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Le week-end était long et vous n’avez pas suivi toute l’actualité de la semaine ? Pas de panique, Hexagone est là. Joyeux mardi, nous sommes le 12 novembre, et voilà votre récap hebdomadaire, en un briefing et trois articles.
L’élection du « Tariff Man » Donald Trump devrait avoir de lourdes conséquences sur le commerce international. Pour y voir plus clair, Hexagone vous conseille le dernier numéro de Blocs, la première newsletter originale francophone dédiée au commerce international. Chaque mercredi, Blocs vous propose, sur un format similaire au nôtre, un condensé de l’actualité de cette thématique trop peu traitée dans les médias, et pourtant fondamentale pour l’économie mondialisée. Nous vous recommandons chaudement de vous y abonner.
Le Briefing
En 2024, le déficit des administrations publiques devait revenir à 4,4% du PIB. Ce sera finalement autour de 6,1%, à la suite d’une “dégradation d’une ampleur exceptionnelle hors période de crise” dixit le Haut conseil des finances publiques (HCFP). La semaine dernière, Bruno le Maire et Gabriel Attal ont été auditionnés au Sénat pour présenter leurs explications.
Audition de Bruno le Maire par la commission des finances du Sénat le 7 novembre 2024
LA CRISE NE FAIT PAS RECETTE • La commission des finances du Sénat a en effet décidé, à la suite de la correction le 20 mars dernier du chiffre du déficit 2023 de 4,9% à 5,6 %, et au contrôle sur pièces et sur place réalisé par son rapporteur général, Jean-François Husson, de créer une mission d’information sur la dégradation des finances publiques. L’ancien ministre de l’économie et des finances et l’ancien Premier ministre ont été auditionnés dans ce cadre.
La dégradation des comptes provient, pour ces derniers, essentiellement de moindres recettes et non d’une dérive des dépenses. L’élasticité des recettes à la croissance du PIB a été bien inférieure en 2023 et 2024 qu’elle ne l’avait été post-Covid (0,4 et 0,6 contre 1,2 et 1,5 en 2021 et 2022). En d’autres termes, pour 1 point de PIB de croissance en 2021, les recettes augmentaient de 1,5 point, alors que pour la même croissance en 2023, elles n’augmentaient que de 0,4 point.
De ce fait, en 2023, il manquait 21 milliards de recettes de prélèvement par rapport aux prévisions et en 2024 24 milliards. Face aux théories d’arbitrage politique en faveur d’hypothèses optimistes, l’ancien ministre de l’économie a avancé qu’il y avait une étanchéité totale entre les services administratifs de prévisions des recettes (DG Trésor, direction générale des douanes et direction de la sécurité sociale) et le cabinet du ministre.
En revanche, la prévision de croissance de 1,4% pour 2024, décrite comme optimiste par le HCFP à l’automne 2023 était quant à elle le fait du cabinet du ministre de l’économie. Cette prévision a contribué à une prédiction surévaluée des recettes publiques. Bruno le Maire l’a commentée en convenant qu’elle était trop optimiste mais en ajoutant également que l’on ne pouvait pas “reprocher au ministre un peu de volontarisme”.
Une mission de l’IGF, diligentée pendant l’été pour faire la lumière sur les erreurs de prévision, a conclu qu’un cinquième de l’erreur de prévision aurait pu être évitée tandis que les quatre cinquième restant était dû à une conjoncture difficilement modélisable. Le président du HCFP, Pierre Moscovici a, de son côté, recommandé de soustraire ce travail de prévision à l’administration et le confier à une institution indépendante.
Présentée de manière concomitante au projet de loi de finance 2025, le projet de loi de fin de gestion prévoit 5,6 milliards d’euros d’annulation de crédits supplémentaires, qui s’ajoutent aux 10 milliards annulés par décret au cours de l’année.
Dans son article du numéro d’automne de Commentaires, Les trois singes et les finances publiques, Jean-Pascal Beauffret attribue l’essentiel des 839 milliards d’euros de la dette publique supplémentaire entre 2017 et 2023
aux dépenses de crise (222 milliards)
aux allègements fiscaux non financés, qui auraient bénéficié majoritairement aux ménages et non aux entreprises (195 milliards)
au déficit réel du système des retraites, estimé par Beauffret à plus de 60 milliards d’euros par an compte tenu des dotations et affectations massive par l’Etat et les autres administrations de sécurité sociale pour afficher facialement un quasi équilibre factice (438 milliards)
Mais aussi
IMPEC CÂBLE • Antoine Armand a annoncé, depuis l’usine Calaisienne d’Alcatel Submarine Networks (ASN), la nationalisation de cette entreprise stratégique de conception, installation et entretien de câbles sous-marins. L’Agence des participations de l’Etat acquiert 80% du capital au finlandais Nokia, avec une option sur le reliquat des parts.
Cet investissement s’inscrit dans l’effort français au service de sa stratégie interministérielle de maîtrise des fonds marins (stratégie MFM) rendue publique en février 2022 (lire le rapport de l’Assemblée de février 2023).
