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Hexagone propose un résumé hebdomadaire concis, bien documenté et informatif de ce qui fait l'actualité en France.

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Par Hexagone
20 févr. · 5 mn à lire
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EDF à plein régime

EDF à plein régime • Mais aussi — UKRAINE, DSA, ARCOM


Bonjour. Nous sommes le 20 février 2024 et voici votre condensé d’actualité utile sur la France. Suivez-nous également sur X et LinkedIn !


Le Briefing

Après des dernières années difficiles, Electricité de France publie de bons résultats économiques. Nos rédacteurs vous expliquent les raisons de ce retournement mais aussi les défis auxquels l’entreprise publique fait face, et notamment à l'international.

@ AFP@ AFP

ÉNERGIE À REVENDRE • Après des pertes record en 2022, imputables aux mauvaises performances du parc nucléaire et au bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement, EDF a renoué avec les bénéfices en 2023. L’énergéticien affiche un résultat net de 10 milliards, malgré une dépréciation d’actifs liée aux difficultés de son chantier d’Hinkley Point au Royaume-Uni.

Sans cela, le résultat aurait pu être supérieur de 6,9 milliards d’euros. EDF peut ainsi réduire son endettement de 65 à 54,4 milliards et faire la moitié du chemin inverse par rapport à 2021, quand son endettement n’était “que” de 43 milliards d’euros. 

L’électricien a pu profiter pleinement, sur l’exercice, des prix du marché européen de l’énergie, ainsi que d’une production du parc nucléaire et hydraulique élevée (320 TWh contre 279 TWh en 2022 pour le nucléaire et 39 TWh pour l’hydraulique, en hausse de 19,4%). 

ARENH : DU BOUCAN DANS LES WATTHEURES • L’avenir de la première entreprise publique française en termes de chiffre d’affaires devrait continuer à s'éclaircir : la fin de l’ARENH, programmée pour 2025, devrait lui permettre de restaurer durablement ses marges. Le mécanisme mis en place en 2010 par la loi NOME forçait l'électricien à vendre 100 TWh d’énergie nucléaire produite à 40, puis 42 euros le MWh à des fournisseurs. 

Le nouveau système fonctionnera sur la base d’un prix pivot de 70 euros par MWh : EDF signera des contrats de long-terme avec les fournisseurs ; lorsque les prix de marché dépasseront 78 euros/MWh, EDF reversera 50% de ses marges supplémentaires au consommateur, et 90% si les prix dépassent 110 euros/MWh. 

BARRAGES A LA COMMISSION • Parmi quelques écueils demeurant à l’horizon : l’application du droit européen au parc hydroélectrique. Celui-ci impose en théorie au concessionnaire de barrages de mettre en concurrence leurs concessions en cas de nouveaux travaux, comme l’Institut Montaigne le décrit dans son dossier Énergie : des atouts à valoriser

Or, les concessionnaires ne souhaitent pas engager des chantiers d’envergure sans avoir l’assurance de conserver leurs contrats de concession dans la durée. L’Etat devra éclaircir ce point avec la Commission européenne pour permettre la réalisation des travaux de modernisation du parc, indispensables à l’atteinte des objectifs climatiques français.

HINKLEY: PARIS FAIT LA MANCHE • Comme nous l’indiquions plus haut, l’autre point noir est donc le projet de Hinkley Point. Le coût du projet du réacteur nucléaire, estimé à 18 milliards de livres sterling en 2016, est désormais de 47,9 milliards selon EDF.

En tant que détenteur de 68% des actions de Hinkley, EDF se retrouve bien seul pour payer la facture, d’autant plus que les 32% restants sont détenus par le Chinois CGN qui refuse d’investir après que le gouvernement britannique a pris des mesures pour limiter l’influence Chinoise dans ce secteur stratégique. Bruno Le Maire appelle donc les Britanniques à prendre leur part, via des prêts garantis par l’Etat par exemple. 

Les Britanniques rappellent qu’Hinkley n’est pas un projet gouvernemental et que c’est donc aux actionnaires de prendre leur part. Un petit Poker-menteur alors même qu’Hinkley et le projet de Sizewell (dont EDF est aussi actionnaire) sont au centre du projet énergétique britannique. Hinkley à lui seul doit fournir 7% de la production électrique britannique.

