Hexagone est sur X et LinkedIn
Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 15 octobre, et voilà votre briefing hebdo.
Le Briefing
Le gouvernement Barnier a présenté son budget jeudi dernier. La somme de l’ajustement budgétaire, sous forme de hausse d’impôts ou de baisses de dépenses, représente 2% du PIB, soit autant qu’en 1983, année du tournant de la rigueur sous le premier septennat de François Mitterrand.
Une fois n’est pas coutume, Bercy au centre de l’actualité
@Loukian Jacquet
DOUBLE RATION DE FISC • Parmi les mesures fiscales : 8,5 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les grandes entreprises, 2 milliards sur les très hauts revenus, 4 milliards de cotisations sociales supplémentaires, une taxe sur les rachats d’action, un durcissement de l’écotaxe automobile, et une augmentation de la taxe sur l’électricité.
Côté dépenses : un gel pendant six mois de la revalorisation des pensions de retraite, une diminution du nombre de fonctionnaires au moyen de la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, une ponction de 5 milliards sur le budget des collectivités territoriales, ou encore une forte décélération du dispositif d’aide à l’apprentissage, pour 1,2 milliard d’euros.
Les dépenses sociales seront également fortement rabotées, aux termes du PLFSS, pour limiter leur croissance (ONDAM) à 2,8%. 5 milliards d’euros d’économies par rapport au tendanciel devront être dégagées, notamment au moyen d’un transfert de certaines charges de l’assurance-maladie vers les complémentaires santé
Rare postes épargnés : celui de la sécurité, mission qui voit ses crédits augmenter de 3,5% et celui des armées, dont la trajectoire suit la loi de programmation militaire avec un budget porté à 50,5 milliards d’euros en 2025 contre 32 milliards à l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017.
Dans son avis rendu le 10 octobre 2024 sur le projet de budget, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime que le risque est élevé d'un dépassement de la prévision de déficit de 5 points de PIB en 2025, telle qu'elle a été présentée par le gouvernement. Dans le même temps pourtant, l’agence de notation Fitch a décidé le 11 octobre de ne pas dégrader la note de la France, maintenue à AA-, mais associée cependant à une “perspective négative”.
Comme nous l’écrivions la semaine dernière, la méthode du gouvernement pour calculer la répartition de l’effort entre dépenses et recettes est contestable. Le HCFP aboutit pour sa part à 70% de l’effort pesant sur des augmentations d’impôt et 30% sur des baisses de dépenses.
Le mode d’adoption du PLF est incertain à ce stade : le gouvernement Barnier pourrait être tenté de recourir à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution, s’exposant à une motion de censure, mais évitant ainsi une masse d’amendements susceptible de changer du tout au tout la loi de finances pour 2025. Pour le moment, le Premier ministre a annoncé, dans un entretien, souhaiter que le texte soit co-construit avec les parlementaires, à condition qu’ils trouvent des mesures d’économie équivalentes s’ils choisissent d’en supprimer certaines du texte initial.
Si le traitement de la dette financière est clair, celui de la dette écologique, mentionnée également par Michel Barnier lors de son discours de politique générale, se réoriente du fait de l’impératif d’économie. Les investissements et dépenses de guichet (fonds vert, MaPrimRénov’) perdent 1,4 milliard de crédits en cumulé. En revanche, plusieurs mesures fiscales, comme le durcissement du malus automobile, la taxe de solidarité sur les billets d’avion ou l’augmentation de la TVA sur les chaudières à gaz, présentent des intérêts pour atteindre les objectifs climatiques.
Mais aussi
SIDÉRANT • Jamais la cour de Cassation n’avait encore utilisé expressément le terme de “sidération” pour qualifier pénalement une agression sexuelle ; c’est chose faite depuis un arrêt de sa chambre criminelle daté du 11 septembre dernier (n° 23-86.657).
Pour rappel, la qualification pénale d’agression sexuelle suppose en droit pénal français la présence d’un élément de violence, contrainte, menace ou surprise (Art. 222-22 code pénal). Or, lorsque la victime est en état de sidération, elle peine souvent à se défendre ou à s’opposer explicitement à l’acte, ce qui a longtemps posé un problème épais de qualification juridique de l’agression, même si le juge prenait déjà certaines situations spécifiques en compte.
L’obstacle majeur venait du fait qu’il était difficile pour l’accusation de prouver que l’auteur avait conscience d’agir sans le consentement de la victime, puisque cette dernière n’avait pas manifesté son refus de façon explicite.
Dans l’arrêt rendu en septembre, la Cour de cassation impose donc à tous les juges pénaux de prendre en compte l’état de sidération comme un élément constitutif de la “surprise” permettant de qualifier l’agression sexuelle.
Dans le cas d’espèce, l’auteur avait reconnu que la victime “était restée silencieuse” et avait confié à un proche qu’elle était restée “comme une poupée de chiffon” pendant l’acte qu’il lui avait imposé, reprenant à son insu des termes cités régulièrement dans les témoignages de victimes de violences sexuelles restées sidérées.
Ce débat sur la qualification pénales des VSS s’inscrit dans un débat plus large sur l’introduction de la notion de consentement dans la définition du code pénal, dont les conséquences ne sont pas encore clair.
STUPEFIANT • Après un rapport de la Commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic, trois sénateurs (Socialiste, Communiste, Écologiste) ont fait inscrire en juillet, à l’ordre du jour du Sénat, une proposition de loi pour lutter contre ce phénomène.
Ce rapport préconisait de qualifier le narcotrafic de “menace pour les intérêts fondamentaux de la nation”, de frapper le “haut du spectre” des trafiquants plutôt que de se limiter à des opérations “place nette”, de faire de l’office anti stup une “véritable DEA” à la française en lui donnant autorité sur les douanes, la police et la gendarmerie, et de créer un parquet national anti stupéfiants.
Le nouveau ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, s’est montré très favorable à cette proposition de loi, la présentant comme une arme dans la “guerre” qu’il entend mener contre le narcotrafic. En revanche, Didier Migaud, qui ne veut pas brusquer les magistrats trop tôt, a simplement annoncé vouloir “avancer sur le sujet” après avoir pris le temps “d’expertiser toutes les mesures prévues par le texte”, selon Public Sénat.
ÉPIDÉMIE DE FAILLITES • Au troisième trimestre 2024, 13 000 entreprises ont fait défaut en France, portant le nombre cumulé sur l’année à 47 000 et à 63 000 sur un an glissant. Ces chiffres sont nettement plus élevés qu’avant le Covid, et sont probablement liés à un effet rattrapage, alors que les mesures de soutien gouvernemental avaient permis le maintien en activité d’un certain nombre d'entreprises non viables.
L’essentiel de l’hécatombe - proche du niveau record de 2009 - touche de très petites entreprises. 94% des défaillances concernent ainsi des entreprises de moins de 10 salariés. Concentrés sur des petites structures, cette vague de faillite n’a pour le moment qu’un impact très limité sur l’emploi, touchant environ 144 000 personnes.
Nos lectures de la semaine
Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin et Nicolas de Renghien. À la semaine prochaine !
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