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Par Hexagone
5 mars · 5 mn à lire
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Agriculture : projet de loi sur-mesure

Mais aussi — IVG, Un vote sur l’Ukraine, Mercato des Européennes


Bonjour. Nous sommes le 5 mars 2024 et comme tous les mardis, nous vous avons concocté un condensé de l’actualité utile en France. Suivez-nous également sur X et LinkedIn !


Le Briefing 

Un président en bras de chemise, des gardes du corps en sueur : c’était l’ouverture du salon de l’agriculture la semaine dernière. Emmanuel Macron venait présenter une nouvelle série de mesures, dans un flou faussement spontané. Les principales devraient être jointes au projet de loi d’orientation agricole, annoncé mais toujours pas présenté officiellement. 

© Compte officiel de Gabriel Attal© Compte officiel de Gabriel Attal

LE TAUREAU PAR LES CORNES Pour autant, l’avant-projet de loi circule sous le manteau depuis une petite semaine, et nous avons pu préparer pour nos fidèles lecteurs un florilège de ce qui attend les députés, qui devraient en être saisis à la fin mars, après un passage en conseil des ministres vers le mercredi 20. 

Le gouvernement prévoit d’assouplir le droit existant sur plusieurs points : 

DÉPÉNALISER Les articles L.411-1 et suivants du code de l’environnement interdisent, sauf exceptions, les atteintes causées par l’activité humaine aux sites protégés. L’article L.415-3 du même code prévoit des peines d’emprisonnement et d’amendes, selon les cas de figure. L’article L.173-1 punit également les exploitants, notamment agricoles, qui n’ont pas les autorisations requises pour leur activité. 

Or, le projet de loi prévoit de remplacer certaines de ces peines, si ce n’est toutes, par un régime de répression administrative, qui ne nécessiteront donc plus de passage devant un juge. Les agents de l’Office français de la biodiversité pourront donc appliquer certaines amendes directement, mais surtout imposer des “obligations de restauration écologique”, plutôt que de déférer les agriculteurs devant le juge pénal. 

BASSINGA ! • Les “mégabassines” qui avaient capté toutes les ressources en attention des français l’été dernier ont pour elle un article entier, taillé sur mesure pour faciliter leur réalisation. Plus précisément, il s’agit de modifier les règles de procédure du contentieux administratif concernant les autorisations nécessaires à ces projets. 

Premièrement, le juge pourra régulariser directement certaines irrégularités en cours d’instance, plutôt que d’annuler tout le projet.

Deuxièmement, les demandes en référé de suspension des projets seront soumises à de nouvelles contraintes de délais, et l’urgence à statuer y sera présumée, afin de forcer le juge à se prononcer au plus vite sur le fond du dossier

Troisièmement, les autorisations seront prolongées le temps que tous les recours soient épuisés. 

PATOUS À LA FOIS • Entre autres mesures annexes, le gouvernement désire également simplifier les contraintes réglementaires en matière d’élevage de chiens de troupeau, facilitant la vie des agriculteurs pastoralistes, qui seront notamment moins inquiétés pénalement en cas de blessures infligées par leurs fidèles compagnons. 

Notez aussi l’allègement des contraintes sur les haies, sur les accords interprofessionnels, sur la gestion des surplus de laine produite par les ovins… Comme dans le Hall 1 du salon, il y en a pour tous les goûts. 

BLÉ AU PLANCHER Absent du projet de loi bientôt présenté à l’Assemblée nationale, le Président reprenait à son compte, sous les yeux inquiets de Marc Fesneau et le regard bovin d’Oreillette, l’égérie du salon, l’idée de fixer des “prix planchers” aux matières premières agricoles, pour augmenter le revenu des exploitants. 

Cette mesure, encore écartée par la majorité cet automne lorsque Manuel Bompard avait présenté une proposition de loi en ce sens, n’a pas été dévoilée dans son détail. 

