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Par Hexagone
27 févr. · 4 mn à lire
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Bercy rétrécit les crédits

Crédits réduits - Mais aussi : Statut des élus, salon de l'agriculture, Nouvelle-Calédonie...

Bonjour, nous sommes le 27 février 2024 et comme tous les mardis, voici votre condensé d’actualité utile sur la France. Suivez-nous également sur X et LinkedIn !


Le Briefing

Pour entamer la matinée sur les chapeaux de roues, retour technique mais nécessaire (avec des graphiques pour tout comprendre) sur l’annonce par le Gouvernement de 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques. Ces “coupes budgétaires” ont pris la forme d’un décret signé par Gabriel Attal, Bruno Le Maire et Thomas  Cazenave le 21 février, qui annule des autorisations d’engagement qui avaient été votées en loi de finances.

JEUX DE LOIS • Bercy, pour annuler les autorisations d’engagement (AE), s’appuie sur l’article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui permet au gouvernement, “afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée”, d’annuler par voie réglementaire jusqu’à 1,5% des crédits ouverts en loi de finances initiale. Et donc d'éviter de faire voter une loi de finances rectificative.

Le gouvernement a pleinement utilisé  cette faculté : ouvrant 816 milliards d’euros d’AE en comptant le budget général, les budgets annexes, les comptes de concours financiers et les comptes spéciaux, le décret pouvait au maximum annuler 12 milliards de crédits. 

Si le taux de 1,5% est donc respecté, avec une certaine marge, force est de constater que les annulations pèsent essentiellement sur le budget général (et non sur les budgets annexes), qui représente 587 milliards d’AE. Les annulations de crédits sur ce budget général, qui sont l’essentiel de l’effort (9,7 milliards sur 10) représentent en réalité 2,3% des crédits ouverts en loi de finances sur ce périmètre. 

Source : décret du n° 2024-124 du 21 février 2024Source : décret du n° 2024-124 du 21 février 2024

COURTE-PAILLE • Un tiers du coup de rabot est porté par les missions écologie, travail et emploi, recherche et enseignement supérieur. Les dispositifs d’intervention MaPrimeRénov', destinés aux particuliers, et le Fonds vert, finançant la transition écologique des collectivités, seront nettement revus à la baisse. 

En matière d’emploi et de recherche, les opérateurs bénéficiaires des crédits initialement votés devraient pouvoir amortir le choc en puisant dans leur trésorerie

Pour le reste, si la voie réglementaire permet au gouvernement de limiter la quantité d’informations qui nous parvient pour le moment, les économies semblent s’appuyer sur les mises en réserve de crédits par les ministères. Le ministère de l’éducation nationale avait par exemple mis en réserve 600 millions d’euros l’an passé, c’est-à-dire environ la somme annulée par le décret du 21 février. 

Proportionnellement à ses crédits ouverts initialement en loi de finances, c’est l’aide au développement qui subit la coupe la plus dure, près de 12% de ses crédits étant annulés. 

PRIORITÉS ET SACRIFICES • Cet effort budgétaire risque de compliquer plusieurs objectifs gouvernementaux. En particulier, l’objectif d’atteindre 0,7% du PIB d’aide publique au développement en 2025, fixé par la loi développement solidaire du 4 août 2021, semble compromis. 

La décélération des moyens alloués aux dispositifs de rénovation thermique risque de compromettre la trajectoire de rénovation du bâti très ambitieuse fixée par le gouvernement (200 000 rénovations globales / an contre moins de 100 000 aujourd’hui).  

Source : décret du n° 2024-124 du 21 février 2024, loi de finances initiale pour 2024, calculs HexagoneSource : décret du n° 2024-124 du 21 février 2024, loi de finances initiale pour 2024, calculs Hexagone

PARLEMENTATIONS • Ces débats, parfois très techniques, ne manquent pas non plus de considérations politiques. La “majorité” présidentielle à l'Assemblée nationale, qui est en fait une majorité relative, se divise sur la répartition des efforts demandés.

Au sein de Renaissance, le micro-parti En Commun!, qui comprend d’anciens membres du Parti Socialiste et de la gauche politique, on dénonce les coupes subies par les politiques du handicap et l’éducation nationale. 

Plus important encore, le MoDem, qui partage l’objectif de désendettement public, souhaiterait pouvoir financer certaines de ces coupes par de nouvelles recettes fiscales, notamment sur les plus aisés. Le MoDem avait notamment proposé en 2022 un amendement sur l’instauration d’un impôt sur les “super-dividendes”. Largement adopté, l’amendement avait été malgré tout écarté de la Loi de Finances 2023 par Bruno le Maire.

Or si pour l’instant cette grogne de certains législateurs ne devrait pas pouvoir freiner le processus réglementaire, en cas d'économies supplémentaires le gouvernement devra proposer une loi de finances rectificative. Le 18 février le ministre délégué aux Comptes Public Thomas Cazenave imaginait un “budget rectificatif à l'été, si cela s'avérait nécessaire.”

Une loi de finance rectificative qui conduirait certainement à un nouveau 49.3 et à son lot de tensions politiques, et donc peut-être même au sein de la “majorité”.

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Mais aussi

ÉLUS ET APPROUVÉS Nos lecteurs de Poitiers et d’ailleurs ont sans faute lu, dans les colonnes de la Nouvelle République, que Léonore Moncond’huy, maire du chef-lieu de la Vienne, s’apprête à interrompre son mandat pour préparer la fin de sa grossesse et les suites de son accouchement. 