ASN a doublé son chiffre d’affaires en quatre ans, passant de 534 millions d’euros en 2018 à 1,1 milliard en 2022 ; le ministre annonce tabler sur une poursuite de ce rythme, dans un marché en croissance de 10% par an, porté par les besoins mondiaux toujours accrus en débit internet.
Il pourrait donc s’agir d’un investissement rentable pour l’APE ; c’est surtout une façon pour le ministre d’annoncer une nouvelle doctrine d’investissement de l’agence, qu’il voit bien participer à un renouveau de l’Etat-stratège, quand certains, comme Gérald Darmanin, plaidaient encore début octobre dans l’Express pour la vente des participations de l’Etat pour alléger (temporairement) les finances publiques.
Récemment, l’APE a d’ailleurs pris des initiatives importantes, telles que l’investissement de 80 millions d’euros dans Arquus et une offre de 700 millions d’euros pour reprendre les activités stratégiques d’Atos, notamment dans les supercalculateurs et la cybersécurité.
Cette opération marque en tout cas un retour en grâce de l’APE, après deux rapports successifs de la Cour des comptes, qui critiquait en 2017 la confusion d’attributions entre l'APE et Bpifrance, mais louait en juillet 2024 une agence “organisée de façon efficiente et aux moyens maîtrisés”.
AMENDEMENTS HONORABLES • Fait inédit en France, le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 n’a pas pu être adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, faute de temps, le délai constitutionnel de 20 jours ayant expiré le 5 novembre à minuit.
Pour ne pas réduire le temps laissé au Sénat pour son examen, la séance n’a pas été prolongée, à la demande de la ministre chargée des Relations avec le Parlement, Nathalie Delattre. Le texte a donc été transmis directement au Sénat sans avoir été soumis à un vote à l’Assemblée, ni avoir fait l’objet d’un recours à l’article 49 al. 3 de la Constitution.
Pour autant, le texte dont le Sénat s’est saisi samedi comporte plusieurs amendements qui avaient été adoptés en commission à l’Assemblée :
Facilitation du cumul emploi-retraite pour les médecins (amendement du Gouvernement)
Passage de 16 à 3 tranches d’imposition pour les boissons sucrées, pour désinciter la consommation des boissons de la tranche la plus basse (amendement PS)
Généralisation de campagnes de prévention en milieu scolaire (LD et Gouvernement)
Remboursement des tests de soumission chimique (LD)
Les débats à l’Assemblée ont été marqués par des accusations d'obstruction, en particulier de la part des députés d’opposition, qui ont dénoncé des tentatives de ralentir les discussions afin d’empêcher l’examen de l’article 23 sur la revalorisation des retraites.
ORDRES CONTRADICTOIRES • Le Professeur Christophe Jamin, lui-même avocat, a rendu fin octobre un rapport commandé par le Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Paris. Celui-ci lui avait demandé d’analyser la gouvernance du Conseil national des barreaux (CNB), organe représentatif national de la profession.
Le rapport propose une révision en profondeur de la gouvernance du CNB et dresse une critique nette de sa gouvernance, qui a dérivé selon l’auteur, depuis sa création en 1990, vers une position de “passager clandestin qui tire bénéfice de l’organe qu’il investit sans en supporter la charge corrélative”. Les moyens en question s’élevant à 32 millions d’euros pour 2024, en hausse de 33% en cinq ans, la question se pose, selon l’auteur, des missions du CNB.
Selon le rapport, les orientations du CNB, initialement organe politique plaidant pour la création d’une grande profession du droit, se sont regroupées aujourd’hui autour de la prestation de services, logistiques et numériques, aux avocats, et la promotion de l’accès au droit par des actions de communication politique. Notamment, la voix du CNB avait porté pour défendre les intérêts de la profession lors de la réforme des retraites, en 2019.
Le rapport le déplore, en évoquant “une multitude d’interventions en tous genres et de réformes de facture pointilliste”.
Il propose alors non seulement de définir une réelle “stratégie globale de la profession”, mais aussi de procéder à des ajustements dans la gouvernance, sans favoriser l’option de la suppression pure et simple du CNB :
augmentation du poids du barreau de Paris par le jeu des règles d’élection ;
suppression des avocats honoraires de la liste des électeurs ;
limitation des mandats ;
limitation du nombre de commissions.
Nos lectures de la semaine
Le Rapport annuel du CESE sur l’état de la France : “sortir de la crise démocratique”. Le sondage qui l’inaugure donne le ton : 45 % des Français estiment que leur pouvoir d'achat permet seulement de répondre à leurs besoins essentiels, voire ne le permet pas ; 23 % de personnes interrogées estiment que la démocratie n'est pas le meilleur système politique existant. A lire : les 8 fiches thématiques sur différents pans des politiques publiques (environnement, éducation, démocratie à l’école, travail, logement…) ainsi que sur des questions transversales telles que la dette publique ou le pouvoir d’achat.
Hexagone est préparé et rédigé par Étienne Rabotin, Nicolas de Renghien et Noé Viland. À la semaine prochaine !
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