Hexagone

Hexagone propose un résumé hebdomadaire concis, bien documenté et informatif de ce qui fait l'actualité en France.

image_author_Hexagone_null
Par Hexagone
23 avr. · 5 mn à lire
Partager cet article :

Violences : Sursaut d’autorité ou réponse pénale ?

Violences : Sursaut d’autorité ou réponse pénale ? • Mais aussi — Friches fraîches, Défi déficit, Sites pornographiques…


Bonjour. Nous sommes le 23 avril 2024 et comme tous les mardis, nous vous avons concocté un condensé de l’actualité utile en France. Suivez-nous également sur X et LinkedIn !


Le Briefing

Vendredi dernier, 18 avril, Gabriel Attal marquait son centième jour à Matignon en tenant un discours à Viry-Châtillon, commune située entre Fleury-Mérogis et Orly, théâtre le 4 avril d’une agression meurtrière devenue symbole des violences entre mineurs.

Ce discours a été abondamment commenté et précisé au long du week-end, mais au-delà des annonces par trop sibyllines pour être analysées à ce stade, on voit s’y esquisser les contours d’une future réforme du droit pénal des mineurs. L’occasion de faire un point (prospectif) sur ses tenants et aboutissants. 

Heinrich Aldegrever - Le Père sévère (1553) @Musée du Louvre.Heinrich Aldegrever - Le Père sévère (1553) @Musée du Louvre.

MINORITÉ RELATIVISÉE Quelques jalons : le régime pénal des mineurs actuels est né d’une ordonnance de 1945 “relative à l'enfance délinquante”. Après plus de soixante modifications, le régime est constitué de textes disparates et réunis dans un nouveau “code de la justice pénale des mineurs” adopté en 2021. Les mineurs bénéficient d’un régime plus ou moins doux selon leur âge, avec des seuils à 10, 13 et 16 ans. Les mineurs de moins de 13 ans sont notamment présumés dépourvus de discernement et donc de responsabilité pénale. 

Parmi les nombreuses annonces du 18 avril, plusieurs concernent précisément une réforme de ce droit pénal spécial. 

Deux posent question au regard du principe de personnalité des peines, selon lequel une personne n’est punissable que de son propre fait. Il est envisagé des amendes pour les parents dont les enfants ne se rendent pas à une convocation du juge pour enfants, et des travaux d’intérêt général pour les parents “défaillants”, sans que ce dernier terme ne soit à ce stade plus explicité. 

D’autres entendent durcir les sanctions pénales encourues par les délinquants mineurs. En particulier, Gabriel Attal a évoqué un prochain débat sur le principe dit de “l’excuse de minorité”, qui diminue de moitié la peine normalement encourue, de façon obligatoire en dessous de 16 ans, et sauf exceptions de 16 à 18 ans. Un renversement de ce principe, qui reviendrait à baisser la majorité pénale à 16 ans, était au programme présidentiel de LR et du RN en 2022. 

Dans le même mouvement, les 16-18 ans pourraient à l’avenir être concernés par la comparution immédiate, mettant à bas le principe du code actuel dit de la “césure pénale”, au nom duquel les mineurs sont jugés en deux temps, d’abord pour qualifier leur culpabilité, puis plusieurs mois plus tard pour déterminer leur peine, sauf cas déjà prévus où une audience unique est possible. Le Syndicat de la magistrature (marqué à gauche) comme l’Union syndicale des magistrats (majoritaire) soulignent leur opposition face à ce qu’ils qualifient d’ “aggravation de la répression”. 

CONCERTATION Au-delà de l’excuse de minorité, Gabriel Attal a esquissé plusieurs pistes qui doivent être explorées au cours d’une concertation lors des huits prochaines semaines.

Ces propositions couvrent divers domaines tels que le contrôle de l'utilisation des écrans avec une majorité numérique fixée à 15 ans ou la scolarité - obligation pour les collégiens d'être présents dans leur établissement de 8 heures à 18 heures, possibilité de retrait de points au brevet ou au baccalauréat et mention sur le dossier Parcoursup en cas de perturbation grave dans l'enceinte scolaire.