Les filières elles-mêmes restent perplexes ; une chose est sûre, ce dispositif s’appuiera sur les indicateurs de coûts de production déjà prévus par les lois Egalim (nous vous en parlions ici), pourtant encore très inégalement appliqués. 

Quoi qu’il en soit, difficile d’anticiper les qualités d’une telle mesure : selon les marges pratiquées par les industriels dans chaque filière, qui sont très hétérogènes, ces planchers pourraient soit réduire drastiquement la demande, soit au contraire profiter aux agriculteurs comme aux consommateurs en réduisant le profit des transformateurs et des distributeurs. A suivre !

Malgré ces annonces, et celles sur les pesticides déjà décriées par les ONG et les scientifiques, pas d’accalmie définitive du côté des syndicats agricoles : pour Arnaud Rousseau, interrogé sur BFMTV, “les braises sont brûlantes”. Espérons qu’elles restent loin des bottes de paille. 


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Mais aussi

L'IVG GARANTI Hier, lundi 4 mars, les parlementaires réunis en Congrès ont adopté le projet de loi constitutionnelle du gouvernement visant à garantir la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. 

La loi constitutionnelle comporte un article unique qui modifie l’article 34 de la Constitution en y insérant, après le dix-septième alinéa, un alinéa ainsi rédigé : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». La cérémonie de scellement de la loi constitutionnelle par le Garde des sceaux aura lieu le 8 mars, journée des droits de la femme. 

Cette 25ème révision de la Constitution de la Vème République, qui a battu le record de longévité d’un texte constitutionnel national le 19 février dernier, est la première depuis celle du 23 juillet 2008. 

Ce ne sont pas les projets qui ont manqué, pourtant, entre la déchéance de nationalité en 2015 et les deux projets suspendus du premier quinquennat d’Emmanuel Macron (réduction du nombre de parlementaires, proportionnelle dans l’élection des députés, inscription de l’environnement à l’article 1er).  

La révision du 8 mars 2024 tire son origine de la décision Dobbs vs. Jackson Women’s Health Organization de la Cour suprême américaine de 2022 qui considérait que la constitution américaine n'interdisait pas à un État de restreindre l’accès à l’IVG, renversant en cela Roe vs. Wade (1973). 

Proposée initialement par le groupe LFI, elle a été reprise par le Président de la République et annoncée à l’occasion d’un hommage à Gisèle Halimi le 8 mars 2023. Aux termes de l’article 89 de la Constitution, il était possible pour les parlementaires de se passer du consentement présidentiel. Cependant, une proposition de révision constitutionnelle d’origine parlementaire devait obligatoirement être approuvée par référendum, allongeant et complexifiant plus encore le processus. 

DISSUASION ET PERSUASION Le 25 février, face à 25 chefs d'État ou de gouvernement réunis à Paris pour une conférence de soutien à l'Ukraine, Emmanuel Macron a surpris avec des propos sibyllins sur l’envoi de troupes au sol en Ukraine. Au vu de l’importance du sujet, voici la citation complète :

Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre.”

Le président a aussi ajouté que le sujet avait “été évoqué (lors de la conférence) parmi les options.” Côté français on évoque une “ambiguïté stratégique”: exclure cette option aurait pour conséquence d’encourager Vladimir Poutine, notamment avec un Congrès Américain paralysé.

L’envoi de troupes en Ukraine est cependant un tabou que même les “faucons” Polonais n’avaient pas souhaité lever. De fait, la grande majorité des dirigeants présents ont nié que le sujet avait été abordé lors de la conférence. Le chancelier Olaf Scholz a notamment expliqué que les dirigeants s'étaient mis d’accord pour qu’il n’y ait “aucun soldat sur le sol Ukrainien.” 

Mais le Chancelier a dévoilé, apparemment par mégarde, que des troupes britanniques et françaises seraient en Ukraine pour aider les Ukrainiens à manier certains missiles longue-distance, créant un tollé en Allemagne, en France et au Royaume-Uni.