Cette interruption forcée, avec perte de revenus et alors que la maire aurait souhaité poursuivre son mandat comme cela est possible en cas de congé maladie, remet au goût du jour un sujet qui va occuper les parlementaires dès la semaine prochaine. 

A partir du mardi 5 mars, les sénateurs débattront en séance publique d’une proposition de loi “portant création d’un statut de l’élu local” déposée par Françoise Gatel et Bruno Retailleau, notamment. Parallèlement, les députés Sébastien Jumel et Violette Spillebout ont déposé une proposition de loi sur le même thème devant l’Assemblée nationale. 

Pour briller dans vos dîners en ville, vous n’oublierez pas de citer le chiffre cher aux parlementaires : depuis les dernières municipales, 1293 maires, soit 3% du total, ont démissionné de leur mandat. Après une série d’agressions visant des élus locaux, le ministère de l’intérieur avait déjà lancé un “pack sécurité” pour la protection des maires ; ces propositions de loi ont une approche plus large. 

Ne rentrons pas dans les détails avant l’heure, mais notez que les deux propositions de loi ont en commun de rendre plus attractives les conditions matérielles d’exercice des élus (augmentation des indemnités, facilités de transports et modalités logistiques du mandat, etc.). 

Les parlementaires veulent également faciliter l’intégration du mandat dans des carrières professionnelles : en permettant de cotiser un trimestre supplémentaire par mandat, en validant des compétences au titre de la formation pendant le mandat… 

Le projet des sénateurs veut aussi lever des freins à la candidature en octroyant des autorisations d’absence supplémentaires aux candidats, comme c’est le cas pour les élections législatives par exemple.

Reste à savoir si les débats conserveront les grands points de ces textes, notamment sur les mesures les plus coûteuses. Nos rédacteurs vous le feront savoir au moment venu.

SALOON DE L’AGRICULTURE Plus d’un mois après le début des blocages des autoroutes par des agriculteurs, le sujet continue à coller aux doigts d’Emmanuel Macron. Le 60e Salon de l’agriculture, marqué par des huées et des bousculades, restera dans les annales parmi les plus tendus avec six interpellations et huit blessés parmi les forces de l’ordre.

En effet, le 24 février, des centaines de manifestants, conduit par des représentants de syndicats, notamment la FNSEA ou les Jeunes Agricoles, ont forcé l'entrée du Salon avant de se heurter violemment aux forces de l’ordre.

Dans un contexte tendu depuis décembre, l’annonce d’un “grand débat” avec des agriculteurs, des industriels, des distributeurs et des associations devait servir de soupape, à  l’image du “grand débat” à  la suite du mouvement des gilets jaunes. Mais entre revendications et vexations autour de l’invitation avortée des Soulèvements de la terre, l’initiative s’est transformée en un débat improvisé dans les allées du SIA.

L’occasion pour Emmanuel Macron de faire de nouvelles annonces, notamment un droit à l'erreur pour les agriculteurs, la reconnaissance de l’agriculture comme un intérêt général majeur et la création d’un plan de trésorerie d’urgence, ainsi qu’un principe selon la France n’interdira des pesticides qu’après leur interdiction à l’échelle européenne.

Surtout, le Président a annoncé l’instauration de prix planchers pour les distributeurs, une demande répétée de La France Insoumise qui fut pourtant longtemps une ligne rouge pour l'exécutif. Il s’agira d’un système par filière avec un “prix minimum, en dessous duquel le transformateur ne peut pas acheter et le distributeur ne peut pas vendre.”

Ces prix plancher devraient se fonder sur les indicateurs de coûts de production établis par l’INSEE qui sont plus ou moins bien pris en compte selon les secteurs - le prix du lait constaté étant par exemple souvent en-deçà de cet indicateur.

Rendez-vous est pris dans “trois semaines” à l’Elysée pour plus de précisions, et le 20 mars pour la présentation du projet de loi d’orientation agricole au conseil des ministres. Une nouvelle loi EGalim (dont nous vous expliquions le principe ici) est aussi prévue pour cet été.

HAUTE TENSION À NOUMÉA • Gérald Darmanin, Eric Dupont-Moretti et Marie Guévenoux, ministre des Outre-mer, se sont rendus en Nouvelle-Calédonie pour deux jours, du 21 au 23 février. Le trio a notamment inauguré le nouveau centre de détention de Koné, ouvert l’année dernière sur la côte ouest de Grande Terre. 

Cette visite a déclenché des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. Le parti indépendantiste de l’île, à l’origine de la mobilisation, s’oppose au projet de réforme constitutionnelle présenté en conseil des ministres par M. Darmanin le 29 janvier, qui vise à ouvrir le corps électoral aux personnes résidant depuis plus de dix ans dans l’île. 

Cette question cristallise les tensions, alors que les indépendantistes ont boycotté le dernier référendum d’autodétermination de 2021 et que des élections provinciales devraient se tenir d’ici à la fin de l’année.


Nos lectures de la semaine

  • Ce rapport du ministère de l’Economie recommande 14 mesures pour simplifier la vie des chefs d'entreprises, via une loi ambitieuse dès le premier semestre 2024. Dans le viseur : l’inflation normative et l’absence d’une politique publique de simplification.


Cette édition a été préparée par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !

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