Cette idée de concertation était en gestation depuis plusieurs semaines, avec Emmanuel Macron lui-même qui souhaitait prendre pour modèle le Grenelle sur les violences conjugales de 2019.

En parallèle l’opinion publique est demandeuse d’un durcissement face aux violences juvéniles. 67% des français seraient favorables à la mise en place d’un couvre-feu à partir de 23 heures pour les mineurs selon le sondeur CSA. Une mesure désormais appliquée à Pointe-à-Pitre avec un couvre-feu dès 20 heures suite à l'augmentation de l'insécurité en Guadeloupe. 

ÉMEUTES ET MINEURS Concordance des temps, le 17 avril le député LR Patrick Hetzel, en vertu des pouvoirs conférés par son statut de membre de la Commission des Finances a effectué un “controle sur pieces et sur place” afin d’obtenir du ministère de la Justice les données sur le suivi judiciaire des émeutes de l'été dernier, et tout particulièrement le suivi des affaires impliquant des mineurs.

Après plusieurs courriers adressés à la Chancellerie qui seraient restés lettre morte selon le Figaro, le député a fait le choix de se rendre sur place. Si ses demandes couvrent de nombreux sujets, sur le sujet des mineurs il relève que sur “1 660 mineurs poursuivis, 174 parents ont été condamnés».

VIOLENCES : MINORITY RAPPORTS Une démarche qui demande une mise en contexte. Au-delà des faits divers sordides et des émeutes de l'été dernier, qu’en est-il de la violence des mineurs en France?

Le rapport de l’Inspection générale de la justice et de l’Inspection générale de l’administration de septembre dernier identifiait 28% des mis en cause lors des émeutes comme étant mineurs (soit trois fois plus que les affaires reçues par les parquets en 2022). Une autre étude du service évaluation recherche contrôle de la protection judiciaire de la jeunesse établissait que 31,8% des mineurs arrêtés avaient déjà fait l’objet de poursuites pénales.

En parallèle, le nombre d’incidents graves dans les écoles est aussi en augmentation. Les inspecteurs de l'Education nationale ont identifié en moyenne 4,6 incidents graves pour 1000 écoliers en 2022-2023 (contre 3 l'année précédente) et 13,7 pour 1000 au secondaire (contre 12,3 en 2021-2022).

Pour ce qui des homicides, si la part des mineurs parmi les mis en cause reste stable autour de 7 à 9%, en valeur absolue, le nombre total de mineurs mis en cause augmente, au rythme de l’augmentation progressive du nombre total d’homicides depuis 2016.


Hexagone fait partie de Footnotes, le média qui rassemble les newsletters d’un monde complexe. Une douzaine d’experts vous éclairent chaque semaine sur leur thématique de prédilection.

Découvrez tous nos contenus ici et suivez-nous sur LinkedIn.

Vous pouvez vous abonner directement à nos newsletters : Hexagone, What’s up EU, Lettre d’Allemagne, Cafétech, Ludonomics, et Blocs.


Inter alia

DÉFI DÉFICIT • Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a rendu son avis, le 17 avril dernier, sur le Programme de stabilité (PSTAB) qui sera envoyé par le gouvernement à Bruxelles. Il note des modifications substantielles par rapport à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) votée à l’automne 2023 : trajectoire de croissance revue à la baisse (-0,8 points sur 2023 - 2025), prévision de déficit à la hausse (5,5% en 2024 et 5,1% en 2025 en hausse de 0,6 et 0,7 points respectivement), tout comme le ratio dette/PIB qui devrait atteindre 112% en 2027, soit 4 points de plus que prévu. 

Malgré cela, le HCFP pointe encore des hypothèses gouvernementales irréalistes : le PSTAB se fonde sur un écart de production négatif par rapport au PIB potentiel jusqu’en 2027 (en clair, que l’économie française sera en rattrapage dans le cycle économique sur 8 ans, ce qui ne s’observe jamais dans les analyses ex post). Or, le déficit structurel est calculé sur ce PIB potentiel : surestimer ce dernier conduirait à afficher un déficit structurel meilleur qu’il ne l’est en réalité. 

