Hexagone

Hexagone propose un résumé hebdomadaire concis, bien documenté et informatif de ce qui fait l'actualité en France.

image_author_Hexagone_null
Par Hexagone
2 avr. · 4 mn à lire
Partager cet article :

Chômage: une nouvelle réforme

Chômage: une nouvelle réforme • Mais aussi — Proportionnelle, Ukraine…


Bonjour. Nous sommes le 2 avril 2024 et comme tous les mardis, nous vous avons concocté un condensé de l’actualité utile en France. Suivez-nous également sur X et LinkedIn !


Le Briefing

France Travail à peine installé, et dans un contexte d’un ralentissement économique caractérisé par la persistance de difficultés de recrutement, le gouvernement remet sur la table le sujet de la réforme de l’assurance chômage. 

Assemblée nationale @JebulonAssemblée nationale @Jebulon

RÉFORMES Le conseil d’administration de France Travail s’est réuni le vendredi 29 mars pour entériner la réforme de 2023 (loi du 18 décembre 2023 qui a créé l’opérateur). La réforme se met en place alors que le Premier ministre a annoncé le 27 mars un nouveau resserrement des conditions d’indemnisation. 

Depuis 2018, les règles ont été nettement durcies, tant en matière de durée d’indemnisation que de période de cotisation pour ouvrir des droits. Une dégressivité des allocations pour les hauts salaires a été introduite, ainsi qu’une modulation de la durée d’indemnisation des chômeurs en fonction de la conjoncture - la logique étant que les conditions d’indemnisation doivent être moins favorables lorsque les entreprises peinent à recruter. 

Le Premier ministre, au terme d’un “séminaire gouvernemental” sur le sujet de l’emploi, a annoncé une nouvelle réforme dans l’année. Sans en détailler le contenu, il a admis que la durée d’indemnisation était principalement visée. Celle-ci devrait être réduite, sans passer en-deçà d’un seuil bas de 12 mois (contre 18 mois actuellement).

SERRER LA VIS Le gouvernement a par ailleurs fixé au début du mois de mars l’objectif ambitieux de porter à 1,5 millions le nombre de contrôles de recherche d’emploi qui conditionne la perception des allocations. Un bilan de ces contrôles avait été fait en 2021, montrant qu’ils avaient abouti à la radiation d’un chômeur sur six au terme d’une procédure de vérification contradictoire. 

Cette nouvelle réforme découle d’un diagnostic du chômage comme étant en grande partie volontaire. Elle présente une finalité budgétaire, alors que les allocations chômage, financées par des cotisations obligatoires, s’élèvent chaque année à 45 milliards d’euros : à plusieurs reprises dans un passé récent, le Président de la République a avancé que si la France affichait le même taux d’activité et de chômage que l’Allemagne, elle n’aurait pas de problème de finances publiques. Dans un contexte de dérapage des comptes publics, cette réforme viserait à contribuer à la résorption des déficits sans recourir à l’impôt. 

TRAVAILLER PLUS Si le gouvernement met en avant le chiffre de 2,5 millions de créations de postes depuis 2017, le taux de chômage s’élève encore à 7,5% en France contre 3,1% en Allemagne ou 5,5% en Belgique. En parallèle, le gouvernement mène le chantier de la “désmicardisation”, annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale, qui passe notamment par l’accélération de la négociation collective pour les branches dont les grilles salariales sont à la traîne. 

Quel que soit son contenu, la nouvelle réforme risque de donner du travail supplémentaire aux partenaires sociaux qui s’étaient mis d’accord sur un certain nombre de sujets le 28 novembre dernier avec la signature d’une nouvelle convention, applicable normalement sur 4 ans, qui tirait notamment les conséquences de la précédente réforme. La copie sur les sujets restants (notamment l’assurance-chômage des séniors) devait être rendue pour le 26 mars, mais les partenaires sociaux ont demandé au gouvernement un report au 8 avril pour parvenir à un accord.


Hexagone fait désormais partie de Footnotes, le média qui rassemble les newsletters d’un monde complexe. Une douzaine d’experts vous éclairent chaque semaine sur leur thématique de prédilection.

Découvrez tous nos contenus ici et suivez-nous sur LinkedIn.

Vous pouvez vous abonner directement à nos newsletters : Hexagone, What’s up EU, Lettre d’Allemagne, Cafétech, Ludonomics, et Blocs.


Mais aussi

PROPORTIONNELLE C’est une promesse de 2017 qui prend un peu la poussière : introduire une dose de proportionnelle dans les élections législatives. Une proposition reprise la semaine dernière par deux alliés d’Emmanuel Macron, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yael Braun-Pivet et le patron du Modem François Bayrou qui lui avait soufflé l'idée en 2017. 

Si le scrutin uninominal à deux tours a le mérite de donner le plus souvent des majorités claires et éviter des coalitions bancales comme sous la IIIème République ou encore aux Pays-Bas aujourd’hui, il peut produire des parlements peu représentatifs de l’opinion publique.

