Hexagone

Hexagone propose un résumé hebdomadaire concis, bien documenté et informatif de ce qui fait l'actualité en France.

image_author_Hexagone_null
Par Hexagone
6 févr. · 4 mn à lire
Partager cet article :

Agriculteurs : la paix retrouvée ?

Annonces sur l'agriculture, cabinets de conseil, bombardements russes, Mayotte


Bonjour. Nous sommes le 6 février 2024 et voici votre condensé d’actualité utile sur la France. Suivez-nous également sur X et LinkedIn !


Le Briefing 

Première grande crise du Gouvernement Attal, le mouvement agricole débuté le 18 janvier dernier a donné lieu à une réaction rapide du Premier ministre, dont la stratégie a été négociée avec les syndicats principaux de l’industrie : la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. 

La méthode semble porter ses fruits puisque depuis le 31 janvier et la deuxième salve d’annonces, la majorité des manifestants respecte le mot d’ordre des syndicats consistant à libérer les blocages autoroutiers. Ce calme apparent ne doit pas faire oublier que le 24 février prochain s’ouvrira le Salon de l’Agriculture, rendez-vous industriel et politique qui servira de thermomètre des tensions. 

En attendant, nos rédacteurs vous rafraîchissent la mémoire sur les sujets qui fâchent.

© cloudvisual - adobestock.com© cloudvisual - adobestock.com

EGALIM, ASSEZ ? • Le grand accusé de la séquence reste l'application insuffisante de la Loi “Egalim” de 2018 et ses évolutions successives. 

Pour rappel, la première Loi Egalim tirait son nom et son principe des “Etats Généraux de l’Alimentation” lancés en 2017 : elle prévoyait un mécanisme de fixation des prix par les agriculteurs, réunis en organisations de producteurs, qui tiendrait compte avant tout de leurs coûts de production. La vente à perte par les distributeurs était strictement encadrée, pour renforcer le pouvoir des agriculteurs dans les négociations commerciales. 

Las ! Les agriculteurs, appuyés par un rapport d’information du Sénat, constataient en 2020 que les industriels s’émancipaient sans difficulté du cadre de cette première Loi, sans que ni les consommateurs, ni les producteurs, n’y trouvent leur compte. 

Une nouvelle loi est votée en 2021, pour renforcer l’encadrement des négociations, en interdisant notamment de négocier le prix des matières premières agricoles : pour un produit fini composé à plus de 50% de matières premières agricoles, l’augmentation du prix ces dernières doit être répercutée directement sur l’étiquetage. 

Deux fois las ! En s’en remettant à des centrales d’achat situées hors de France pour mener ces négociations hors du cadre d’Egalim, les principaux distributeurs contournent les contraintes sur les prix. 

Ouvrage remis sur le métier, en mars 2023 a été adopté un troisième volet Egalim, dont l’objet principal est de soumettre au droit français les négociations qui concernent les produits vendus en France. Si tant est que ces dispositions résistent à un examen au regard du droit européen de la concurrence — l’association de distributeurs Eurocommerce se plaignant déjà de leur atteinte à la libre circulation des biens et des services — la question de leur respect et de la magnitude des contrôles et sanctions a occupé les négociations de la semaine passée entre la FNSEA et Matignon. 

Plutôt que d’annoncer de nouvelles contraintes, c’est la main sur le coeur que Bruno Le Maire, dont le ministère est chargé de ces contrôles, a promis le concours de 150 agents de la DGCCRF pour disséquer 500 contrats issus de négociations Egalim, et des sanctions rapides et sévères (dans la limite de 2% du chiffre d’affaires).  

ANNONCES A LA TRACTOPELLE Dans le même mouvement, pas moins de quatre ministres ont occupé les matinales du PAF le 1er février pour annoncer, chacun dans son domaine, des séries de mesures-calumet. 

Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé une salve de mesures en six volets, dont le renforcement des lois Egalim. Le renoncement à la hausse de la taxe sur le gazole non routier a été confirmé, avec des remises à partir de juillet à la pompe (et non plus en fin d'année comme prévu) avec une avance immédiate de 50% sur les remboursements.

Marc Fesneau a fait trembler le même jour les militants écologistes en annonçant une “mise en pause” du plan Ecophyto dont la forme n’est pas encore fixée — nous ne manquerons pas de vous en reparler le moment venu. Il avait déjà annoncé dès le 21 janvier le report de plusieurs semaines d’un projet de loi sur l’installation de nouveaux agriculteurs (auquel devrait être ajouté un volet simplification). 

Bruno Le Maire annonçait dans la foulée trois mesures fiscales pour faciliter les transmissions de biens ruraux et d’entreprises agricoles, en promettant un paquet pro-agriculteurs dans le projet de loi de finances pour 2025. 

Plusieurs autres mesures dont la forme reste à déterminer ont également été évoquées : 50 millions pour les éleveurs touchés par la maladie hémorragique épizootique, 50 millions pour la filière bio, 80 millions pour les viticulteurs, 150 millions de soutien fiscal pour soulager la charge fiscale et sociale des éleveurs bovins, et un effort général de négociation face à la Commission européenne pour l’application des règles de la PAC les plus décriées. 

