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Par Hexagone
26 mars · 5 mn à lire
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Contrôle surprise à Bercy

Contrôle surprise à Bercy • Mais aussi — Atos en berne, Pollutions en baisse, CETA…


Bonjour. Nous sommes le 19 mars 2024 et comme tous les mardis, voici un condensé de l’actualité utile en France. Suivez-nous également sur X et LinkedIn !


Le Briefing

“Ca contribue peu et ça commente beaucoup”, tançait le Président la semaine dernière, entre deux plateaux de fruits de mer, face à quelques fidèles réunis pour tenter de remédier à une situation budgétaire qu’il juge intenable ; ce jeudi 28 mars, c’est Bruno Le Maire qui réunira les principaux groupes politiques dans ce qui ressemble de plus en plus à une gestion de crise aigüe. L’étincelle est venue de la droite.

Le Perchoir de l'Assemblée Nationale © Assemblée NationaleLe Perchoir de l'Assemblée Nationale © Assemblée Nationale

LE CONTRÔLEUR CONTRÔLÉ Exerçant son droit de contrôle sur pièces et sur place (article 57 de la LOLF), le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson (LR), s’est rendu à Bercy jeudi 21 mars pour obtenir communication des prévisions de déficit public établies par l’administration. 

Lui a été confirmée la prévision de 5,6% de déficit pour 2023 contre 4,9% prévu par la loi de finance de fin de gestion votée en 2023. Bercy table par ailleurs, si rien n’est fait d’ici là, sur 5,7% de déficit en 2024 et 5,9% en 2025, soit un écart total de 65 milliards d’euros par rapport aux déficits prévus (4,4% et 3,7% respectivement) par la loi de programmation des finances publiques. 

Cette dégradation est largement due à des recettes fiscales nettement inférieures à la prévision, du fait d’une croissance économique ralentie : -4,4 milliards pour l’impôt sur les sociétés, -1,4 milliard pour la TVA et -1,4 milliard pour l’impôt sur le revenu notamment. 

Dans ce contexte de tensions budgétaires, les annonces des bons chiffres de la lutte contre la fraude tombent à point nommé. Le montant de fraude fiscale recouvrés, 15,2 milliards, est de 600 millions d’euros supérieurs à 2022. 

Ces chiffres arrivent qui plus est sur fond de réorganisation administrative, un nouvel “office national anti-fraude” (ONAF) ayant été créé par décret le 18 mars dernier pour remplacer le service des enquêtes juridiques financières (SEJF) avec, à la clé, des moyens humains renforcés. 

Côté protection sociale, 450 millions de fraude aux prestations sociales ont été redressées, 400 millions de fraudes aux allocations familiales, 200 millions de fraudes aux retraites et 1,2 milliards aux cotisations sociales.  

JE DÉPENSE, DONC J’ESSUIE Les bons résultats de la lutte contre la fraude ne suffiront pas au gouvernement pour redresser la barre. D’autres options devront être envisagées dans un contexte où les taux d’intérêts à 10 ans se situent autour de 3%, soit proche de la croissance du PIB en valeur (avec pour 2024 une croissance prévue à 0,9% et une inflation à 2,5% par la banque de France). 

Dans les années 2010, le différentiel entre les taux d’emprunt - parfois descendus en territoire négatif - et la croissance en valeur avaient permis de contenir l’endettement public rapporté au PIB, ce qui pourrait ne plus être le cas dans le nouveau contexte macroéconomique. 

Un effet boule de neige de l'endettement (expliqué en détail ici par l’excellent François Ecalle, à qui le Monde a consacré un portrait la semaine dernière) pourrait se déclencher, forçant à un ajustement brutal des comptes publics.

COMPARAISON SANS CONSOLATION • Si le gouvernement avance que la conjoncture actuelle pèse sur les finances publiques avec la guerre en Ukraine ou le ralentissement économique de certains partenaires européens, nos voisins européens ont globalement mieux su maîtriser leurs déficits publics.

La France fait donc partie du peloton de queue avec l’Italie (7,2%), la Slovaquie (7%), la Bulgarie (6,6%) et la Hongrie (5,7%). Le tout avec une dette publique rapportée au PIB de 111,9%, qui classe la France à la 25ème place.

Sur base des résultats de 2023, la France devrait tomber en procédure pour déficit excessif - et au moins jusqu’en 2026 vu que le retour sous la barre des 3% est prévu pour 2027 - avec potentiellement des sanctions financières.

SUPER PROFITS, SUPER ENNUIS • La chasse aux bonnes économies est donc ouverte, d’autant plus que la Cour des Comptes calcule dans un rapport que pour respecter ses trajectoires de dépenses, le gouvernement devra engager 50 milliards d'économies entre 2025 et 2027. 

Les propositions fusent dans le monde politique. Et parfois même au sein de la majorité. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a réclamé le 22 mars une réflexion sur les “superdividendes, superprofits, et rachats d'actions massifs par les entreprises.” 

Une idée que défend aussi le Modem, avec son chef de file à l'Assemblée Nationale Jean-Paul Mattei qui propose aussi d'augmenter le taux du prélèvement forfaitaire sur les revenus du patrimoine.

En même pas cinq heures, Bruno le Maire a rejeté la proposition de Yaël Braun-Pivet, ne souhaitant pas augmenter les impôts à l'exception de la taxation de la “rente” des producteurs d'électricité.

Le gouvernement devrait reprendre l’initiative dans la prochaine semaine en dévoilant une stratégie d’ensemble. Début mars Bruno le Maire mentionnait dix “revues de dépenses” qui comprendrait entre autres un durcissement de l'indemnisation des chômeurs ou une évaluation de l'efficacité des aides aux entreprises.


