes les attentions, les arrondissements les moins compétitifs peuvent, à tort ou à raison, nourrir le sentiment d'être délaissés par la Mairie de la ville. Une crainte dont les autorités Les Républicains du XVIe arrondissement de Paris (acquis très largement à la droite) se font par exemple souvent le relais.

PARIS VAUT BIEN UNE LOI • Cette annonce du Président de la République coïncide avec l’arrivée de Rachida Dati au gouvernement. Les oppositions de gauche prêtent à la nouvelle ministre de la Culture, critique de longue date du la loi PLM, et déjà candidate à la mairie de Paris en 2026, un impact sur cette annonce du président de la République.

Mais la modification de la loi PLM est un sujet qui revient régulièrement sur la table. Récemment, on peut compter en plus de la proposition de loi d’Eric Diard de 2020 mentionnée plus haut, celle du Modem de décembre 2023. Cette dernière visait la suppression des conseils et maires du secteur. Elle aurait le mérite qu’un électeur compteraient “autant à Paris qu’à Amiens ou à Besançon”, comme promis par Emmanuel Macron.

Trop radicale, la proposition de loi devra probablement faire de la place à celle du député Renaissance Sylvain Maillard. La député parisien table sur deux élections simultanées pour le Conseil municipal de la ville et celui du secteur. 

Le Monde avance qu’une alternative serait de réduire la prime majoritaire à 25% des sièges, ce qui aurait eu selon le quotidien un impact marginal sur les résultats du précédent scrutin en 2020.


Mais aussi

UKRAINE & INDUSTRIE • Pour son premier déplacement en tant que ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné a choisi l’Ukraine, plutôt que Berlin comme ses prédécesseurs. 

Alors que l’aide américaine reste à la merci des Républicains au Sénat, et qu’une victoire de ces derniers aux élections générales de 2024 pourrait avoir un impact durable sur le soutien à l'Ukraine outre-Atlantique, les différents pays européens se retrouvent au devant de la scène en Ukraine. 

Stéphane Séjourné aurait notamment négocié les termes d’un pacte de sécurité avec l’Ukraine similaire à celui que le Royaume-Uni a signé le 12 janvier dernier.

Du point de vue logistique, des efforts ont été fournis par l’industrie française, notamment avec le triplement du nombre d’obus livrés à l’Ukraine de 1000 unités par mois au début de la guerre aux 3000 attendues pour janvier selon le ministère de la Défense. 

En supplément des 30 canons Caesar livrés depuis le début de la guerre, 12 supplémentaires vont être financés par le fond de soutien à l'Ukraine tandis que 60 autres devront être financés par des pays tiers. La livraison de 40 missiles de air-sol Scalp a aussi été promise.

Le déplacement de Stéphane Séjourné a été suivi par les exhortations d’Emmanuel Macron aux industriels de défense à passer en “mode économie de guerre”. Le président a regretté, sans donner de noms, que certains “ont tardé à comprendre le changement de contexte stratégique, l'importance de pouvoir livrer vite et ont, depuis un an et demi, parfois manqué des contrats.” 

Un rapport du 17 janvier de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat s’interroge aussi sur l'évolution des capacités industrielles. Le président de la commission Cedric Perrin écrit: “on a un peu accéléré les cadences, mais la France n’est ni en guerre, ni en économie de guerre.” 

Un rapport du Sénat en novembre dernier avait déjà souligné une production nettement en deçà des besoins ukrainiens et rapporté une inquiétude chez les fabricants sur le manque de visibilité sur les commandes de l’Etat.

ATOS, L’HEURE DU BILAN Une croissance externe boulimique et non maîtrisée, ainsi que des revirements stratégiques multiples ont eu raison du groupe informatique français (les Echos). 

Début 2024, l’action d’Atos cote à moins de 4 euros contre 80 en 2020. Le groupe est endetté à hauteur de 5 milliards d’euros dont 2,25 arrivent à échéance l’an prochain. En cotant les obligations du groupe à 25% de leur valeur nominale, le marché semble estimer la probabilité d’un défaut à quasiment 100%, alors que Standard & Poor’s a dégradé le 19 janvier la note de crédit d’Atos de BB- (junk) à B- (hautement spéculatif). 

Suggérée par un communiqué de l’entreprise le 3 janvier et annoncé par le Figaro le 14 janvier, une procédure de conciliation devrait s’ouvrir entre le groupe et ses créanciers. 

Dans le même temps, plusieurs négociations de cession d’activités sont menées de front, la plus crédible étant celle de la branche big data services (BDS) à Airbus pour entre 1,5 et 1,8 milliards d’euros. Cette option aurait les faveurs de Bercy, qui y voit la possibilité de protéger les intérêts souverains français. 

Toutefois, des discussions auraient également cours avec Daniel Kretinsky pour le rachat de Tech Foundations, la division regroupant les activités cœur du groupe, ou encore avec le Canadien CGI pour la reprise des activités de la branche Eviden excluant la partie BDS. 

VASES COMMUNICANTS Les députés Descoeur et Haury ont présenté à la commission du développement durable de l’Assemblée nationale un rapport en forme d’alerte sur la gestion de l’eau pour les années à venir. 

Le constat : d’ici 2050, les précipitations devraient baisser de 16 à 23% et le débit moyen annuel des cours d’eau devrait diminuer de 10 à 40%. 

En ce qui concerne les eaux souterraines, le remplissage des nappes devrait diminuer d’une façon quasi générale entre 10 et 25% (étude Explore 2070 du bureau de recherche géologique et minière - BRGM).

L’eau sera plus rare et de moins bonne qualité : en 2019, 56 % des masses d’eau de surface et 33 % des masses d’eau souterraines n’étaient pas en bon état au sens de la directive cadre sur l’eau (DCE) du fait notamment de pollutions au nitrates, pesticides, etc. 

Parmi les solutions envisagées : renforcer les obligations de déclaration de prélèvement pour améliorer la connaissance et le pilotage, désimperméabiliser les sols pour favoriser l’infiltration des eaux pluviales, réparer les réseaux fuyards des communes.

Des propositions qui semblent rendre incontournable une augmentation du prix de l’eau, possiblement à travers une tarification différenciée et graduelle.

Après celui de la Cour des comptes cet automne, ce rapport confirme le besoin d’anticipation sur la gestion d’un aléa déjà menaçant.


Nos lectures de la semaine

  • Enquête approfondie de l’Equipe sur les montages autour des hospitalités du comité d’organisation de la coupe du monde 2023 en France qui en ont fait la première coupe du monde de rugby déficitaire pour une fédération.

  • Pour entamer l’année, cette note de la Banque de France : “Quatre décennies de patrimoine et d’endettement en France”, où l’on apprend que les ménages détiennent 75% du patrimoine national, une part relative qui a doublé en quarante ans.


Cette édition a été préparée par François Valentin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !

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