CARNET TCHEQUE • Autre front à l'international : le rachat des turbines Arabelle à General Electric. Cédées de façon controversée à GE par Alstom en 2014 sous pression du Department of Justice américain, les turbines sont un objet de convoitise côté français depuis de nombreux mois.

A l’heure du réarmement industriel et nucléaire, elles sont une composante fondamentale des centrales nucléaires : la vapeur produite par les réacteurs actionne les turbines, qui à leur tour entraînent l'alternateur, générant ainsi de l'électricité. EDF et GE avaient topé pour un rachat à 1,1 milliard d’euros.

Mais alors que l’arrivée de GE Steam Power (et des turbines) dans le giron EDF était prévue en décembre 2023, l’Office of Foreign Assets Control du département du trésor américain ralentit désormais la transaction selon le Figaro. En effet, face à la relance des programmes nucléaires à l'international, la concurrence est rude, et EDF taille parfois des croupières aux américains.  

Début février EDF avait par exemple devancé l'américain Westinghouse en Tchéquie. EDF et le sud-coréen KNHP sont seuls en lice dans l’appel d'offre pour la construction de quatres réacteurs nucléaires de type EPR, les tchèques jugeant notamment l’offre de Westinghouse insuffisante sur le contrôle de qualité. 


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Mais aussi

PACTE UKRAINIEN Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son homologue français Emmanuel Macron ont signé le 16 février un “accord de sécurité” engageant les deux pays sur les dix prochaines années. Le matin même, Volodymyr Zelensky signait un accord similaire avec l’Allemagne.

Cet accord franco-ukrainien - dans les tuyaux depuis longtemps comme nous l'écrivions ici - prévoit trois milliard d’euros d’aide militaire supplémentaire en 2024, avec notamment du matériel moderne et interopérable avec celui de l’Otan. Aucune indication n’a été donnée sur le financement de cet accord.

L’accord renforcerait aussi la coopération contre les cyberattaques. Emmanuel Macron a promis en conférence de presse une visite en Ukraine “avant la mi-mars”.

Cependant, et au grand dam des Ukrainiens, toujours pas d’avions de chasse, Paris considérant que les Ukrainiens n’ont pas les capacités de gérer des Mirages 2000 D en plus des F-16 déjà promis par plusieurs pays européens.

On espère néanmoins côté français que cet accord tournera définitivement la page difficile des premiers mois de la guerre certaines remarques présidentielles - notamment sur le besoin de ne pas “humilier la Russie” - avaient terni la crédibilité hexagonale. 

La France est encore régulièrement accusée de ne pas prendre sa part dans le soutien à l'Ukraine, notamment à partir des données de l’Institut Kiel qui chiffre la contribution française depuis le début de la guerre à 600 millions d’euros, loin derrière l’Allemagne avec 17,7 milliards.

Une méthodologie contestée dans l’hexagone, beaucoup de transferts d'équipement seraient secrets défense. L’Institut Kiel ne comprend pas non plus l'aide dans le cadre de l’UE. La France peut aussi se targuer de former plus d’un quart des 30 000 soldats Ukrainiens en formation dans l’UE.

Plus perfidement, certaines sources nous racontent que l'équipement français serait le plus souvent opérationnel immédiatement, ce qui ne serait pas toujours le cas ailleurs et notamment outre-Rhin où l’on gonflerait les chiffres en envoyant du matériel dépassé.

Une accusation de gonflette qui peut parfois se retourner: un rapport des députés Lionel Royer-Perreaut et Christophe Naegelen du 8 novembre dernier estimait plutôt le soutien tricolore à 3,2 milliards… mais en comptant le coût de remplacement du matériel plutôt que la valeur de l'équipement envoyé.

DSA, DU RÉPIT POUR LES PLATEFORMES

Le DSA (“Digital Services Act”, Règlement sur les services numériques ou RSN, en bon français) devait entrer en vigueur le 17 février. Sa portée reste néanmoins ambiguë et entravée pour le e-commerce, sur fond de contentieux entre le gouvernement et la Commission. 

Ambiguïté : les plateformes de e-commerce se plaignent du caractère subjectif de plusieurs dispositions du texte qui ciblent notamment les dark patterns, c’est-à-dire les techniques en ligne permettant d’inciter les consommateurs à passer à l’acte. 