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Mais aussi

AIRBUS LÂCHE ATOS Nous l’écrivions le 23 janvier dernier : Atos cherchait de l’air du côté d’Airbus, avec la potentielle reprise par l’avionneur de sa division Big Data Service, avec à la clé un chèque de 1,5 à 1,8 milliards d’euros. De quoi gérer plus sereinement ses 5 milliards de dettes inscrites à son bilan. 

Las, Airbus a confirmé par communiqué le 19 mars dernier renoncer à l’acquisition de cette branche, sans davantage d’explications. Atos a reporté une nouvelle fois la publication de ses résultats (déjà repoussé du 29 février au 20 mars). Son cours de bourse a décroché de 20 points dans la journée du mardi, à la suite de cette annonce. Peu rassurant pour le partenaire exclusif des Jeux Olympique sur le volet informatique.

SERRER LES GES L’organisme mandaté pour tenir les comptes des émissions de gaz à effet de serre et de leur évolution, le Citepa, a publié la semaine dernière ses premières estimations provisoires pour 2023. Si vous avez certainement entendu le chiffre-totem de la réduction globale des émissions, de -4,8% sur l’année écoulée, il mérite un analyse un peu poussée. 

Certes, le rythme de 2023 a été bien plus rapide que celui de 2022, qui avait été de 2,7%. Néanmoins, l’objectif européen de réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990 implique une réduction annuelle moyenne de 5% sur tout le continent. 

Trop tôt, donc, pour crier victoire ou parler de “découplage” : non seulement le chiffre n’atteint pas l’objectif que s’est fixé la France, mais surtout rien ne laisse présager que cette baisse soit imputable à une quelconque planification écologique. Les observateurs relèvent au contraire une “baisse subie”, qui concerne tous les secteurs économiques, et qui interroge sur sa pérennité. 

En ce qui concerne les ménages et le logement, la baisse est de 6%, liée principalement à la consommation de gaz de chauffage : un hiver doux, des prix du gaz élevés (+5,7%), des efforts de sobriété et d’isolation grâce à un boom des primes à la rénovation. Cette sobriété, désormais adoptée largement, pourrait se confirmer à l’avenir. 

Les émissions de l’industrie sont en baisse de 8%, tirées vers le bas par les baisses de production industrielle dans certains secteurs : ciment (-7%), acier brut (-6%), fonderies (-18% sur l’année). Les contraintes d’approvisionnement font reculer la consommation de gaz de l’industrie, certainement plus qu’un éventuel verdissement des méthodes de production.

Quoi qu’il en soit, les émissions du secteur dépassent encore les quotas de la stratégie nationale bas-carbone, et un retour de prix bas du gaz pourrait interrompre ces baisses de consommation. Le redémarrage de plusieurs réacteurs (+41,5 TWh) et les bons résultats des filières renouvelables (+25 TWh) permettent une baisse de 14%, après un pic post-covid.

Reste à savoir si, une fois les effets conjoncturels passés, les baisses se stabiliseront. Autre sujet d’inquiétude : dans les transports (16% des émissions françaises), les émissions sont globalement à la hausse (+2%), avec une incidence particulièrement forte de la reprise du transport aérien

CETA ASSEZ • Signé en 2016 avant de rentrer partiellement en vigueur en 2017, l’accord CETA avec le Canada est sous le feu des projecteurs. 

Le Sénat a largement rejeté l’article de loi (211 voix pour, 44 contre) qui autorise la ratification par la France du traité, cinq ans après sa ratification par l'Assemblée Nationale. Le gouvernement ayant fait traîner le processus, ce sont les sénateurs communistes qui en ont imposé l’examen lors de leur niche parlementaire.

Si sans surprise les partis de gauche (Écologistes, Socialistes et Communistes) l’ont rejeté d’un seul bloc, 96 des 133 sénateurs Les Républicains les ont aussi rejoints. En plein grogne du monde agricole, le CETA est contesté pour la mise en concurrence des agriculteurs ainsi que pour l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dues au transport des marchandises.

Mais l’impact économique et environnemental du CETA est encore mal évalué. La Direction générale du trésor souligne une augmentation de 33% des exportations hexagonales vers le Canada depuis 2017, soit légèrement plus que l’augmentation globale des exportations françaises (29%). Une étude d’impact et une consultation ont été ouvertes par la Commission Européenne. 

Au-delà des effets globaux, certains secteurs tricolores en ont largement bénéficié, comme l’industrie du vin et des spiritueux qui a déploré le résultat du vote, d’autres au contraire comme le secteur bovin l’ont salué. 

Le texte doit désormais retourner vers la chambre basse. Le gouvernement peut ne pas le mettre à l’agenda mais les députés communistes souhaitent l’inscrire dans leur niche le 30 mai.

En cas de rejet de l'Assemblée Nationale, en théorie, ça pourrait être la fin de l’application provisoire du CETA dans l’UE. En pratique, il reste de la marge de manœuvre même si on entre en eaux troubles.

Le Parlement chypriote en 2017 avait aussi rejeté le CETA mais le gouvernement n’a pas notifié ce rejet au Conseil de l’UE et sans notification le CETA peut continuer à s'appliquer provisoirement. Le gouvernement de Gabriel Attal pourrait donc “ignorer” le vote du parlement.

La Cour de justice de l’UE n’a jamais eu à se prononcer sur la non-ratification d’un accord commercial par un Parlement.


Notre lecture de la semaine

  • Le rapport de Philippe Aghion et Anne Bouverot sur l’intelligence artificielle remis au Premier ministre.


Cette édition a été préparée par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !


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