CHOIX DE BRUXELLES L'exécutif cible aussi davantage le niveau européen. Le Président souhaite la création d’une “force européenne de contrôle sanitaire et agricole” — qui ressemble beaucoup à une organisation de l’UE déjà existante : l’Office alimentaire et vétérinaire. 

Gabriel Attal a aussi renouvelé l’opposition du gouvernement à l'accord de libre-échange avec le Mercosur et souhaite un projet d'étiquetage sur l'origine des produits agricoles au niveau européen.

SORTIE DE ROUTE BUDGÉTAIRE Sans doute en ayant le mouvement des Gilets Jaunes en mémoire, Gabriel Attal expliquait le 23 janvier lors de la réunion du groupe parlementaire Renaissance qu’il valait mieux “lâcher 50 millions maintenant que 500 millions dans deux semaines.”

Pour autant, selon le ministère de l'Economie, ces concessions représentent environ 400 millions d’euros. Sur le gazole non routier, le renoncement à l'augmentation progressive de la taxe va coûter 70 millions sur 2024, mais avec un coût annuel de 1,4 milliards vers 2030 selon le Parisien, sans compter une avance de trésorerie de 215 millions pour le remboursement partiel du gazole non routier au premier semestre 2024.


Mais aussi

DES TAS DE CONSEILS •  A la suite de la polémique sur l’importance du recours à des prestataires de conseil externe par l’Etat, une proposition de loi PCF-LR avait été déposée sur le bureau du Sénat en juin 2022. 

Arrivée à l’Assemblée, sa portée a été largement atténuée par les amendements du gouvernement en première lecture le 1er février dernier. Les sénateurs n’ont pas eu gain de cause sur l’obligation de publier chaque année la liste des prestations de conseil, ministère par ministère, avec leurs montants.

De même, la chambre haute avait voté l’obligation de publier les bons de commande en open data. Le gouvernement est revenu sur cette disposition, considèrant suffisant le « jaune budgétaire » créé en 2022 et recensant en annexe du budget les montants des recours aux cabinets de conseil. 

Le gouvernement a en revanche étendu le texte aux collectivités de plus de 100 000 habitants contre l’avis de la commission des lois de l’Assemblée, qui souhaitait qu’une telle extension soit précédée d’une étude d’impact. 

Les prestations de conseils aux collectivités s’élèveraient à 500 millions d’euros (contre un montant de 270 millions en 2020 pour l'État, réduit à 80 millions en 2023). 

DRONE RUSSE Le 2 février, deux humanitaires français sont morts lors d’une frappe à Beryslav en Ukraine près de la ligne de front. Ces derniers, ainsi que trois autres citoyens français blessés dans la frappe, ont été les cibles d’un drone russe.

Le même jour, le président de la République condamnait un “acte lâche et indigne” tandis que le ministre des Affaires étrangères écrivait que la Russie devrait “répondre de ses crimes.”

Le 5 février, l'ambassadeur de Russie en France Alexey Meshkov a été convoqué au ministère des Affaires étrangères où le sujet de la “désinformation”, dont la France est particulièrement victime, devrait aussi être mentionné. 

Une enquête a été ouverte en parallèle ouverte par le Parquet national anti terroriste pour crimes de guerre et atteinte volontaire à la vie d'une personne protégée par le droit international humanitaire. C’est la dixième enquête de ce type depuis le début de la guerre, avec une procédure complexe qui demande beaucoup de coopération à l’international.

Les tensions entre Paris et Moscou se sont amplifiées récemment. Le 27 janvier, la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova avait dénoncé la “frénésie militariste” russe suite à des livraisons d’armes. Néanmoins, comme nous l'écrivions ici, l’industrie de défense française reste loin d'être en “économie de guerre” malgré l’augmentation de ses capacités.

DROITE DU SOL Interrogé sur la situation à Mayotte et alors que son voyage prévu le weekend dernier a été reporté pour suivre le dialogue avec les agriculteurs, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé un projet de loi constitutionnelle en 2024 pour durcir davantage un droit du sol déjà dérogatoire dans le département de l’océan indien. 

Pour devenir français, un enfant né à Mayotte devrait prouver que ses deux parents étaient en situation régulière plus d’un an avant sa naissance. Depuis la loi Collomb de 2018, la condition pour l’activation du droit du sol à Mayotte était de prouver une résidence régulière d’un des parents trois mois avant la naissance. 

Cette nouvelle évolution vise à répondre aux flux migratoires importants en provenance des Comores. Selon le ministre, à l’hôpital de Mamoudzou, “90% des naissances ne sont pas des naissances de Mahorais”. 


Nos lectures de la semaine

  • Une étude Elabe pour Les Echos et l’Institut Montaigne se penche sur l’opinion des français face à la baisse de la natalité. Un sujet qui inquiète peu nos concitoyens même si les annonces d’Emmanuel Macron ont été bien reçues.  

  • L’ARCOM publie une étude sur l’évolution du marché de la communication et l’impact sur le financement des médias par la publicité. Si les recettes publicitaires du secteur devraient continuer à croître, les médias historiques pâtissent de la concurrence des acteurs du numérique.


Cette édition a été préparée par François Valentin, Etienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !

...