Comme entre 2009 et 2018, la Commission européenne va sans doute reprendre son rôle de croque-mitaine. La France a désormais toutes les chances de retrouver une situation qu’elle connaît bien : celle de la procédure pour déficit public excessif. Après l’échéance des élections européennes, la Commission devrait placer l’hexagone sous surveillance. Si, avec les nouvelles règles du Pacte de stabilité et de croissance, (qui devraient être définitivement approuvées en avril) la France pourra négocier sa trajectoire de réduction du stock de dette, elle devra néanmoins se conformer à la règle de réduction de son déficit de 0,5 point de PIB par an. Sans quoi, sa crédibilité dans les instances européennes serait nettement affectée, entre autres sujets dans sa défense d’un emprunt commun pour financer la défense européenne. 

LE CHANT DES SREN Sans tambour ni trompette, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) a été adopté le 10 avril dernier. Ce texte contient plus d'une trentaine d'articles, dont il faut retenir quatre grands actes thématiques. 

  • Limitation effective des plateformes pornographiques aux internautes majeurs;

  • Cadre clarifié pour les infractions et délits de la vie en ligne (cyber harcèlement, propos haineux, arnaques en ligne), avec création d'un délit spécifique aux “deepfakes” ;

  • Encadrement plus strict des entreprises de plate-forme, jeux à micro-achats, services de cloud ;

  • Transposition des règlements DSA et DMA avec l'intégration de nouvelles missions pour la Cnil et l'Arcom. 

Le conseil constitutionnel, saisi par 120 députés jeudi passé, ne s'est pas encore prononcé ; le risque de censure est minime, hormis sur les dispositions concernant le délit d’outrage en ligne. 

Quoi qu'il en soit, le débat ne fera que commencer, après promulgation, sur la mise en œuvre effective de certaines mesures comme le blocage des sites pornographiques aux mineurs. L'Arcom est chargée de rédiger un référentiel technique qui sera soumis à consultation avant validation. Le verrou technique envisagé pourrait reposer sur l'enregistrement d'une carte bancaire, avec ce que cela compte de risques de contournement. A noter également : dans la version actuelle, seuls seront concernés les sites situés en France ou hors de l'UE. 

DOUBLE RATION DE FRICHES Le gouvernement a dévoilé le 17 avril dernier la liste de 55 friches “clés en main” où des industriels pourront implanter de nouveaux sites de production en France. Selon la Stratégie nationale de mobilisation du foncier industriel remis en juillet 2023, 20 000 hectares de foncier seront nécessaires pour atteindre les objectifs gouvernementaux de réindustrialisation.

Méthode : à l’occasion du 33ème Congrès des intercommunalités de France en octobre 2023, le gouvernement avait annoncé lancer un recensement des sites susceptibles d’accueillir une production industrielle, au moyen d’un formulaire en ligne. Parmi les 55 sites retenus, 28 ont été proposés par des collectivités territoriales, 11 par des entreprises privées et 16 par des structures publiques. L’Etat s’engage à assurer une instruction des autorisations plus rapides sur ces friches et l’investisseur pourra bénéficier d’études d’ingénieries ou encore d’un diagnostic de dépollution.

L’identification du site d’implantation idoine est un des enjeux majeurs pour les entreprises industrielles dans un contexte de raréfaction du foncier (même si le “zéro artificialisation nette” dispose désormais de nombreuses flexibilités pour qu’il ne soit pas un frein à la réindustrialisation). Sans compter que les conflits d’usage autour des terres et des ressources mobilisent contre les projets industriels : le collectif STop Micro s’est ainsi félicité le 15 avril dernier de la suspension du projet d’extension dans l’Isère du fabricant de semi-conducteurs français SOITEC. 


Nos lectures de la semaine

  • Ce livre de Corinne Deloy qui, à l'approche des élections européennes, se penche sur l'évolution des tendances électorales en Europe sur ce premier quart de siècle.

  • Ce rapport du Conseil National des Barreaux, qui revenait en juillet 2023 sur les deux premières années du code de justice pénale des mineurs

  • Cette toute fraîche décision du Conseil constitutionnel qui se prononce sur les exigences relatives aux études d'impact accompagnant les projets de loi 


Cette édition a été préparée par François Valentin, Étienne Rabotin et Ghislain Lunven de Chanrond. À la semaine prochaine !



...