Néanmoins ce désaccord avec l’Allemagne permet à Emmanuel Macron de se montrer “faucon” sur l’Ukraine, alors que la France a souvent été accusée à l’international de compter parmi les “colombes” (sujet que nous avions traité ici). 

Les remarques du président de la République s’inscrivent aussi dans un contexte politique domestique particulier : l'exécutif a signé le 16 février un accord bilatéral de sécurité avec l’Ukraine. 

Le 27 février, un communiqué de l'Elysée annonçait que le gouvernement ferait une déclaration au parlement au titre de l’accord 50-1 de la Constitution. Déclaration dont la date reste à déterminer, mais qui donnera lieu à un débat, suivi d’un vote.

Si ce vote n’engage pas le gouvernement, son effet d’annonce implique un débat tendu. Un échec lors du vote brouillerait davantage la crédibilité du message du Président après les désaccords au niveau Européen. 

Mais il permettrait pour Renaissance de mettre les oppositions dans une position délicate en polarisant la campagne sur la question ukrainienne, alors que l’opinion publique adopte une position médiane : si 52% des Français selon un sondage Ipsos, souhaitent poursuivre l’aide militaire, pour 28% contre, 68%, selon Odoxa, s’opposent à la prise de position du président de La République sur l’envoi potentiel de troupes au sol.

MERCATO EUROPÉEN • Les principales têtes de listes pour les élections au parlement européen du 9 juin prochain sont, sauf surprise, annoncées.

Nouvelles figures pour la campagne européenne de 2019, Manon Aubry (La France Insoumise), Raphaël Glucksmann (Parti Socialiste/Place Publique) et François-Xavier Bellamy (Les Républicains) restent têtes de liste.

Avec des sondages qui les placent à quelques points de la barre des 5% - le score minimum pour envoyer des eurodéputés à Bruxelles - ils auront une épée de Damoclès au-dessus de leur campagne. 

Du côté du Rassemblement National le suspense était moins du côté de la tête de liste - Jordan Bardella a aussi été reconduit sans surprise - que du côté des recrues. L'arrivée de Fabrice Leggeri en 3ème place sur la liste du RN doit donner un gage de sérieux au parti, au grand dam des Républicains, qui ont longtemps espéré pouvoir compter sur l’ancien président de l’agence de garde-frontières de l’UE Frontex, qui les a ignorés faute de se voir offrir une place éligible.

A la suite du mouvement des agriculteurs, les listes font aussi part belle à des profils issus du monde agricole. Côte Renaissance, on a choisi l'eurodéputée Valérie Hayer, patronne du Groupe Renew Europe à Bruxelles mais aussi fille d’agriculteurs. En numéro deux, Les Républicains ont fait le choix de Céline Imart, agricultrice et porte-parole de l’interprofession Intercéréales. 

Parmi les autres têtes de liste, citons Marion Maréchal pour Reconquête, Marie Toussaint pour Les Ecologistes, Léon Deffontaines pour le Parti Communiste Français et Nicolas Dupont-Aignan pour Debout la France.

Pour voir les listes au complet il faudra attendre entre le 6 et 17 mai, la fenêtre officielle pour le dépôts de listes. La campagne officielle débutera le 27 mai.

Pour rappel le Rassemblement National, déjà le vainqueur surprise du précédent scrutin en 2019, part largement favori. Le dernier sondage disponible donne à la liste de Jordan Bardella 30% des suffrages, 12 points devant la liste Renaissance/Ensemble.


Notre lecture de la semaine

  • Non sans lien avec l'actualité, cette semaine une lecture d’outre-tombe de Raymond Aron qui rappelle les principes de la dissuasion et de la stratégie dans une conférence de 1974

  • Toujours dans les archives, le discours prononcé par Simone Veil à la tribune de l’assemblée le 26 novembre 1974, avant le vote du projet de loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse. 


Cette édition a été préparée par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !


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