Entrave : trois régulateurs, la DGCCRF, la CNIL et l’ARCOM, doivent se partager le gâteau de la supervision des plateformes numériques en France. Leurs pouvoirs de sanction sont pour l’instant en suspens, dans l’attente de l’adoption de la loi SREN dont les dispositions sont contestées par la Commission européenne, qui a envoyé un deuxième avis circonstancié le 17 janvier. 

L’exécutif européen reproche au législateur français d’empiéter sur ses plates-bandes et de créer de nouvelles obligations à l’égard des “fournisseurs des services de la société de l’information” en contradiction avec le principe du pays d’origine. 

Qu’à cela ne tienne : les régulateurs rappellent que la première année d’application du DSA sera marquée, comme aux débuts du RGPD, par une phase d’accompagnement visant à faire changer les pratiques des entreprises.

ARCOM TOUT LE MONDE On a tant crié sur les plateaux qu’on croirait suspicieuse la décision rendue par le Conseil d’Etat à propos des méthodes d’examen par l’Arcom de l’indépendance et du pluralisme de l’information. Pourtant elle mérite qu’on y jette un œil attentif, car elle remue assez profondément les conditions d’expression sur les chaînes TV et radio françaises. 

En 1986, sous la première cohabitation, est promulguée une loi créant une autorité de l’audiovisuel, (aujourd’hui l’Arcom), chargée (Art. 13) d’assurer “le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale.” 

Pour ce faire, elle conclut avec les chaînes radio et TV des conventions (Art. 28 et 33-1) qui précisent leurs obligations. En cas de manquement à ces conventions, qui sont publiques, chacun, y compris certaines associations, peut signaler des manquements à l’Arcom, qui peut sanctionner. 

Seulement, la loi est peu diserte sur les critères sur lesquels l’Arcom doit se fonder pour évaluer l’indépendance et le pluralisme des opinions exprimées. C’est donc le rôle de l’Arcom de préciser ses critères, cas d’espèce par cas d’espèce, mais toujours sous le contrôle du Conseil d’Etat. 

A l’occasion d’une affaire concernant la chaîne CNews, mais qui ne prend aucune décision concernant spécifiquement cette chaîne, le Conseil d’Etat apporte un point d’éclaircissement importants. 

L’une des premières obligations des chaînes est d’assurer le pluralisme des opinions exprimées : l’un des premiers critères retenus est celui des temps de parole des intervenants. 

Or, et c’est la grande nouveauté de cette décision, le Conseil d’Etat juge que l’Arcom ne peut plus se borner à contrôler le temps de parole des seules “personnalités politiques” : autrement dit, tout intervenant dont la parole porte une opinion doit peser dans la balance. 

Il s’agit là d’une interprétation extensive des textes, puisque la loi de 1986 prévoit précisément que les temps d’intervention des personnalités politiques sont prises en compte, et insiste sur le poids de l’appartenance partisane de celles-ci. Cela contredit surtout la position de l’Arcom, qui considérait que le non-respect de la diversité d’opinions par l’ensemble des intervenants ne pouvait entraîner une sanction. 

C’est bien là la brèche dans laquelle s’étaient engouffrées certaines chaînes (CNews n’étant pas la seule) : tout en donnant le change à l’Arcom en diffusant à part égale des discours de personnalités partisanes identifiées, elles ont recours à des invités réguliers, connus pour leurs opinions politiques, mais non prises en compte par les chronomètres de l’arbitre. 

Pour ces chaînes mais pour tout le parc audiovisuel, au-delà de la question des critères concrets - et probablement alambiqués - que l’Arcom devra désormais mettre en œuvre, se pose la question de l’adaptation du modèle à des médias d’information moins linéaires. 

Selon les conditions de la loi de 1986, sont également concernées certaines chaînes YouTube, vidéos à la demande ou émissions en podcasts… l’Arcom donnera-t-il le même poids à tous les intervenants de tous les formats sur toutes plateformes ? Les décomptes seront-ils encore, comme aujourd’hui, déclaratifs ? Premiers éléments de réponse dès les prochaines décisions de l’Autorité.


Notre lecture de la semaine

  • Le député Armand, déjà auteur d’un rapport important sur la question énergétique, revient sur le sujet dans un livre, “Le mur énergétique français”, où il dénonce les erreurs politiques qui ont été commises pendant 30 ans.


Cette édition a été préparée par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !


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