D'où l'idée d’un compromis avec entre 15% et 25% des sièges attribués proportionnellement. Si une proportionnelle “intégrale” dans chaque département avait été mise en place pour le scrutin de 1986 - avec notamment la rentrée de 35 députés Front National - une proportionnelle “partielle” serait inédite et le diable se cache dans les détails.

En effet, comment seront élus les députés “proportionnels”? Yael Braun-Pivet, souhaitant éviter un découpage complexe, a proposé le 23 mars la proportionnelle uniquement dans les départements comprenant 11 députés ou plus, soit 152 des 577 députés. 

Elle reprend une proposition de loi… du Modem (qui visait un seuil de 12 députés) ! En 2021 le parti centriste avait proposé la même mesure, mais dans un mauvais timing, cette dernière avait été balayée en pleine crise sanitaire.

Pour autant le Modem souhaite ne pas se faire voler sa thématique. Au congrès de Blois le 26 mars, François Bayrou a suggéré un référendum pour trancher le sujet en cas de blocage. Sans pour autant détailler les modalités de son mode de scrutin de préférence, lui qui a par le passé aussi été partisan de revenir au modèle “intégral” de 1986.

Au delà de la réticence mécanique des députés à changer le scrutin par lequel ils ont été élus - avec une proportionnelle complete Renaissance et alliés auraient “perdu” entre 63 et 95 sièges, entre 10 et 20 avec un proportionnelle partielle - le dernier scrutin a finalement produit une Assemblée Nationale assez représentative du pays avec notamment 89 députés RN.

Sylvain Maillard, le patron du groupe Renaissance mène la contre-offensive: “Un député qui serait élu à la proportionnelle passerait son temps à grenouiller à Paris, au siège de son parti, à se faire bien voir pour espérer figurer à une bonne place dans la future liste aux législatives. Or, un député doit être à portée d’engueulade.”

Yael Braun-Pivet va continuer à consulter les chefs de partis avec l’ambition d’un vote sur un projet ou une proposition de loi en 2025.

MISSILES DE FRANCE Alors que l’Europe s’efforce de répondre seule à l’appel à l’aide de l’Ukraine, avec un an d’avance sur les scénarios donnant l’otanosceptique Donald Trump gagnant aux Etats-Unis, l’adaptation de l’industrie de défense se fait à marche forcée.

Passée la première vague de fourniture de véhicules et de systèmes d’artillerie, ce sont principalement les producteurs de munitions qui sont sollicités. L’objectif du million d’obus produits et fournis en un an est définitivement enterré : il avait été formulé en mars 2023, et l'Ukraine déclarait n'avoir reçu début mars 2024 que 30% du nombre promis. En remplacement, les européens s’efforcent d’acheter hors de leurs frontières les 800.000 obus de 155mm et 122mm que la Tchéquie a pu identifier sur des marchés étrangers.

En revanche, impossible d’acheter hors d’Europe les missiles, dont la production est autrement plus complexe que celle des obus d’artillerie. L’entreprise MBDA, qui pointait à 3,5 milliards de commandes dans les années 2010, a enregistré en 2023 9,9 milliards de commandes, en hausse de 10% par rapport à 2022, et pour un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros. Cela porte à 28 milliards le carnet de commandes total de cette société, qui était jusqu’ici porté par les commandes liées aux ventes de Rafales et de navires. 

Mais les temps de production incompressibles des missiles menacent leur disponibilité pour l’Ukraine, alors que la France a tiré plus d’une vingtaine d’Aster en mer Rouge depuis le mois de décembre. 

Votée dans le contexte de l’aide à l’Ukraine, la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit précisément un mécanisme facilité de réquisition par l’Etat des moyens de production d’armes. Maniant la carotte et le bâton, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a rappelé mercredi dernier qu’il n’hésiterait pas à user de ce pouvoir, alors que l’Etat a investi à des niveaux inédits en 2023 pour donner de la visibilité financière aux industriels de défense. À travers la Direction générale de l'armement, 20 milliards d'euros ont été commandés, soit le double de la moyenne annuelle du quinquennat Hollande. 

De cet effort dépend un enjeu de réarmement, mais également de réputation. Nous en parlions dans une édition précédente, un rapport du Kiel Institute for the World Economy (Allemagne) présentait la France comme le 14ème contributeur en valeur à l’effort européen de fourniture d’armes, et mettait en cause les méthodes tricolores d’évaluation des montants d’aide. 

Pour y répondre, le Ministère des affaires étrangères a publié la semaine passée un bilan des équipements livrés. Caviardé par endroits pour ne pas livrer trop d'informations aux renseignements russes, notamment sur les nombres de missiles Aster ou Scalp, il chiffre à 2,6 milliards le montant apporté en nature, à rapprocher des 1,8 milliards estimés par le Kiel Institute. La France a également abondé à hauteur de 1,2 milliards le fonds européen d’achat de matériel pour l'Ukraine, la “Facilité européenne pour la paix”.


Notre lecture de la semaine

  • Le rapport annuel du Défenseur des droits.


Cette édition a été préparée par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !


...